Ministre de l’Économie, 8 novembre 2002, n° ECOC0300264Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société Gécina
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 7 octobre 2002, vous avez notifié le projet de prise de contrôle exclusif de la société Simco par la société Gecina. Cette prise de contrôle doit se faire par le biais d'une offre publique mixte d'achat et d'échange initiée par Gecina et déclarée recevable le 12 septembre 2002 par le Conseil des marchés financiers. A la suite de la clôture de l'offre publique (1), le Conseil des marchés financiers a indiqué, par décision datée du 4 novembre 2002 (2), que Gecina était en mesure de détenir environ 95,9 % du capital et 97,2 % des droits de vote de Simco.
I. Les parties et l'opération
La société Simco est une société foncière cotée contrôlant plusieurs autres sociétés foncières. Le groupe Simco (ci-après "Simco") possède un patrimoine immobilier destiné à la location, et qui est constitué pour l'essentiel de bureaux, de locaux commerciaux et de logements situés en Ile-de-France. Au cours de l'année 2001, Simco a réalisé un chiffre d'affaires total consolidé de 271,6 millions d'euros, exclusivement en France.
La société Gecina est également une société foncière cotée contrôlant plusieurs autres sociétés foncières. Les principaux actionnaires de Gecina sont les groupes AGF (32,3 % du capital) et Azur-GMF (22,8 % du capital). Le groupe Gecina (ci-après "Gecina") possède un patrimoine immobilier composé de logements, de bureaux et de locaux commerciaux. L'ensemble de ce patrimoine est situé à plus de 90 % en Ile-de-France. Au cours de l'année 2001, Gecina a réalisé un chiffre d'affaires total consolidé de 267,3 millions d'euros, exclusivement en France.
Sur la base des renseignements fournis par les parties, il apparaît que les deux principaux actionnaires de Gecina ne sont pas en mesure d'exercer un contrôle, tant exclusif que conjoint, sur le groupe.
L'opération notifiée a donc pour effet d'entraîner le contrôle exclusif de Simco au profit de Gecina. Cette opération constitue donc une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, cette opération n'est pas de dimension communautaire (3) et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. La définition des marchés
Le secteur d'activité de Gecina et Simco est celui de la gestion d'actifs immobiliers.
A l'instar de la Commission européenne (ci-après la "Commission") (4), le ministre a déjà considéré qu'il convenait de distinguer la gestion d'actifs immobiliers destinés aux entreprises d'une part, et la gestion d'actifs immobiliers résidentiels d'autre part (décision du 21/06/2002 relative à la création de l'entreprise commune Eulia entre la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse nationale des caisses d'épargne (5)).
En matière de gestion d'actifs immobiliers destinés aux entreprises, le ministre a eu l'occasion, dans la décision précitée, de poser la question d'une délimitation plus fine qui distinguerait notamment, conformément à la pratique usuelle des opérateurs, (i) les bureaux, (ii) les locaux commerciaux et (iii) les autres locaux d'activité. Toutefois, cette question peut être laissée ouverte car, quelle que soit la définition adoptée, les résultats de l'analyse concurrentielle n'en seront pas modifiés. En conséquence, pour les besoins de la présente décision il sera retenu un marché de la gestion des actifs immobiliers destinés aux entreprises.
Au sein de la gestion d'actifs résidentiels, le ministre a estimé, dans la décision précitée, qu'il convenait "de distinguer la gestion de logements sociaux, dans la mesure où cette activité évolue dans un cadre réglementaire particulier, par le biais duquel l'Etat joue un rôle important, tant en termes d'aides financières que d'attribution de logements." En conséquence, au cas présent, le marché concerné retenu sera celui de la gestion d'actifs résidentiels hors logements sociaux, Gecina et Simco ne gérant pas de logements sociaux.
En ce qui concerne les dimensions géographiques des deux marchés concernés, la Commission a envisagé, à plusieurs reprises, la possibilité de définir des marchés locaux (région ou ville) tout en laissant la question ouverte (6). De même, le ministre a évoqué cette possibilité dans la décision précitée, en laissant également la question ouverte. La dimension locale se justifie notamment par les différences existant entre les régions ou les métropoles régionales, en termes de prix et de demande dans l'immobilier. C'est également souvent sur une base régionale, voire infra-régionale, que les professionnels de l'immobilier analysent ces marchés (7). Au cas présent, la question de la délimitation géographique des marchés concernés peut être laissée ouverte, car, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées. Dans la mesure où plus de 90 % du patrimoine immobilier de Gecina et Simco est situé en Ile-de-France et où les deux groupes ne sont pas concomitamment présents dans d'autres régions françaises, l'analyse se restreindra à l'Ile-de-France pour les besoins de la présente décision.
III. Analyse concurrentielle
Les actifs immobiliers destinés aux entreprises
Au 31 décembre 2001, Gecina et Simco possédaient chacun en Ile-de-France un parc de bureaux et de locaux commerciaux dont la surface était respectivement de 388 611 m2 et de 446 072 m2, soit environ [...] % et [...] % de la surface totale des bureaux et des locaux commerciaux de l'Ile-de-France (8). Les positions de Gecina et Simco sont similaires si on effectue le départ entre bureaux et locaux commerciaux. De même, si l'on distingue Paris et le reste de l'Ile-de-France, les faibles parts de Gecina et Simco sont confirmées, et ce dans un contexte où il existe plusieurs concurrents importants parmi les sociétés foncières (9) et les investisseurs institutionnels. En conséquence, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence en matière de gestion d'actifs immobiliers destinés aux entreprises, notamment par création ou renforcement de position dominante au profit de Gecina.
Les actifs immobiliers résidentiels hors logement social
Au 31 décembre 2001, Gecina et Simco possédaient respectivement 12 659 et 9863 logements locatifs en Ile-de-France, soit environ [0-10] % et [0-10] % du parc locatif privé hors HLM de l'Ile-de-France. Il existe par ailleurs une concurrence significative au travers des autres sociétés foncières et des investisseurs institutionnels : ainsi, le parc locatif francilien détenu par Gecina et Simco représente environ [0-10] %2 et [0-10] % du seul parc locatif privé hors HLM possédé par les sociétés foncières et les investisseurs institutionnels en Ile-de-France. Les positions de Gecina et Simco ne sont guère différentes lorsque l'on effectue le départ entre Paris et le reste de l'Ile-de-France. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante au profit de Gecina.
Il ressort de ces éléments que l'opération de concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés identifiés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
NOTA : A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées.
Ces informations relèvent du "secret d'affaires", en application de l'article 8 du décret n°2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
NOTES
(1) La durée de l'offre s'étendait du 19 septembre au 22 octobre 2002 inclus.
(2) Décision n° 202C1456
(3) Par ailleurs, la Commission européenne a indiqué aux avocats de Gecina, dans une lettre datée du 29 août 2002, que l'opération n'avait pas une dimension communautaire.
(4) Voir par exemple l'affaire Deutsche Bank/SEI/JV n° M. 2110 (décision du 15/06/2000)
(5) En cours de publication au BOCCRF.
(6) Voir par exemple les affaires Deutsche Bank/SEI/JV, précitée, Harbert Management/DB/Bankers Trust/SPP/Öhman n° M. 1289 (décision du 31/08/1998), et plus récemment Morgan Stanley/Olivetti/Telecom Italia/Tiglio n° M. 2863 (décision du 30/08/2002).
(7) Voir en outre l'affaire Paribas/Ecureuil-Vie/ICD n° IV/M. 1242 (décision du 31/08/1998), dans laquelle les parties ont proposé une dimension locale (région de Lombardie en l'espèce) pour la location à usage commercial.
(8) La surface du parc de bureaux est estimée à environ 43,3 millions de m2 pour l'année 2000, selon les données de la Direction régionale de l'équipement de l'Ile-de-France. La surface du parc de locaux commerciaux est estimée à environ 4,5 millions de m2 selon le guide Panorama Point de vente 2003.
(9) Parmi lesquelles Unibail, Klepierre, Société foncière lyonnaise et Sophia.