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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 5 novembre 1997, n° 95-28139

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Eagle Star Vie (SA)

Défendeur :

de Thore (ès qual.), Collette et Associés (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vigneron

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

Me Olivier, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Ader, Corone.

T. com. Paris, 8e ch., du 25 oct. 1995

25 octobre 1995

La SA Eagle Star Vie a, par déclarations remises au secrétariat-greffe les 15 et 20 novembre 1995, interjeté appel du jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 25 octobre 1995 par le Tribunal de commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à Monsieur Ghesquière et à Me de Thore ès qualités respectivement d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers de la société Collette et Associés les sommes de 395 659,03 F TTC à titre d'indemnité de préavis, 100 000 F à titre de dommages et intérêts et 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens.

La SA Eagle Star Vie prie la cour, réformant cette décision, de débouter l'agence Collette et Associés et Me de Thore ès qualités de l'intégralité de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Eagle Star Vie fait valoir au soutien de son appel qu'elle a informé le 23 mai 1991 l'agence de publicité Collette et Flimon avec laquelle elle était liée par un contrat du 30 novembre 1988 conclu pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction de ce qu'elle n'entendait pas renouveler ce contrat, que cette dernière lui a adressé le 31 décembre 1991 une facture de 395 659,03 F au titre d'indemnité de préavis et que si le dirigeant intérimaire d'Eagle Star est revenu le 18 juin 1992 sur la dénonciation du contrat, c'est uniquement parce que l'agence le lui avait imposé en contrepartie de l'autorisation d'exploiter le film publicitaire par elle réalisé, mais qu'il lui avait bien précisé qu'il ne diligenterait aucune action de communication particulière, ce qui a été confirmé par le nouveau directeur qui a expressément autorisé l'agence, le 13 octobre 1992, à contracter avec d'autres compagnies d'assurance sur la vie.

Elle dénie avoir commis quelque faute que ce soit dès lors qu'elle n'a pu que prendre acte de la rupture entre les parties, le 16 avril 1993, devant le refus de l'agence d'accepter des budgets limités et de mettre à sa disposition le film publicitaire, et fait valoir qu'en toute hypothèse l'indemnité n'est pas due comme étant abusive.

Me de Thore agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Collette et Associés s'oppose à l'appel interjeté par la société Eagle Star Vie et forme appel incident, demandant à. la cour d'élever à 500 000 F le montant des dommages et intérêts complémentaires à la charge d'Eagle Star Vie, avec intérêts de droit à compter du jugement à titre de supplément de dommages et intérêts, de dire en outre que l'indemnité contractuelle de 395 659,03 F sera assortie des intérêts de droit à compter de l'exploit introductif d'instance du 9 août 1993 en tant que de besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires et d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la signification de ses conclusions (29 août 1997) par application de l'article 1154 du Code civil. Elle sollicite enfin une nouvelle application en cause d'appel de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à hauteur de 20 000 F.

Elle soutient que la société Eagle Star Vie a commis à son encontre un dol pour tenter d'échapper à ses obligations contractuelles, simulant une reprise des relations pour ne pas régler l'indemnité due et la privant de toute rémunération dès le 23 mai 1991, cette privation de trésorerie ayant conduit l'agence à l'asphyxie financière puis la déconfiture. Elle relève en outre qu'Eagle Star Vie a engagé une nouvelle campagne publicitaire au 1er semestre 1993 sans faire appel à l'agence ni même l'en informer.

Sur ce LA COUR,

Considérant que par acte sous seing privé du 30 novembre 1988 la société Eagle Star Vie a confié à la société à la société Mondhar-Flimon (devenue ultérieurement Collette et Flimon puis Collette et Associés, ci-après dénommée l'Agence) les opérations de création publicitaire, réflexion média et production ; qu'aux termes de ce contrat qui prévoyait la rémunération de l'Agence par le versement d'une commission en sus de la facturation de ses frais, l'Annonceur s'engageait à utiliser les créations de l'Agence en conformité avec la législation en vigueur (relative en particulier au droit d'auteur, au droit des artistes-interprètes et aux marques), ce droit d'utilisation étant limité à la durée du contrat sauf cession par l'Agence, à la demande de l'Annonceur et après accord des auteurs, concepteurs ou inventeurs, de ses droits de propriété incorporelle sur des créations spécifiques ; que ce contrat, établi pour une période d'un an à compter de la date de signature, se renouvelait par tacite reconduction pour une même période sauf dénonciation expresse, par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant un préavis de 6 mois ; qu'il prévoyait en outre en son article 7 que pendant la période du préavis l'indemnité versée à l'Agence serait égale à la moitié de l'ensemble des rémunérations perçues par l'Agence au cours des 12 mois précédant la date de rupture du contrat ;

Considérant que la société Eagle Star Vie ayant dénoncé ce contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mai 1991 pour le 30 novembre 1991, l'Agence a établi le 31 décembre 1991 une facture d'indemnité de fin de contrat calculée conformément aux dispositions de l'article 7 d'un montant HT de 333 607,95 F soit 395 659,03 F TTC ;

Considérant que par courrier du 18 juin 1992 la société Eagle Star Vie est revenue sur cette dénonciation du contrat et a demandé à l'Agence de considérer la lettre du 23 mai 1991 comme nulle et non avenue, ce qu'a fait cette dernière qui a pris acte de la décision d'Eagle Star Vie et renoncé à l'indemnité de préavis en lui adressant un avoir annulant la facture précédente ;

Que postérieurement, par un courrier du 13 octobre 1992 sur lequel l'Agence n'a pas apposé la mention "Bon pour accord" qui lui était demandée la société Eagle Star Vie l'a avisée de ce que jusqu'à fin 1993 elle n'entendait pas recourir à elle et l'autorisait expressément à contracter avec un autre assureur sur la vie, tout en lui confirmant que le contrat du 30 novembre 1988 demeurait en vigueur et qu'il était probable qu'elle soit amenée à communiquer de façon plus active en collaboration avec elle à partir de 1994 ;

Que cependant par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 1993 la société Eagle Star Vie a notifié à l'Agence la dénonciation du contrat à effet au 1er décembre 1993 ;

Considérant que comme l'a exactement décidé le tribunal par des motifs pertinents que la cour fait siens la société Eagle Star Vie a agi de mauvaise foi puisqu'il résulte de la chronologie qui précède qu'après être revenue le 18 juin 1992 sur la dénonciation du contrat notifiée le 23 mai 1991 en promettant à l'Agence "la reprise d'une collaboration fructueuse" la société Eagle Star s'est abstenue de lui confier quelque action publicitaire, de sorte à faire échec tant au paiement du préavis contractuel facturé en décembre 1991 qu'à l'application, à la date de la seconde dénonciation du contrat, des dispositions de l'article 7 du contrat assurant à l'Agence le bénéfice d'une telle indemnité, faute de base de calcul sur l'année précédente ;

Considérant que les manœuvres auxquelles elle s'est livrée ne sauraient comme le prétend Eagle Star être justifiées ni par la succession de plusieurs directeurs à sa tête, circonstance qu'elle ne peut apposer à son co-contractant, ni par les prétendues exigences démesurées de l'Agence au titre notamment de passages de spots publicitaires à Nouméa qui ne sont pas démontrées ;

Qu'Eagle Star n'établit pas enfin en quoi l'indemnité prévue à l'article 7 du contrat qu'elle a signé serait abusive ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à l'Agence la somme de 395 659,03 F TTC à titre d'indemnité de préavis, sujette à TVA, et d'assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 9 août 1993, date de l'assignation, à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

Que Me de Thore es qualités doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires faute par elle de démontrer l'existence d'un préjudice distinct ;

Considérant que l'équité ne commande pas une nouvelle application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement entrepris sauf du chef de la condamnation à dommages et intérêts; Le réforme de ce chef et, statuant à nouveau, Déboute Me de Thore ès qualités de sa demande de dommages et intérêts; Y ajoutant, Assortit la condamnation en principal des intérêts au taux légal à compter du 9 août 1993 ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes; Condamne la société Eagle Star Vie aux dépens. Accorde à Me Olivier le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.