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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 1 mars 1994, n° 13398-92

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Chantal Thomass Studio (SA), Le Bourget (SA), Hennert (SA), Andrelux Créateurs (SA)

Défendeur :

Saatchi et Saatchi Advertising (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chavanac

Conseillers :

Mmes Briottet, Vigneron

Avoués :

Me Kieffer Joly, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Touraille, Gautheron.

T. Com. Paris, du 27 sept. 1991

27 septembre 1991

Par déclaration remise au secrétariat greffe le 20 mai 1992 la SA Chantal Thomass Studio, et la SA Le Bourget ont interjeté appel du jugement du 27 septembre 1991 par lequel le Tribunal de commerce de Paris les a condamnés à payer à la SA Saatchi et Saatchi Advertising (ci-après dénommée société Saatchi) la somme de 112 500 F chacune à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 10 000F ainsi que les dépens à la charge de la société Chantal Thomass Studio et a condamné la SA Hennert et la société Andrelux Créateurs à payer la somme de 12 500F chacune à la société Saatchi mais a mis hors de cause la société Satellite et la société Art Diffuse.

La société Chantal Thomass Studio, la société Le Bourget, la société Hennert et la société Andrelux Créateurs soutiennent que le tribunal les a condamnés à tort à payer des dommages-intérêts pour avoir rompu le contrat de publicité le liant, chacune, à la société Saatchi sans respecter le préavis d'usage de six mois prévu par le contrat type alors que la société Saatchi a expressément sollicité la mise hors de cause des sociétés Le Bourget, Hennert et Andrelux Créateurs et que la société Chantal Thomass Studio a conclu le contrat de publicité avec la société Saatchi en raison essentiellement de la présence de Monsieur Devarrieux au sein de cette société et de l'amitié unissant Monsieur Devarrieux et Madame Thomass ce qui constitue l'expression d'une volonté implicite des parties de se situer hors du champ d'application du contrat type.

La société Chantal Thomass Studio ajoute que dès qu'elle a eu connaissance du départ de Monsieur Devarrieux de la société Saatchi, elle a manifesté son intention de rompre le relations contractuelles en respectant un préavis de deux mois qu'elle estime "tout à fait raisonnable";

En conséquence, la société Chantal Thomass Studio, la société Le Bourget, la société Hennert, et la société Andrelux Créateurs demandent d'infirmer le jugement déféré en déboutant la société Saatchi de ses prétentions et en la condamnant à lui payer la somme de 15 000 F au titre des frais non répétibles.

La société Saatchi réplique essentiellement que la société Chantal Thomass Studio n'a pas respecté le préavis d'usage de six mois et que les autres sociétés appelantes qui exploitent, sous licence, la marque Chantal Thomass ont engagé leur responsabilité quasi-délictuelle en n'avertissant pas la société Chantal Thomass Studio de la nécessité de respecter ce délai de préavis.

La société Saatchi relève appel incident pour faire condamner in solidum les quatre sociétés appelantes et la société Art Diffuse ou subsidiairement la société Chantal Thomass Studio à lui payer la somme de 250 000 F à titre de dommages-intérêts.

Enfin, elle sollicite la condamnation de la société Chantal Thomass Studio à lui régler la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

SUR LE FOND DU LITIGE:

Considérant tout d'abord qu'il convient de déclarer irrecevable la demande de la société Saatchi contre la société Art Diffuse qui n'est pas intimée dans l'acte d'appel et qui n'a pas fait l'objet d'un appel provoqué de la société Saatchi;

Considérant qu'il est constant et non contesté que pendant plusieurs années, la société Chantal Thomass Studio a confié à la société Saatchi la conception et la réalisation de ses campagnes publicitaires;

Que par lettre recommandée du 30 janvier 1990, la société Chantal Thomass Studio a informé la société Saatchi de son intention de mettre fin aux relations contractuelles fin mars 1990.

Considérant que la société Chantal Thomass Studio qui a pris l'initiative de rompre ce contrat de publicité a durée indéterminée, devait respecter un préavis qui, en l'absence de disposition conventionnelle, doit être de six mois, conformément au contrat type entre annonceurs et agents de publicité qui exprime les usages de la profession;

Considérant que si les parties sont entrées en relation d'affaires en raison de la présence de Monsieur Devarrieux au sein de la société Saatchi, ce seul fait ne permet pas d'en déduire qu'elles ont voulu échapper de manière implicite mais non équivoque à l'application du contrat type;

Considérant que la société Saatchi est donc en droit de réclamer à la société Chantal Thomass Studio la perte de marge brut qu'elle a subi en raison de la résiliation anticipée du contrat;

Qu'en l'absence d'éléments permettant de chiffrer ce préjudice, il y a lieu d'ordonner une expertise comptable ;

Considérant que le motif sus-énoncé invoqué par la société Saatchi pour engager la responsabilité quasi-délictuelle des autres sociétés appelantes est inopérante ;

Qu'en effet, ces sociétés qui sont titulaires d'une licence de la marque "Chantal Thomass Studio" n'avaient pas l'obligation légale d'éclairer la société Chantal Thomass Studio, propriétaire de la marque, sur ses obligations contractuelles notamment à l'égard de la société Saatchi;

Que cette société doit donc être déboutée de ses demandes à l'encontre de la société Le Bourget, de la société Hennert et de la société Andrelux Créateurs.

Par ces motifs, LA COUR, Infirmant partiellement le jugement déféré, Déclare irrecevable la demande de la SA Saatchi et Saatchi Advertising contre la société Art Diffuse. Déboute la SA Saatchi et Saatchi Advertising de ses demandes contre la SA Le Bourget, la SA Hennert et la société Andrelux Créateurs. Dit que la SA Chantal Thomass Studio a résilié le contrat de publicité la liant à la SA Saatchi et Saatchi Advertising sans respecter le préavis de sic mois ; Avant dire droit sur le préjudice ; Ordonne aux frais avancés par la SA Saatchi Advertising une expertise comptable confiée à Monsieur Michel Roques demeurant 22, rue des Reculettes 75013 Paris avec mission après avoir entendu les parties, pris connaissance de tous documents utiles et obtenu tous renseignements nécessaires de fournir tous éléments permettant de chiffrer la perte de marge brute subie par la SA Saatchi et Saatchi Advertising du fait de la résiliation du contrat de publicité à la fin mars 1990 au lieu de la fin juillet 1990 ; Dit que la SA Saatchi et Saatchi Advertising doit consigner au greffe de cette cour-service expertise la somme de 20 000 F à titre de provision à valoir sur les frais d'expertise avant le 15/04/1994. Dit que l'expert doit déposer son rapport au greffe de la cour avant le 30 septembre 1994.