CA Pau, 1re ch., 29 novembre 1995, n° 93000777
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Coop de Céréales Maisadour (Sté)
Défendeur :
Caillor (Sté), Castets, tsoustis, UCAAB
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Delcroix
Conseillers :
Mmes Massieu, Ville
Avoués :
SCP Longin P&C, Mes Vergez, Galinon
Avocats :
Me de Brisis, SCP Vidalies-Ducamp, Mes Loustalot-Forest, Dov Haccoun.
Les faits - La procédure :
La SA Caillor qui exploite une entreprise de production industrielle de cailles a décidé à la fin de l'année 1991, sur recommandation du Docteur Castets, vétérinaire exerçant à titre libéral et qui est son conseil habituel, d'ajouter à l'alimentation des cailles des anti-infectieux, jurazolidone et tétracicline.
Elle a alors passé commande à son fournisseur habituel, la Coopérative Maisadour un aliment médicamenteux à base de jurazolidone qui lui a été livré avec ordonnance du Docteur Tsoutsis, ce dernier étant un vétérinaire salarié de l'UCAAB, organisme vendant notamment des pré-mélanges médicamenteux et offrant les prestations d'un vétérinaire, auquel adhérait Maisadour.
Suite à une diminution importante de la ponte, la SA Caillor a obtenu en référé la désignation d'un expert, le Docteur Daulouede avec mission notamment de rechercher les causes du sinistre. Ultérieurement, Madame Leborgne a été désignée comme sapiteur de l'expert, aux fins de fixation du préjudice subi par la SA Caillor.
Sur la base du rapport Daulouede clos le 18 juin 1992, concluant à une quantité trop élevé de jurazolidone dans l'aliment médicamenteux, à l'origine du sinistre ainsi que du rapport de Madame Le Borgne, clos le 22 juillet 1992, la SA Caillor a assigné la Coopérative Maisadour devant le Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan aux fins de voir cette dernière être déclarée responsable de son préjudice et condamnée par suite à lui payer diverses sommes en réparation de celui-ci.
La Coopérative Maisadour a alors appelé dans la cause le Docteur Tsoutsis, la société Castets et l'UCAAB, demandant à être mise hors de cause et à défaut à être relevée et garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.
Aux termes d'un jugement en date du 28 janvier 1995, le tribunal a :
- dit n'y avoir lieu à renvoyer l'examen de l'affaire à la mise en état ;
- déclaré Maisadour responsable subi par la société Caillor ;
- condamné Maisadour a payer à cette dernière la somme de 4 103 456 F, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation et au Docteur Castets la somme de 3 500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- dit que Monsieur Tsoutsis et l'UCAAB releveraient et garantiraient Maisadour les sommes mises à sa charge à concurrence de 60 % ,
- mis hors de cause la société Caillor et le Docteur Castets ;
- sursis à statuer sur les demandes de réparations des préjudice complémentaires invoqués par la SA Caillor,
- renvoyé l'examen du surplus des demandes de celle-ci à l'audience de Mise en Etat du 8 mars 1993 à laquelle chaque partie devrait conclure ;
- réservé les dépens,
- ordonné l'exécution provisoire ;
Par un second jugement en date du 13 janvier 1994, la même juridiction a statué comme suit :
" Fixe à 290 000 F le solde du préjudice subi par la SA Caillor.
Condamne la Coopérative Maisadour à payer à la société Caillor la somme complémentaire de 290 000 F, outre intérêts aux taux légal à compter de l'assignation ;
Dit que Constantin Tsoutsis et l'Union des Coopératives Agricoles d'Aliments du Bétail
- (UCAAB)°relèveront et garantiront Maisadour des sommes mises à sa charge à concurrence de 60 % ;
Condamne la société Maisadour Coopérative Agricole de céréales et Approvisionnement, Constantin Tsoutsis et l'Union des Coopératives Agricoles d'aliments du Bétail (UCAAB), dans la même proportion que ci-dessus :
A payer à la SA Caillor la somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, à l'exception de la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, à l'exception de la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qui suivra le même sort que les dépens ".
La société Coopérative de Céréales Maisadour par actes séparés a interjeté appel des décisions sus-mentionnées dans des conditions de formes et de délai qui n'apparaissent pas contestables.
Suivant ordonnance du 28 juin 1994, le Magistrat de la Mise en Etat a joint les procédures nées de ces recours respectifs.
La clôture de la procédure à été prononcée par ordonnance en date du 23 octobre 1995.
Les prétentions des parties :
A l'appui de son recours, la Coopérative Maisadour indique qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à sa charge puisqu'elle a correctement fabriqué et livré le produit commandé, en vertu d'ordonnances prescrites tant par le Docteur Tsoutsis que le Docteur Castets ; que le Docteur Tsoutsis était tenu à diverses obligations légales et contractuelles qu'il n'a pas respectées et à manifesté une négligence certaines en ne vérifiant pas l'absence de toxicité de la dose prescrite ; que de même, ainsi que souligné par l'expert, le Docteur Castets, l'a induite en erreur ; qu'il reste que le processus de fabrication s'est déroulé normalement, le manquement à l'origine du dommage étant intervenu lors de l'élaboration théorique du dosage qui ne lui incombait pas, mais relevait de la compétence du vétérinaire prescripteur.
Elle précise que le Docteur Tsoutsis a signé le cahier des fabricants et que d'ailleurs la visite de ce vétérinaire, du 26 septembre 1991, correspondait à la mise en fabrication, que le Docteur Tsoutsis qui reconnaît ne pas avoir respecté son obligation réglementaire et contractuelle de vérification a également signé les ordonnances avant livraison et que le Docteur Castets aurait dû se rendre compte, après la première livraison, que les doses anormales du produit pouvaient entraîner des conséquences dommageables, sans pouvoir se retrancher, eu égard à ses fonctions, à son manque de connaissances en la matière.
Dans ses dernières écritures, elle fait observer que contrairement à ce que prétendent l'UCAAB et le Docteur Tsoutsis, ce dernier a bien signé les sept ordonnances correspondant aux sept livraisons litigieuses et notamment l'ordonnance se rapportant à la livraison du 27 septembre 1991 et deux ordonnances datées du 8 octobre 1991.
S'agissant du montant du préjudice, elle considère que l'estimation de celui-ci telle que proposée par Madame Le Borgne repose pour l'essentiel sur la réclamation de la SA Caillor et elle conteste notamment les frais financiers, non justifiés.
Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer la décision entreprise, d'ordonner sa mise hors de cause ainsi que la condamnation de la société Caillor à lui rembourser les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire, outre intérêts au taux légal à compter du règlement, subsidiairement de condamner solidairement les Docteurs Tsoutsis et Castets et l'UCAAB à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, en tout état de cause d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le préjudice principal à la somme de 4 103 456 F et d'ordonner une nouvelle expertise tendant à vérifier ce préjudice, de débouter la SA Caillor de sa demande de préjudice complémentaire et de condamner tous succombants à lui verser la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Caillor, après avoir souligné que l'état sanitaire de ses installations avait été jugé par les experts comme étant quasi-parfait et qu'il y avait un consensus sur la cause du sinistre, estime que la responsabilité de la Coopérative Maisadour à son égard est indiscutable sur le fondement de l'article 1147 et 1641 du Code civil, et que contrairement à ce qui est soutenu par le Docteur Tsoutsis et l'UCAAB il n'a jamais été dans les attributions de ce vétérinaire de visiter ses élevages, il n'y a jamais eu de foyer infectieux dans ses établissements, que du reste, le traitement commandé était de nature préventive ; elle précise qu'elle n'avait aucune obligation d'accompagner sa commande d'une ordonnance du vétérinaire traitant et que dès lors que le tampon figurant sur l'ordonnance afférente au produit livré était régulier, elle ne pouvait savoir que la signature du vétérinaire prescripteur n'était qu'une griffe ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise.
S'agissant de son préjudice complémentaire, elle indique qu'elle est en mesure aujourd'hui de produire tous les justificatifs de ses réclamations.
Dès lors, elle conclut à la confirmation du jugement du 28 janvier 1993 et à la condamnation de Maisadour à lui payer la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à la fixation du solde de son préjudice d'après le rapport Le Borgne, comme suit :
- frais financiers : 181 544 F ;
- salaire du technicien : 180 000 F ;
- frais d'analyses et médicaments : 106 365 F ;
- frais nécessaires d'expertise Roux et de La Fiduciaire : 97 587 F.
Elle sollicite enfin la confirmation du jugement du 13 janvier 1994 en ses dispositions relative à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la condamnation supplémentaire de Maisadour à lui payer 3 000 F pour frais irrépétibles engagés devant la Cour.
Monsieur Michel Castets indique, lui, que le produit qu'il a conseillé était approprié et que seul le surdosage a été à l'origine du dommage, ce qui ne peut lui être imputé, qu'il n'a lui- même fait aucune prescription mais a en revanche émis toutes réserves sur le dosage, eu égard à son inexpérience en la matière ; que, par ailleurs, il n'est pas le vétérinaire traitant principal de la société Caillor.
Il conclut ainsi au rejet des demandes formées à son encontre, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a mis hors de cause et à la condamnation de Maisadour à lui payer la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'UCAAB et le Docteur Tsoutsis exposent liminairement qu'une convention a bien été passée entre Maisadour et le vétérinaire, le 12 septembre 1986, prévoyant à la charge de ce dernier " la surveillance et le contrôle des conditions de fabrication, stockage et délivrance des aliments médicamenteux " et renvoyant à la loi du 3 décembre 1982 et à son décret d'application du 16 novembre 1984, ce qui supposait trois fonctions principales à exercer selon le Code de la Santé Publique qui auraient dû, pour être efficaces, s'accomplir dans des conditions totalement différentes de celles constatées dans la pratique ; qu'à ce dernier égard s'il y a eu " complaisance " du Docteur Tsoutsis, celle-ci n'a pu intervenir qu'en accord avec Maisadour, étant précisé qu'on ne saurait guère dissocier fabrication et livraison et que la signature, réelle, du Docteur Tsoutsis sur le registre de fabrication le jour de la première fabrication a été portée alors que ce registre mentionnait seulement l'utilisation de furoxone à 1 % dans la fabrication de l'aliment et non celle de la furazolidone à 400PPM, ce qui était de nature à induire en erreur le Docteur Tsoutsis d'autant que la destination de l'aliment ne lui était parfaitement connue.
Ils soutiennent également :
- que le sinistre ne serait pas survenu si la réglementation avait été respectée par Maisadour qui aurait dû refuser la commande téléphonique et qui a attribué au Docteur Tsoutsis un rôle de vétérinaire traitant bien qu'il n'ait disposé ni du temps ni des moyens pour exercer de telles fonctions dont Maisadour a voulu faire l'économie d'autant que la qualité de vétérinaire d'usine du Docteur Tsoutsis donnait uniquement mission à celui-ci de veiller à la préservation de la santé publique et de vérifier la non toxicité des produits consommés par l'homme.
- que Maisadour a livré au moins pour partie, sans ordonnance et ce, dès la première livraison, engageant de ce fait sa seule responsabilité en raison d'une erreur commise dans le processus de fabrication " ;
- que le Docteur Castets a engagé sa responsabilité en indiquant verbalement une dose qui s'est avéré trop élevée alors qu'il lui était loisible de vérifier ses connaissances à ce sujet et en opérant aucun contrôle après la prescription établie et ce, bien qu'il n'ignorait pas le caractère limité de la mission de son confrère, qui excluait la visite de l'élevage, et que, contrairement à ce qu'il affirme, il était le vétérinaire traitant de Caillor ;
- que la SA Caillor qui a commandé à Maisadour un aliment précis dont la composition médicamenteuse devait contenir 400 PPM de jurizolidone s'est immiscée fautivement dans la fabrication de l'aliment ;
- que, par ailleurs, il se dégage des constatations effectuées par le Docteur Verschoore une exagération de l'estimation du préjudice principal devant conduire à un réfaction d'environ 1 300 000 F après les corrections zootechniques à pratiquer à laquelle pourraient s'ajouter des réfactions d'un montant de 500 000 F sur les autres postes.
Ils soulignent que le Docteur Tsoutsis travaillait dans des conditions anormales, et contraires à la réglementation applicable en la matière, s'est vu confier par Maisadour un rôle de vétérinaire traitant qui ne lui incombait pas, que Maisadour a fabriqué l'aliment médicamenteux sans ordonnance préalable, que le Docteur Castets a été directement à l'origine du choix de la posologie.
S'agissant du complément d'indemnisation sollicité, ils contestent le bien fondé des réclamations de la société Caillor comme ne reposant sur aucune justification.
Dans leurs dernières écritures, ils notent que Maisadour et Caillor n'avaient pas pu présenter autant d'ordonnances qu'il y avait eu de fabrication d'aliment défectueux, comme l'indiquait l'examen attentif des différents bordereaux de livraison. Par suite se référant à une ordonnance versée aux débats par Maisadour, du 27 septembre 1991, ils estiment que cette production effectuée plus de 3 ans après le dépôt du rapport de Monsieur Daulouede qui n'a jamais été communiqué à celui-ci révèle les incohérences et insuffisances de ce rapport.
Suite à la production d'une autre ordonnance, du 1er octobre 1991 aux termes des dernières écritures de Maisadour établie le 2 octobre 1995, ils émettent toutes réservent sur le caractère probant de ces documents ;
Ils sollicitent en conséquence de la cour de :
- débouter la Coopérative Maisadour de toutes ses prétentions en tant que dirigées à leur encontre ;
- à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où une quelconque responsabilité serait retenue à leur encontre, dire que les fautes respectives de la société Caillor, du Docteur Castets et de Maisadour ont étalement contribué à la survenance du sinistre.
- en conséquence,
- dire et juger qu'ils seront tenus solidairement (ou à défaut in solidum) pour Maisadour aux termes de l'article 615 in fine du Code de la santé publique et in solidum pour Caillor et le Docteur Castets à la réparation du préjudice prétendument subi par la société Caillor.
- sur l'évaluation du préjudice principal (jugement du 28 janvier 1993).
- surseoir à statuer et ordonner une mesure d'instruction complémentaire.
- sur le préjudice complémentaire (jugement du 13 janvier 1994) :
- déclarer la société Caillor mal fondée en toutes ses prétentions et l'en débouter purement et simplement.
- condamner tous succombants au paiement d'une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi :
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise que la cause du sinistre a résidé dans la livraison d'un aliment médicamenteux trop élevée.
Que plus précisément, le produit livré, non dangereux par lui-même pour les cailles n'a induit les phénomènes anormaux constatés dans les établissements de la société Caillor, qui ne sont pas contestés, que parce qu'il a été livré et administré à la dose de 400 PPM ;
Attendu que la Coopérative de céréales et d'approvisionnement des Landes Maisadour doit être déclarée responsable à l'égard de la société Caillor du dommage tant en sa qualité de fabricant du produit qui s'est avéré dangereux par suite d'une anomalie dans le dosage, qu'en tant que fournisseur ou vendeur de ce même produit impropre à l'usage auquel il était destiné, sauf pour elle à démontrer l'existence d'une cause étrangère ;
Attendu à ce dernier égard, qu'elle ne saurait utilement invoquer envers son client une faute du vétérinaire dès lors que celui-ci était détaché par l'UCAAB, " firme service " à laquelle adhérait Maisadour, pour fournir ses services à la coopérative ;
Qu'elle est en revanche recevable à rechercher la responsabilité de la SA Caillor ou encore du Docteur Castets à condition d'établir un comportement fautif de ces derniers ou un manquement du client à ses obligations contractuelles ;
Or, attendu que la SA Caillor a commandé un aliment médicamenteux à base de furazolidone à titre de traitement préventif et non curatif, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise ;
Qu'elle n'a pas sollicité une dose définie de l'aliment mais s'est limité à renseigner Maisadour sur l'objectif qu'elle voulait atteindre, soit un traitement préventif de salmonellose par sa commande d'un aliment contenant de la furazolidone, sans précision quant au dosage ;
Qu'elle s'en est ainsi remise à la compétence du fabricant professionnel qui était censé disposer de connaissances et des structures propres à mettre en ouvre ces dernières, devant permettre la fourniture du produit pourvu des qualités qu'elle recherchait ;
Que nonobstant l'importance de son entreprise rien n'autorise à lui reprocher une commande passée dans les conditions sus-décrites et sans ordonnance de son propre vétérinaire qui n'était en aucune façon obligatoire.
Attendu encore que l'aliment lui ayant été livré avec l'ordonnance du Docteur Tsoutsis, elle était justifiée à l'administrer aux cailles ;
Attendu de même, que l'état sanitaire des installations n'a pu intervenir dans la survenance du sinistre puisqu'il était quasi-parfait, comme l'a constaté l'expert ;
Attendu que, s'agissant du Docteur Castets, celui-ci qui exerce à titre libéral est intervenu comme conseil de la SA Caillor pour recommander à juste titre, selon l'expert dont les conclusions à ce sujet ne sont pas discutées, l'emploi de la furazolidone mélangée à des aliments ;
Que s'il a pu indiquer verbalement un dosage trop élevé, il a émis à cet égard toute réserve en raison de son inexpérience quant à cette association médicamenteuse, a préféré par suite s'abstenir de toute prescription déterminée et a seulement invité la SA Caillor a se renseigner sur la concentration précise du produit restant à définir, auprès de son fournisseur habituel contractuellement lié à un vétérinaire spécialiste mis à sa disposition à l'UCAAB .
Que la réserve qu'il a ainsi émise, après avoir été consulté, qui a procédé d'une attitude prudente, ne peut lui être imputée à faute, pas plus que son conseil de s'adresser à Maisadour, censée disposer des moyens techniques nécessaires à la fabrication et la mise au point des aliments médicamenteux qui étaient souhaités ;
Qu'il reste que la preuve d'un manquement fautif de ce vétérinaire à ses obligations ou à ses devoirs professionnels, en relation avec le sinistre n'est pas établie et que notamment il n'est, à aucun moment intervenu dans la fabrication et la prescription du produit tel que livré, qui a été à l'origine du sinistre et dont il n'avait été fourni après ordonnance du Docteur Tsoutsis chargé précisément de s'assurer du dosage approprié ;
Attendu en conséquence, que sur l'action principale, la responsabilité de Maisadour à l'égard de la société Caillor doit seule et totalement être retenue ;
Attendu cependant que la Coopérative Maisadour est fondée en son appel en garantie contre le Docteur Tsoutsis et l'UCAAB;
Attendu que ce dernier organisme qui se présente comme une " firme service " ayant pour objet de vendre des composés minéraux et vitaminés et des pré-mélanges médicamenteux dispose à ce titre d'une équipe technique et a ainsi détaché auprès de Maisadour, fabricant d'éléments médicamenteux, un vétérinaire compétent en matière de technologie de fabrication d'aliments ;
Attendu d'ailleurs qu'entre ce praticien et Maisadour a été conclu le 12 septembre 1986 une convention prévoyant à la charge du vétérinaire la surveillance et le contrôle des conditions de fabrication, stockage et délivrance des aliments médicamenteux ;
Or, attendu que le préjudice a été déterminé non par le fait de la fabrication qui était en soi sans efficience dans la mesure où le produit ne sortait de l'usine, mais par la livraison au client, de l'aliment " dangereux " et défectueux ;
Qu'alors au surplus qu'il s'avère que Maisadour avait l'assentiment du vétérinaire pour la fabrication du produit puisqu'il était présent dans l'établissement le jour de la première mise en fabrication, cautionnant donc celle-ci, qu'il a du reste signé quelques jours plus tard la page du registre la mentionnant, il demeure que le Docteur Tsoutsis a rédigé, ainsi que constaté par l'expert, les sept ordonnances correspondant aux sept livraisons qui, toutes précisaient la dose de 400 PPM qui s'est révélée trop élevée ;
Que force est d'admettre que par cette prescription d'un tel dosage il a commis une faute, soit qu'il ait ignoré le caractère toxique de cette dose, soit qu'il ait manifesté de la négligence en omettant de vérifier ces connaissances en la matière;
Qu'en tout cas, son manquement à ses obligations professionnelles, d'autant plus caractérisé que la prescription s'appliquait à un élevage industriel comportant des dizaines de milliers d'animaux se présente comme la cause directe et exclusive de dommage;
Qu'en effet, rien n'autorise à retenir une faute de la Coopérative en relation avec le sinistre dès lors qu'elle était justifiée à livrer les aliments commandés, en l'état des ordonnances rédigées par le vétérinaire dont la mission était de veiller à la délivrance d'un produit sain et exempt de risques et aux services duquel elle avait eu précisément recours à cette fin;
Qu'il s'ensuit que le Docteur Tsoutsis et l'UCAAB qui avait détaché ce spécialiste auprès de Maisadour doivent être condamnés à relever et garantir Maisadour de toutes les condamnations prononcées à son encontre, étant précisé que pour les motifs sus exposés, les responsabilités de la SA Caillor et du Docteur Castets ne sont pas susceptibles d'être engagées;
Attendu que le préjudice résultant de la livraison défectueuse, ayant consisté dans les pertes subies par la SA Caillor a été fixé par Madame Le Borgne aux termes d'un examen minutieux et circonstancié des éléments soumis à son appréciation à un montant de 4 103 456 F correspondant à concurrence de 2 445 223 F à une perte de marge brute et de 1 658 223 F à des coûts supplémentaires directs ;
Or, attendu d'une part que Madame Le Borgne a procédé à ses investigations sur la base de pièces et documents objectifs indiscutables et d'ailleurs non discutés et d'autre part, qu'elle a constaté l'accord des parties, toutes représentées à ses opérations, sur son estimation ;
Attendu qu'en cet état et alors en outre que les parties ont été en mesure de contrôler les bases de calcul retenues par Madame Le Borgne, il n'apparaît pas que les indications contenues dans le rapport Verschoore établi à a demande de l'UCAAB, faisant état de données zootechniques différentes de celles prises en compte par Madame Le Borgne, soient suffisantes, pour contrarier efficacement les conclusions de l'expert judiciairement désigné, qui méritent d'être entérinées sans qu'il y ait lieu de recourir à une nouvelle mesure d'instruction ;
Attendu qu'en ce qui touche le préjudice complémentaire dont l'indemnisation est réclamé, il convient d'admettre que la SA Caillon a certes du exposer des frais d'analyses ;
Attendu cependant que la cour estime au vu des pièces produites que ces frais n'étaient nécessaires, au regard du sinistre, qu'à concurrence de 40 000 F ;
Attendu encore que s'il est certain que le Cabinet Roux et La Fiduciaire de France sont intervenus à titre officieux pour assister la société Caillor devant l'expert judiciaire, il n'était pas indispensable dès lors qu'une expertise judiciaire avait été ordonnée qu'ils effectuent une analyse comptable et établissent eux-mêmes un rapport pour un coût de 97 587, 64 F ;
Qu'au titre d'une assistance technique à laquelle elle était seulement en droit de prétendre sans avoir à recourir à des consultations exhaustives, il est justifié d'allouer à la société Caillor une somme de 10 000 F ;
Attendu qu'en fonction des circonstances de la cause, compte tenu de l'importance du sinistre et des explications et éléments d'appréciation fournis à ce sujet par la société Caillor et rapportés par Madame Le Borgne, l'évaluation à la somme de 150 000 F des frais financiers supportés du fait du dommage se révèle équitable de même que l'indemnité de 90 000 F telle de l'embauche d'un technicien ;
Qu'en effet s'il est constant qu'une personne a dû être employée comme technicien de suivi d'élevage pour gérer le sinistre auprès des éleveurs, il apparaît que cette mission ne nécessitait pas un coût pour un montant de 180 000 F, une telle somme supposant par ailleurs l'affectation du technicien à d'autres tâches de sorte qu'on ne saurait retenir comme en relation directe avec le sinistre les frais de son engagement qu'à concurrence de 50 % ;
Attendu en conséquence qu'il s'impose de condamner la Coopérative Maisadour à payer à la SA Caillor d'une part, la somme de 4 103 456 F avec intérêts au taux légal à compter non de l'assignation, mais seulement du jugement du 23 janvier 1993, eu égard au caractère indemnitaire de la créance et ce, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil et d'autre part, celle de 290 000 F au titre de réparation du préjudice complémentaire avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 13 janvier 1994, pour les mêmes motifs ;
Attendu que l'équité commande encore la condamnation de Maisadour à payer à la SA Caillor la somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de frais irrépétibles exposés devant le premier juge et celle de 8 000 F en application du même article, pour les frais irrépétibles exposés devant la cour ;
Qu'il doit être également alloué au Docteur Castets, sur le même fondement, la somme de 6 000 F pour frais irrépétibles d'appel en sus de celle justement accordée par le premier juge ;
Attendu que l'UCAAB et le Docteur Tsoutsis doivent être condamnés solidairement à relever et garantif Maisadour de toutes les condamnations prononcées à son encontre et en outre à verser à Maisadour la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Qu'en revanche, il convient de débouter la Coopérative Maisadour de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui ne repose sur aucune justification.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; Reçoit les appels tant principaux qu'incidents comme réguliers en sa forme, Au fond, Confirme le jugement du 28 janvier 1993 en ce qu'il a déclaré la société Coopérative de Céréales et d'Approvisionnement des Landes Maisadour responsable à l'égard de la SA Caillor, du sinistre subi par celle-ci, l'a condamné à payer à cette dernière la somme de 4 103 456 F et au Docteur Castets, la somme de 3 500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Confirme le jugement du 13 janvier 1994 en ce qu'il a fixé le solde du préjudice subi par la SA Caillor à 290 000 F et a condamné la Coopérative Maisadour à payer cette somme complémentaire à cette dernière société ; Réformant pour le surplus les décisions sus-mentionnées et y ajoutant dit que les sommes de 4 103 456 F et 290 000 F emporteront respectivement intérêts aux taux légal au bénéfice de la SA Caillor, à compter du jugement du 28 janvier 1993 et à compter du jugement du 13 janvier 1994 et non de l'assignation ; Condamne la Coopérative Maisadour à payer, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à la SA Caillor, la somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 8 000 F pour ces mêmes frais exposés devant la cour ; La condamne sur le même fondement à payer au Docteur Castets la somme de 6 000 F au titre de frais irrépétibles exposés devant la cour ; Condamne la Coopérative Maisadour au entiers dépens de première instance et d'appel de l'instance principale ;Condamne solidairement l'Union des Coopératives Agricoles d'Aliments du Bétail (UCAAB) et le Docteur Constantin Tsoutsis à relevé et garantir la Coopérative Maisadour de toutes les condamnations prononcées à son encontre ; Les condamne sous la même solidarité à payer à la Coopérative Maisadour la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute la Coopérative Maisadour de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires ; Condamne solidairement l'UCAAB et le Docteur Tsoutsis aux entiers dépens de première instance et d'appel des appels en garantie ; Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Maître Vergez et Maître Longin, avoués, à recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.