Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 16 juillet 1998, n° 96-10.558

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Union des coopératives agricoles d'aliments du bétail, Tsoutsis

Défendeur :

Caillor (SA), Coopérative de céréales Maïsadour (Sté), Castets

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

Mme Bénas

Avocat général :

Mme Petit

Avocats :

SCP Vincent, Ohl, Mes Blanc, Odent.

Pau, du 29 nov. 1995

29 novembre 1995

LA COUR : - Attendu que la société Caillor, qui exploite une entreprise de production industrielle de cailles, a, en 1991, sur les indications de M. Castets, son vétérinaire, passé commande à son fournisseur habituel, la société Coopérative de céréales Maïsadour, d'un aliment médicamenteux à base de furazolidone pour un traitement préventif de ses animaux; que le produit a été fabriqué à un dosage de 400 PPM de furazolidone et livré, accompagné d'ordonnances de M. Tsoutsis, vétérinaire salarié de la société Union coopératives agricoles aliments de bétail (UCAAB), détaché auprès de la coopérative Maïsadour pour surveiller et contrôler les conditions de fabrication, de stockage et de délivrance des aliments médicamenteux fabriqués par l'usine; qu'à la suite du traitement, une diminution de la ponte est intervenue; que la société Caillor, au vu d'un rapport d'expertise ayant conclu que la quantité trop élevée de furazolidone était à l'origine du sinistre, a assigné en paiement de dommages-intérêts la coopérative Maïsadour, qui a appelé en garantie M. Castets, M. Tsoutsis et l'UCAAB ; que l'arrêt attaqué (Pau, 29 novembre 1995) a "mis hors de cause" la société Caillor et M. Castets, a déclaré la coopérative Maïsadour responsable du sinistre à l'égard de la société Caillor et a condamné l'UCAAB et M. Tsoutsis à garantir la coopérative de toutes les condamnations prononcées contre elle ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la coopérative Maïsadour, pris en sa première branche, et sur le moyen unique du pourvoi principal de l'UCAAB et de M. Tsoutsis, pris en ses troisième et quatrième branches : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu que la société Caillor avait commandé le produit médicamenteux à la coopérative Maïsadour, sans préciser de dosage, alors, selon le moyen, d'une part, que, dans leurs conclusions d'appel, la société Caillor et la coopérative Maïsadour avaient admis que la commande avait été passée avec indication de la posologie 400 PPM préconisée par M. Castets; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'il résulte du rapport d'expertise que, sur les conseils de M. Castets, la société Caillor avait commandé, par téléphone, à la coopérative Maïsadour l'aliment médicamenteux avec la posologie de 400 PPM de furazolidone, de sorte que la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis du rapport d'expertise ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des circonstances de la cause, sans méconnaître les termes du litige, ni dénaturer le rapport d'expertise, que la cour d'appel a estimé que la société Caillor s'était limitée à informer la coopérative Maïsadour de l'objectif qu'elle voulait atteindre, soit un traitement préventif de la salmonellose, et avait passé commande d'un aliment contenant de la furazolidone, sans précision de dosage ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la coopérative Maïsadour, pris en ses deuxième et troisième branches : - Attendu que la coopérative Maïsadour fait grief à l'arrêt d'avoir "mis hors de cause" la société Caillor et son vétérinaire, M. Castets alors, d'une part, que la cour d'appel, qui a relevé que la cause du sinistre avait résidé dans la livraison d'un aliment médicamenteux contenant de la furazolidone en quantité trop élevée et constaté que M. Castets, intervenu comme conseil de la société Caillor, avait pu indiquer verbalement un dosage trop élevé, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations suivant lesquelles M. Castets et, par voie de conséquence, la société Caillor qui s'était adressée à lui, avait commis une faute à l'origine du dommage, peu important la réserve du vétérinaire et sa non- délivrance d'une ordonnance, en sorte que la société Caillor était réputée avoir commis une faute contractuelle de nature à exonérer la coopérative Maïsadour de sa responsabilité; et alors, d'autre part, subsidiairement, qu'à supposer que M. Castets, bien qu'intervenu comme conseil de la société Caillor, ne puisse être considéré comme un préposé de celle-ci en sa qualité de vétérinaire exerçant à titre libéral, la cour d'appel n'a pas davantage tiré les conséquences légales des constatations précitées suivant lesquelles M Castets avait commis une faute à l'origine du dommage, par fourniture d'un conseil erroné, peu important sa réserve et la non-délivrance d'une ordonnance, en sorte que sa responsabilité délictuelle était engagée envers la coopérative Maïsadour ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que M. Castets, consulté par son client, la société Caillor, avait émis toutes réserves sur le dosage qu'il préconisait, en raison de son inexpérience quant à l'association médicamenteuse en cause et avait invité la société Caillor à se renseigner sur la concentration précise du produit restant à définir, auprès de son fournisseur habituel, la coopérative Maïsadour, contractuellement liée à un vétérinaire spécialiste mis à sa disposition par l'UCAAB; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la prescription verbale de M. Castets émise avec prudence et réserves ne pouvait lui être imputée à faute; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'UCAAB et M. Tsoutsis, pris en ses première et deuxième branches : - Attendu que l'UCAAB et M. Tsoutsis reprochent à l'arrêt d'avoir "mis hors de cause" la société Caillor et M. Castets et de les avoir condamnés à garantir la coopérative Maïsadour de toutes les condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en omettant de répondre à leurs conclusions faisant valoir que M. Tsoutsis, n'étant pas le vétérinaire de la société Caillor, avait été maintenu dans l'ignorance de ce que le traitement médicamenteux devait être prescrit à des cailles reproductrices et non à des cailles d'engraissement qui auraient alors supporté le traitement, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; et alors, d'autre part, qu'en considérant qu'il n'y avait pas faute de la part de la société Caillor, qui n'a pas fourni d'ordonnances de son propre vétérinaire traitant, ni de la part de la coopérative Maïsadour qui ne les a pas exigées et qui a demandé à M. Tsoutsis de dissimuler ce manquement en établissant, a posteriori, les ordonnances, la cour d'appel a violé les articles L. 615 et R 5146-17 bis du Code de la santé publique ;

Mais attendu, d'abord, qu'en relevant que M. Tsoutsis, vétérinaire, qui avait pour mission de veiller à la délivrance d'un produit, sain et exempt de risques, avait rédigé les ordonnances prescrivant une dose trop élevée de furazolidone qui avait été à l'origine du dommage, la cour d'appel a, répondant par là-même aux conclusions, retenu que l'obligation de s'informer sur la nature des cailles incombait à M. Tsoutsis, prescripteur de l'aliment médicamenteux;

Attendu, d'autre part, s'agissant d'une commande à un professionnel, que la cour d'appel a pu estimer que le défaut de fourniture par la société Caillor d'une ordonnance qui ne lui avait pas été réclamée n'était pas fautive et qu'enfin, en retenant par un motif non critiqué, qu'aucune faute en relation de causalité avec le dommage ne pouvait être imputée à la coopérative Maïsadour, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette les pourvois.