CE, 3e et 5e sous-sect. réunies, 28 mars 1990, n° 72262
CONSEIL D'ÉTAT
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Acopasa (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Coudurier
Rapporteur :
M. Le Chatelier
Avocat :
Me Delvolvé.
LE CONSEIL : - Vu le mémoire sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 septembre 1985 et 13 janvier 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés pour la société Acopasa, société anonyme de droit espagnol, inscrite au registre du commerce de Pampelune, dont le siège social est à Cintruenigo, province de Navarre (Espagne), représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'État annule, pour excès de pouvoir, l'arrêté interministériel du 12 juillet 1985 portant suspension de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de conserves d'asperges originaires d'Espagne, de type "Pic-Nic", de la marque "Acopasa" fabriquées en 1984 en Espagne ; - Vu les autres pièces du dossier ; - Vu l'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs et modifiant certaines dispositions de la loi du 1er août 1905 ; - Vu le décret du 11 avril 1984 ; - Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; - Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs : "En cas de danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger le ministre chargé de la consommation et, selon le cas, le ou les ministres intéressés entendent sans délai les professionnels concernés et au plus tard quinze jours après qu'une décision de suspension a été prise " ;
Considérant qu'en application de ce texte, le ministre de l'agriculture, le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale et le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget et de la consommation ont pris, le 12 juillet 1985 un arrêté portant suspension de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de conserves d'asperges originaires d'Espagne, qui fait l'objet du présent pourvoi ;
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué : - Considérant que si la société requérante soutient que la décision attaquée est illégale pour ne pas avoir été précédée d'une procédure contradictoire, la loi du 21 juillet 1983, par les termes mêmes des dispositions précitées, a entendu exclure à cette phase une telle obligation; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire aurait été méconnu, ne saurait être accueilli ;
Considérant, d'autre part, que si le rapport technique du médecin inspecteur départemental de la santé du Calvados visé par l'arrêté interministériel ne porte pas de date, il ressort de ses termes même qu'il a été rédigé à la fin du mois de juillet 1984 ; qu'ainsi l'omission de sa date n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté qui la vise ;
Considérant enfin que le danger grave encouru par les consommateurs auquel l'arrêté en date du 10 août 1984 avait entendu répondre n'ayant pas disparu, l'administration pouvait légalement édicter de nouveau la même mesure, sans procéder à un nouvel examen de l'affaire, à condition de la motiver ; que l'arrêté attaqué ait visé les pièces déjà visées dans le précédent arrêté annulé, ne saurait donc l'entacher d'illégalité ;
Sur la légalité interne : - Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les intoxications alimentaires survenues en juillet 1984, dans le département du Calvados, étaient imputables à l'ingestion d'asperges provenant de conserves "Pic-nic" fabriquées en Espagne en 1984 par la marque Acopasa, laquelle commercialisait sous son sigle, outre ses propres produits, d'autres conserves fabriquées dans des conditions indéterminées ; qu'ainsi, l'administration n'a pas fondé sa décision sur les faits matériellement inexacts ni fait, compte tenu du danger grave et immédiat encouru par les consommateurs, une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en limitant l'interdiction aux seules asperges de la marque Acopasa ;
Considérant que, compte tenu de son objet, la mesure attaquée ne saurait être regardée comme une entrave à la libre circulation des marchandises, prise en violation de l'accord passé entre la communauté économique européenne et l'Espagne;
Considérant enfin, que la mesure attaquée ne disposant que pour l'avenir, ne comporte aucune portée rétroactive ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Acopasa ne peut qu'être rejetée ;
Décide :
Article 1er : La requête de la société Acopasa est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Acopasa et au ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et du budget.