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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 25 mars 1992, n° 05616-89

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Citroën (Sté)

Défendeur :

Crédit Mutuel de Bretagne (Sté), Caisse Mutuelle d'Assurance et de Prévoyance CMA, Meyer

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacan

Conseillers :

Mmes Dabosville, Segondat

Avoués :

Mes D'Aboville, Colleu

Avocats :

Mes Druais, Gosselin.

TGI Rennes, du 25 sept. 1989

25 septembre 1989

La société CMB, la CMAP et Francis Meyer répondent :

1°) qu'il a paru parfaitement clair à l'expert que l'accident provenait d'un vice inhérent au véhicule,

2°) que les véhicules Citroën BX sortis d'usine à la même époque connaissaient ce type de problème dont le constructeur s'est implicitement reconnu responsable,

3°) que la directive du 25 juillet 1985 d'application directe et immédiate a mis en ouvre un système de responsabilité sans faute autorisant la victime à ne pas rapporter la preuve d'un vice caché et qu'il convient d'en tenir compte comme règle d'interprétation,

4°) que la prescription de mauvaise foi du vendeur professionnel à un caractère irréfragable et s'applique en matière de vente de véhicules automobiles,

5°) que la Cour de cassation a considéré que le vice de construction ou le défaut de matière se trouve révélé par le sinistre lui-même, l'arrêt du 21 juillet 1987 faisant de la garantie contractuelle du fabricant une obligation de résultat,

6°) qu'en tout état de cause, la société Citroën ne rapporte pas la preuve d'un élément extérieur au vice caché.

Ils concluent en conséquence à la confirmation du jugement mais réclament en sus les intérêts légaux à compter de l'assignation et 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR

Considérant sur le droit applicable aux faits de la cause que la directive du 25 juillet 1985 instaure en droit communautaire une responsabilité du producteur relative au dommage causé par un défaut de son produit à des personnes ou des choses autres que le produit défectueux lui-même, ce texte visant la sécurité des produits et non leur aptitude à l'usage ; qu'il est par conséquent et pour ce motif suffisant inapplicable à la demande propriétaire et de l'assureur d'un véhicule dirigée contre son constructeur et portant sur le remboursement du prix de ce véhicule détruit par un incendie apparemment spontané.

Considérant qu'en droit interne le premier juge a pertinemment rappelé qu'il appartient à l'acquéreur de rapporter la preuve de l'existence du vice caché au moment de la vente ainsi que du lien de causalité entre ce vice et le dommage et que ce principe n'a pas été remis en cause par la juridiction suprême.

Que, s'il est exact que le vendeur professionnel est réputé connaître les vices de la chose, il n'en résulte pas pour autant que l'acquéreur profane est dispensé de prouver le vice de la chose et son antériorité à la vente, la jurisprudence n'ayant nullement consacré l'existence d'une obligation de résultat à la charge du vendeur professionnel.

Considérant en fait que le véhicule Break Citroën BX 16 RS modèle 85 livré le 27 octobre 1985 dudit parcouru 30 000 kms lorsque, le 4 septembre 1987, il s'est embrasé alors qu'il se trouvait stationné depuis 15 min sur un parking.

Considérant que l'expert judiciaire commis pour déterminer les causes du sinistre a déclaré que l'état du véhicule ne lui permettait aucune constatation utile et que le manque d'indice, l'état après le sinistre, le plastique fondu recouvrant les restes de l'équipement ne lui autorisaient aucune réponse satisfaisante sur les causes ayant provoqué l'incendie.

Qu'il précise : "L'origine de cet incendie ne peut être déterminée avec certitude, seules des hypothèses peuvent être formulées".

Considérant que parmi les hypothèses avancées :

- déficience du système d'alimentation du pulseur d'air installé sur la climatisation,

- mauvais fonctionnement de l'auto-radio et de son circuit électrique,

- imprudence de l'utilisateur fumeur ayant répandu des cendres mal éteintes,

Aucune n'a été retenue par l'homme de l'art qui a simplement estimé la première connue la plus plausible.

Considérant que le premier juge ne pouvait sans inverser la charge de la preuve écarter la troisième au motif qu'il n'est pas établi que Monsieur Meyer a fumé une ou plusieurs cigarettes dans les 30 minutes précédant l'incendie alors que, pour écarter cette hypothèse expertale, il appartient à Monsieur Meyer de prouver qu'il était matériellement impossible que des cendres de cigarette mal éteintes aient couvé à l'intérieur du véhicule et provoqué le sinistre, preuve qu'il n'apporte pas.

La société Commerciale Citroën a, le 2 novembre 1989, relevé appel d'un jugement contradictoire rendu le 25 septembre 1989 par le Tribunal de grande instance de Rennes qui a prononcé la résolution du contrat de vente d'un véhicule BX Citroën passé courant octobre 1986 entre Francis Meyer et elle-même, et ce pour vice caché et l'a condamné à payer :

- à la CMA subrogée dans les droits de Monsieur Meyer la somme de 66 945 F avec intérêts au taux légal,

- à Francis Meyer : 24 842,11 F au titre du solde du prix du véhicule et 2 918,90 F au titre des dommages-intérêts compensatoires de la perte de jouissance,

- à la CMA et à Francis Meyer 3 000 F au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de son appel la société Commerciale Citroën fait valoir que le tribunal a estimé à tort que la preuve d'un vice caché était rapportée alors que l'expert a indiqué qu'il lui était impossible de définir la cause de l'incendie ayant affecté le véhicule le 4 septembre 1987 et donc de caractériser un défaut.

Sur les principes applicables, elle soutient que la Directive européenne du 25 juillet 1985 ne s'applique pas et que les demandes ne peuvent être fondées que sur les dispositions des articles 1641 du Code civil ou sur la garanti e contractuelle lesquels conduisent le demandeur à faire la preuve de l'existence d'un vice caché.

Sur ce point, elle rappelle que l'expert n'a émis que des hypothèses dont aucune ne pouvait être exclue a priori et qu'au surplus, il ne peut être fait abstraction d'autres hypothèses imputables à un défaut d'entretien ou à une utilisation anormale.

Sur le montant des demandes, elle indique que la restitution du prix aurait du se trouver limitée à la valeur vénale du véhicule au jour de l'incendie.

Aussi conclut-elle à la réformation du jugement et au débouté de toutes les demandes et subsidiairement à la limitation à 66 945 F de la restitution du prix.

Considérant qu'en l'absence de certitude sur le point de savoir si l'incendie a pour cause l'intervention d'un tiers ou un vice inhérent au véhicule, il ne peut être appliqué à l'espèce ni la garantie des vices caché ni la garantie contractuelle.

Considérant par ailleurs qu'en l'absence de similitude absolue et d'éléments matériels permettant d'établir une relation avec d'autres incendies relatés par voie de presse à propos d'autres véhicules BX Citroën, il ne être tiré aucune conséquence de l'existence de ceux-ci, l'expert ayant de surcroît précisé après avoir effectué des recherches qu'aucun cas semblable d'incendie n'a été constaté.

Considérant que, succombant en leurs prétentions la société CMB, la CMAP et Francis Meyer supporteront les dépens et ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement déféré ; Déboute la société CMB, la Compagnie CMA et Francis Meyer de toutes leurs demandes et les condamne aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les modalités de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.