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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 7 juillet 1994, n° 93-607

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Nouvelle Librairie de France Paris Photocomposition (SA)

Défendeur :

Société de Gestion de Services et de Commercialisation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leclercq

Conseillers :

MM. Bouche, Le Fevre

Avoués :

SCP Daniel Lamaziere Cossec, SCP Taze Bernard Belfayol Broquet

Avocats :

Mes Le Bourg, Masson.

T. com. Paris, 18e ch., du 25 sept. 1992

25 septembre 1992

FAITS ET PROCEDURE

La société nouvelle librairie de France Paris Photocomposition dite Nouvelle Librairie de France a passé le 8 mars 1990 à la Société de Gestion de Services et de Commercialisation SGSC un ordre de publicité pour la parution, au verso des coupons de remboursement de la Caisse primaire d'assurance maladie CPAM, de messages publicitaires pour des livres qu'elle édite, la diffusion ayant lieu dans les départements du Val-de-Marne et de la Seine et Marne.

Nouvelle Librairie de France n'étant pas satisfaite des prestations de SGSC refusa de payer le reliquat d'une facture du 25 avril 1990 d'un montant total de 237 200 F.

Par jugement du 25 septembre 1992, le Tribunal de commerce de Paris a condamné Nouvelle Librairie de France à payer à la SGSC les sommes de 157 200 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 1991 et de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire des condamnations.

Nouvelle librairie de France a interjeté appel le 20 novembre 1992.

Par conclusions signifiées le 16 mars 1993 l'appelante demande à la cour "vu l'article 1116 du Code civil" d'infirmer le jugement, de débouter la SGSC de toutes ses demandes, de dire que la convention du 8 mars 1990 est entachée de dol, d'en prononcer la nullité, de condamner la SGSC à lui rembourser les 80 000 F versés de nommer un expert pour se faire communiquer par la SGSC un état des clients satisfaits et insatisfaits de cette forme de publicité "constitutive d'une vaste tromperie".

A titre subsidiaire, elle sollicite de la cour qu'elle dise que la SGSC a commis une faute contractuelle en raison du retard apporté dans l'exécution de la convention et "vu les articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil" qu'elle réduise la créance à 16 826 F et condamne la SCSC à lui rembourser 63 174 F. Elle demande enfin 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient que la SGSC l'a démarchée en se présentant comme une régie publicitaire accréditée par les caisses primaires d'assurances maladie, que ses responsables étaient très réservés voire hostiles à cette forme de publicité, que le marché n'a été conclu que sur affirmation de la SGSC que les éditions François de Beauval avaient trouvé 5 000 clients nouveaux par ce moyen et qu'elle offrait une garantie de rendement de 5 % du nombre des expéditions. En réalité selon elle, sur 277 554 messages 7 commandes seulement ont été reçues pour un montant total de 2 310 F. Elle prétend qu'il y a donc eu de la part de SGSC dont l'objet social ne comprend pas les prestations publicitaires, "informations mensongères, garanties fallacieuses et tromperie vicieuse", et qu'elle a découvert que les éditions de Beauval avaient proposé des ouvrages gratuits et avaient, pour le département du Val-de-Marne, renouvelé 4 fois leur commande ;

Elle soutient également que la convention n'a pas été correctement exécutée que la date de distribution prévue était la troisième semaine d'avril 1990, que les envois devaient être traités impérativement entre le 16 et le 20 avril 1990 mais que les "traitements" ont été effectués dans la quatrième semaine d'avril et les premiers jours de mai 1990, période des "ponts" des 1er et 8 mai durant laquelle de nombreuses personnes se trouvaient en vacances. Elle précise que 17 734 messages seulement ont été traités pendant la période convenue alors que 259 820 messages l'ont été hors période et estime que la créance de la SGSC ne devait pas excéder 17734 X 0,80 soit 14 187 20 F hors taxes et 16 826 F toutes taxes comprises.

Par conclusions signifiées le 10 juin 1993, SGSC demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la Nouvelle Librairie de France à lui payer 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Elle prétend que la convention est parfaitement claire, que dans un premier temps la Nouvelle Librairie de France n'a fait valoir la moindre contestation, que ce n'est qu'après son assignation en référé que des manœuvres dolosives ont été invoquées que l'ordre de publicité ne comporte aucun engagement quant à un taux de réponse positive, qu'aucun résultat n'a été garanti; que le dol n'est pas démontré et qu'une expertise ne peut suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve qu'elle serait dilatoire et qu'elle est "irrecevable".

Elle ajoute que la date de distribution n'était pas impérative et que le préjudice résultant du retard allégué n'est pas démontré ;

Sur quoi, LA COUR

Considérant que la Nouvelle Librairie de France verse aux débats à l'appui de ses accusations de dol une attestation dactylographiée de Gérard Narguier, inspecteur général de ses ventes, qui relate que le démarcheur Maury avait proposé l'impression au dos d'imprimés de Caisses Primaires de Sécurité Sociale de messages publicitaires susceptibles de "toucher" de 200 à 300 000 personnes par semaine et par caisse, qu'il avait exprimé des réserves quant à cette forme de publicité mais que Maury a obtenu la commande qu'il escomptait en affirmant que la société des Editions François de Beauval avait augmenté ainsi de 5 000 ses clients et qu'il pouvait garantir un rendement de l'ordre de 5 % du nombre des envois, enfin que la SGSC avait reconnu sa faute en offrant le 13 juin 1990 de fournir aux courtiers de la Nouvelle Librairie de Franco des accréditifs leur permettant de présenter les ouvrages à vendre dans des centres de sécurité sociale ;

Que cette attestation émanant d'un salarié de l'appelante est contestée par la SGSC ; qu'elle n'est corroborée par aucune autre attestation directe; qu'aucun des documents contractuels ne reprend l'argument de vente ou la promesse dont Gérard Marguier fait état; que leur caractère excessif est trop évident pour que leur réalité soit crédible ; qu'ils justifiaient vérification pour l'un et confirmation écrite pour l'autre ; qu'il est bien surprenant que la Nouvelle Librairie de France n'ait rien tenté alors que Gérard Marguier n'avait pas caché son scepticisme ;

Que l'expert comptable de l'appelante atteste certes que le président de son conseil d'administration s'est déclaré grugé par une garantie orale d'un taux de réponse de 5 % et s'est plaint de ce que le calendrier de diffusion n'avait pas été respecté ; que ce témoignage indirect n'est pas davantage opérant ; que la société SGSC justifie par contre de ce qu'elle avait obtenu de Caisses Primaires de Sécurité Sociale leur accord pour que leurs bordereaux de paiement servent de support publicitaire ;

Qu'il s'en suit que la Nouvelle Librairie de France n'apporte pas la preuve des manœuvres dolosives dont elle se dit la victime;

Considérant que deux cabinets de conseils en publicité dont les avis sont produits, indiquent que le taux de réponse d'un envoi en membre est "au pire de 0, 5% jusqu' à 5 ou 6 % ou" se situe entre 1/1000° et 1/100° et peut atteindre dans le cas de fichiers bien ciblés 5/100° ; que les 7 réponses reçues pour 250 000 envois témoignent d'un taux de retour extrêmement faible par rapport au taux habituel de ce type d'opérations;

Que cependant la SGSC n'avait contracté aucune obligation de résultat ;que la Nouvelle Librairie de France assumait la responsabilité des annonces ;qu'elle a choisi de proposer la vente d'un ouvrage "monumental" intitulé "l'Histoire du peuple français" en 5 volumes au prix de 2 040 F payable en six mensualités de 340 F ; que l'offre de vente d'un ouvrage aussi volumineux d'un prix aussi élevé et au sujet aussi particulier était à l'évidence inadaptée à une clientèle qui n'était pas ciblée et tout particulièrement à celle de l'ensemble des assurés sociaux de départements tels que ceux du Val-de-Marne et de la Seine et Marne ;que le peu de succès de la publicité de la Nouvelle librairie de France est dû à une erreur d'appréciation de sa part ;

Considérant que l'objet social de SGSC comprend toutes prestations de services au profit d'entreprises groupements, administrations etc. ;que les prestations ont été exécutées par SGSC conformément au bon de commande,à l'exception d'un décalage de quelques jours dans le temps; qu'il n'est pas établi que les dates de parution aient été un élément substantiel du contrat ni que le fait qu'elles n'avaient pas été dans l'ensemble respectées à quelques jours près, ait causé un préjudice quelconque à la Nouvelle librairie de France.

Considérant qu'en définitive la Nouvelle Librairie de France doit payer le prix des prestations qu'elle a commandées et qui ont été exécutées ;qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ;

Considérant qu'il est équitable de fixer à 10 000 F la somme à payer à SGSC au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Condamne la société nouvelle Librairie de France Paris Photocomposition à payer à la Société de Gestion de Services et de Commercialisation la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens d'appel ; Admet la société civile professionnelle Taze Bernard Belfayol Broquet, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.