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Décisions

Ministre de l’Économie, 13 novembre 2002, n° ECOC0300311Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société Vénilia SA

Ministre de l’Économie n° ECOC0300311Y

13 novembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 14 octobre 2002, vous avez notifié le projet d'acquisition des activités "grand public" - principalement des produits de nappages, des feuilles auto-adhésives de décoration et de protection et des tapis multi-usage - de Pennel Industries SA (ci-après Pennel) par la société Vénilia SA (ci-après Vénilia). Cette acquisition a été formalisée par un contrat signé le 27 septembre 2002.

I. Les parties et l'opération

Pennel, entreprise cédante, société anonyme de droit français spécialisée dans l'enduction à partir de PVC et de caoutchouc, est active dans les secteurs d'activité suivants : la fabrication et la vente d'articles de nautisme (bateaux de sauvetage, annexes gonflables...), de produits pour le bâtiment (revêtements spéciaux pour les murs...), de revêtements pour l'habillage intérieur de l'automobile, et de produits dits "grand public". Cette activité "grand public", seule concernée par l'opération, consiste principalement à fabriquer et commercialiser les deux types de produits suivants : les nappes (en coton plastifié, toiles cirées, en coton enduit), les sous-nappes (en caoutchouc imprimé ou non, ou en PVC) et sets de table ; les feuilles auto-adhésives de décoration et protection pour les meubles et différentes surfaces. Cette activité "grand public" consiste également, mais de manière plus accessoire, dans la fabrication ou la simple commercialisation de divers autres produits, dont notamment des pinces pour nappes et des tapis multi-usages.

Pennel a réalisé en 2001 pour l'activité cédée un chiffre d'affaires de 23,8 millions d'euros dans le monde (dont 19,9 millions en France), pour l'essentiel sous la marque "Bulgomme".

Vénilia, entreprise acquérante, est une société anonyme de droit français détenue à 100% par la société Véninov SA, elle-même détenue par la société de droit allemand Langbein Pfanhauser Werke AG (ci-après "LPW") (1).

LPW, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 722,5 millions d'euros dans le monde en 2001 (dont 69,3 millions en France), est active dans les trois domaines d'activité suivants : la technologie des métaux non ferreux, l'engineering, et enfin les revêtements muraux et les produits de décoration intérieure. Cette société est présente en France par l'intermédiaire des entreprises suivantes : Vénilia, Véninov (2) (production de nappages), Abelia Décor SA (production de papiers peints), Abélia SA (production de papiers peints) et France Papiers Peints Expansion (distribution de papiers peints).

Vénilia est plus particulièrement active dans la conception et la vente d'articles de décoration (feuilles et frises murales auto-adhésives) et de protection principalement pour la table (nappes en PVC et en tissu protégé, sets de table et sous-nappes en PVC), ainsi que la commercialisation de tapis dits "multi-usages" (pour cuisines et salles de bain). Vénilia, qui n'a pas d'activité de production, s'approvisionne principalement auprès de [...]

En vertu du contrat d'achat précité, Pennel envisage de céder à Vénilia le fonds de commerce relatif aux activités dites "grand public" (3). L'opération constitue ainsi une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce en ce qu'elle entraîne le transfert partiel d'actifs du groupe Pennel au profit exclusif de LPW via Vénilia.

Compte tenu des chiffres d'affaires précités, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L.430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. La définition des marchés

Les parties estiment qu'il convient de distinguer trois marchés de produits concernés par l'opération examinée, et sur lesquels les deux parties sont présentes : [1] le marché de la protection et de la décoration de la table, marché des produits de "nappage" [...]% du chiffre d'affaires "grand public" de Vénilia et [...]% de celui de Pennel), [2] le marché des feuilles auto-adhésives de décoration et protection pour les meubles et différentes surfaces au sein de la maison [...]% du chiffre d'affaires de Vénilia et [...]% de celui de Pennel), et [3] le marché des tapis multi-usages [...]% du chiffre d'affaires de Vénilia et [...]% de celui de Pennel).

* Marchés de produits

[1] Le marché des produits de nappage

Selon les parties, le marché des nappes englobe l'ensemble des articles de nappage suivants : les protège-tables (feuille coton recouverte d'une feuille de mousse en PVC ou en caoutchouc), les nappes textiles, les nappes en tissu protégé (fabriquées à partir d'un tissu coton imprimé recouvert d'une feuille de PVC ou acrylique), les toiles cirées (feuilles de PVC collées sur un support tissé ou molletonné notamment) et les sets de table. Selon les parties, ce marché n'inclut pas les nappes en papier, pour des raisons tenant tant à des différences du côté de l'offre (matériaux et techniques de fabrication différents), que du côté de la demande (les nappes en papier sont des produits jetables alors que les autres sont destinées à une usage plus régulier et long).

La question d'inclure ou non les nappes en papier dans le marché pertinent peut être posée. Toutefois, au cas particulier, et dans la mesure où aucune des parties à l'opération ne produit de telles nappes, la question peut être laissée ouverte. Dès lors, pour les besoins de la présente analyse, et dans la mesure où l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché plus étroit des nappes hors nappes en papier, le marché pertinent adopté n'inclura pas les nappes en papier.

Par ailleurs, même si les parties retiennent une définition de marché plus étroite que celle retenue par les autorités allemandes de concurrence dans la décision LPW/Solvay du 14-12- 2001, qui ont inclus les nappes en papier dans le marché des produits de nappage tel que proposé par les parties, il est possible de s'interroger sur une délimitation plus fine de ce marché, en excluant les nappes textiles du marché et en distinguant les protège-tables et les nappes. Toutefois, la délimitation précise de ce marché peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

[2] Le marché des feuilles auto-adhésives

Les parties considèrent qu'il convient de définir un marché des feuilles auto-adhésives de décoration comprenant les feuilles de décoration et de protection en PVC auto-adhésives destinées à être posées par le consommateur final sur du mobilier (afin de le rénover ou de le protéger), sur des portes ou des fenêtres, et plus généralement sur tout objet.

La technique de fabrication -qui est aussi celle utilisée pour les nappes ou tapis PVC- est une technique relativement simple consistant à tendre les feuilles de PVC sur des machines permettant de les rendre lisses, puis de les imprimer.

Les parties estiment qu'il convient d'exclure de ce marché les frises auto-adhésives -que Pennel ne commercialise pas-, qui ne répondent pas à une même demande dans la mesure où ces articles sont vendus sous un format différent et destinés être posées sur un mur, sans découpe préalable par le consommateur.

La question de savoir s'il convient ou non de distinguer les feuilles des frises autoadhésives

peut rester ouverte au cas d'espèce dans la mesure où les chevauchements d'activités sont nuls pour les frises auto-adhésives (Pennel n'en vend pas) et faibles pour les feuilles auto- adhésives, et où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

[3] Le marché des tapis multi-usages

Les parties considèrent que les tapis multi-usages, qu'elles ne fabriquent pas mais commercialisent, uniquement au titre de complément de gammes, constituent, du point de vue du consommateur, un marché de produits distinct du marché des produits de nappage et de celui des feuilles auto-adhésive.

Toutefois, il n'est pas nécessaire de déterminer avec une plus grande précision ce marché, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle en resteront inchangées.

* Dimension géographique des marchés

Les parties considèrent que, compte tenu des caractéristiques de l'offre (acteurs implantés dans toute l'Union Européenne) et de la demande à leur stade de commercialisation (distribution principalement auprès des enseignes de la grande distribution généraliste ou spécialisée qui référencent leurs fournisseurs pour l'ensemble des pays dans lesquels leurs magasins sont implantés) les trois marchés concernés par l'opération sont de dimension nationale, voire européenne.

Pour les raisons évoquées ci-dessus, il n'est pas nécessaire de préciser la dimension géographique de ces marchés dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle en demeureront inchangées. L'analyse portera donc en l'espèce, pour chacun des trois marchés de produits définis, aux effets de l'opération sur le territoire national, territoire sur lequel Pennel est principalement actif.

III. Analyse concurrentielle

Sur le marché des produits de nappage tel que défini par les parties, Vénilia (8,4% de parts de marché), avec l'apport de l'activité de Pennel (12%), devient le premier opérateur devant notamment Nydel (8,6%), Descamps (6,8%) et Jacquard Français (6%).

Sur le marché affecté des feuilles auto-adhésives, l'opération renforce la position de leader détenue antérieurement par Vénilia (avec une part de marché de 46,1%) dans la mesure où la part de marché de la nouvelle entité sera de 52,5%. Les principaux concurrents de Vénilia à l'issue de l'opération disposeront de parts de marché inférieures à 10%.

Sur le marché des tapis multi-usages, l'opération permet à Vénilia de passer de 15% à 19% de parts de marché en cumulé.

Même si la présente opération a pour effet de renforcer la position de Vénilia sur ces trois marchés, il convient, toutefois, de préciser leurs caractéristiques communes.

On peut noter tout d'abord que ces trois marchés, sur lesquels il n'existe pas de barrière à l'entrée significative (notamment en termes réglementaires, technologiques ou de marketing), sont arrivés à maturité depuis plusieurs années (régression des ventes en France en volume et en valeur).

De plus, les produits concernés par l'opération, dont les prix sont en constante baisse depuis cinq ans, ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'innovation importante ni d'un renouvellement fréquent par le consommateur final (4).

Il subsistera en outre, à l'issue de l'opération, un nombre important de concurrents sur ces marchés, parmi lesquels les grossistes importateurs (5), qui s'approvisionnent auprès de fabricants implantés dans des pays à faible coût de main d'œuvre et de production (Turquie, Italie, Maghreb et Asie), et qui bénéficient de positions toujours plus importantes.

L'opération n'est pas de nature en outre à octroyer un quelconque avantage décisif à la nouvelle entité au détriment de ses concurrents, notamment en termes de marque, de savoir-faire ou d'étendue de gamme, de nature à la rendre incontournable.

Certains concurrents ont souligné, à l'occasion du test de marché, que l'opération permettait à la nouvelle entité de réunir au sein d'une seule et même offre les deux marques leaders sur les deux marchés principalement concernés par l'opération, à savoir Vénilia pour les feuilles auto-adhésives et Bulgomme pour les produits de nappage. On peut cependant raisonnablement écarter, en l'espèce, tout risque d'atteinte à la concurrence, notamment par un effet de portefeuille, pour les raisons suivantes. Tout d'abord, on peut noter que Pennel - via sa marque Bulgomme - n'est pas référencé par tous les distributeurs, et est par exemple absent des réseaux [...]. On peut noter en outre que les distributeurs ne référencent pas forcément les fournisseurs pour l'ensemble de leur gamme, qui, du point de vue de ces intermédiaires, ne constituent pas des produits complémentaires et ne sont d'ailleurs, le plus souvent, pas distribués dans les mêmes rayons (rayon bricolage, ménage, et parfois même textile). On peut enfin souligner que les frais publicitaires ne sont pas très significatifs dans ce secteur (6), et ne sont pas de nature à constituer une barrière importante à l'entrée sur ces marchés.

Enfin, les principaux clients des opérateurs sur ces marchés sont les grandes surfaces généralistes et spécialistes (7), qui disposent d'un pouvoir de référencement et de négociation importants face à leurs fournisseurs.

En conclusion, il ressort de ces différents éléments que la présente concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les trois marchés concernés, notamment par création ou renforcement d'une position dominante au profit de Vénilia. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

NOTA : A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché remplacée par une fourchette.

Ces informations relèvent du "secret d'affaires", en application de l'article 8 du décret n°2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence

NOTES

(1) LPW, qui vient de prendre une nouvelle dénomination sociale (Value Driven Network ñ VDN), a acheté en juin 2001 les activités de décoration de Solvay comprenant les sociétés Vénilia, Alcor* Déco, Véninov, Boekelo Décor. Cette opération de concentration a d'ailleurs donné lieu à une décision de compatibilité du Bundeskartellamt (Conseil fédéral de la concurrence allemand) en date du 14 décembre 2001.

(2) Véninov dispose d'un site de production situé à Vénissieux (69).

*Erreur matérielle : lire: "Alkor" au lieu de "Alcor"

(3) Le périmètre de la cession inclut la clientèle, les marchandises, le matériel, le mobilier commercial, les contrats en cours et de tous les droits incorporels utilisés pour la confection et le négoce des produits concernés. Pennel conserve les outils de production et continuera à produire des sous-nappes "en caoutchouc" à partir de son site situé à Roubaix, [...]

(4) Selon les parties, un foyer sur 5 achète une nappe chaque année.

(5) Parmi lesquelles notamment les sociétés CPM, Selva, Decordis, Ghanem ou Renaufil.

6 [...]

7 Le pourcentage de chiffre d'affaires réalisé par les parties avec la distribution de masse est respectivement de [...]% pour Vénilia et de [...]% pour Pennel. Les cinq principaux clients de Vénilia sont [...], alors que ceux de Pennel sont [...]