Cass. 1re civ., 15 octobre 1996, n° 94-21.113
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Baruffaldi (Sté)
Défendeur :
Prot, CPAM de l'Essonne, Valdevit
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Chartier
Avocat général :
M. Roehrich
Avocats :
SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.
LA COUR : - Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 27 février 1972, alors qu'il circulait en motocyclette sur une autoroute, M. Prot a été heurté par un oiseau à hauteur de l'oeil droit, grièvement blessé et énucléé ; que, soutenant avoir porté des lunettes Baruffaldi incassables qui lui avait été vendues par M. Valdevit et qui avaient causé la perte de l'oil, M. Prot a, par acte du 26 juin 1990, assigné celui-ci en responsabilité ; que M. Valdevit a appelé en garantie la société Baruffaldi ; qu'un jugement a déclaré recevable l'action engagée par M. Prot, désigné le professeur Hamard en qualité d'expert et sursis à statuer sur l'ensemble des demandes ; que l'arrêt attaqué (Paris, 27 avril 1994) a, au vu du rapport d'expertise réalisé par M. Hamard et Mme Rudler qu'il s'est adjointe, déclaré recevable l'action engagée par M. Prot, dit cette société et M. Valdevit responsables sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, dit la société Baruffaldi tenue à garantir M Valdevit de toutes condamnations et, avant-dire droit, sur la réparation, commis un expert pour recueillir tous éléments permettant d'évaluer le préjudice ;
Sur le troisième moyen, qui est préalable : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen : - Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré opposable à la société Baruffaldi l'expertise réalisée par M. Hamard et Mme Rudler, alors, selon le moyen, que les parties doivent être convoquées aux mesures d'instruction par l'expert commis, même si celui-ci leur communique par la suite son rapport, et qu'en ne recherchant pas si la société Baruffaldi avait été effectivement convoquée à l'expertise menée par Mme Rudler, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel relève que la société Baruffaldi ne conteste pas que le rapport d'expertise technique de Mme Rudler, que s'était adjointe M. Hamard sur le fondement de l'article 278 du nouveau Code de procédure civile, lui a été communiqué par celui-ci et qu'il lui appartenait de contester, par un dire à cet expert, ses conclusions et de demander à examiner les lunettes litigieuses, ce qu'elle n'a pas fait ; que l'arrêt est ainsi légalement justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné solidairement la société Baruffaldi, fabricant, et M. Valdevit, vendeur, alors, selon le moyen, que la responsabilité du fabricant pour les défauts d'une chose la rendant impropre à sa destination ne peut être mise en jeu que sur le fondement de la garantie des vices cachés et qu'en faisant néanmoins reposer la condamnation de la société Baruffaldi sur l'application de la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil par fausse application et l'article 1641 du même Code par refus d'application ;
Mais attendu que le fabricant, comme le vendeur professionnel, sont tenus de livrer des produits exempts de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens; et que la cour d'appel, qui a relevé que l'acheteur était en droit d'attendre que la solidité des lunettes soit conforme à leur destination de lunettes de motocycliste, a exactement retenu l'existence d'une responsabilité contractuelle du fabricant pour manquement à son obligation de sécurité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches : - Vu l'article 1147 du Code civil ; - Attendu que, pour condamner la société Baruffaldi solidairement avec M. Valdevit, la cour d'appel retient que si la présence d'un corps étranger de verre ou d'autre nature n'est pas mentionnée dans les documents médicaux, il est toutefois plausible, selon l'expert, que l'impact des lunettes ait provoqué un effet d'explosion et que le traumatisme de l'oeil droit est compatible avec l'impact à grande vitesse d'un volatile sur les lunettes de motocycliste de M. Prot ;
Attendu que la cour d'appel, qui s'est ainsi prononcée par des motifs hypothétiques, sans rechercher quel avait été le rôle des lunettes dans la perte de l'oeil de M. Prot, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 avril 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.