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Décisions

Ministre de l’Économie, 27 janvier 2003, n° ECOC0300312Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Directeurs de la compagnie Saint-Gobain et de Point P SA

Ministre de l’Économie n° ECOC0300312Y

27 janvier 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Messieurs les Directeurs,

Par dossier déclaré complet le 23 décembre 2002, le projet de prise de contrôle de la société anonyme Sem Angles (ci-après "Sem Angles") par la société Point P SA (ci-après dénommée Point P) a été notifié.

I- Les parties et l'opération

La société Point P est une société anonyme de droit français, filiale à 99,99 % de la société Partidis, elle-même détenue à 100 % par la compagnie de Saint-Gobain. L'activité du groupe Saint-Gobain est centrée autour de trois pôles d'activité que sont la fabrication de différents produits issus du verre (vitrage, isolation, conditionnement), de matériaux de haute performance (céramiques, plastiques de haute performance et abrasifs) et de matériaux de construction. Ce dernier pôle comprend une activité de distribution de matériaux de construction destinés aux entreprises du bâtiment. En sa qualité de négociant en matériaux de construction, la société Point P fait donc partie de la branche distribution du groupe Saint-Gobain. Le chiffre d'affaires mondial du groupe s'est élevé à 30,3 milliards d'euros au 31 décembre 2001, dont 7,7 milliards ont été réalisés en France.

Sem Angles est actuellement détenue à plus de 84 % par Monsieur Jean-Marc Angles, le solde du capital étant détenu par la famille Angles. Elle exerce une activité de distribution de matériaux de construction spécialisée en produits de sanitaire et de chauffage au travers de l'exploitation de 39 établissements répartis dans seize départements situés dans le quart sud-ouest de la France (1). A l'exception d'une société dénommée "SAS Quincaillerie Angles" exploitant un fonds de commerce de vente d'article de quincaillerie, qui sera cédée par Sem Angles préalablement à la réalisation de la présente opération (et est donc exclue du périmètre de la concentration notifiée), la société Sem Angles ne détient aucune filiale ou participation. Sem Angles a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires d'environ 107 millions d'euros en France exclusivement.

Aux termes du protocole d'accord signé le 15 novembre 2002, Monsieur Jean-Marc Angles et les autres actionnaires se sont engagés à céder la totalité du capital de la société Sem Angles à la société Point P SA. En conséquence, la société Point P prendra le contrôle de Sem Angles, et donc des 39 établissements spécialisés dans le négoce de matériaux de sanitaire et de chauffage. L'opération constitue à ce titre une opération de concentration au sens de l'article L.430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations, conformément aux dispositions des articles L.430-3 et suivants du même Code.

II- Les marchés concernés

La branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain distribue un ensemble de produits tels que du sable, du gravier, des canalisations, du béton, du ciment, du mortier, des briques, des tuiles, des ardoises, des produits d'isolation, des produits d'étanchéité, des produits en bois, de la menuiserie, du carrelage, des produits de sanitaire et de chauffage, de l'outillage, de la peinture, du matériel électrique, des produits d'aménagement extérieur, ainsi que divers autres produits nécessaires à l'activité du bâtiment.

Point P est l'une des enseignes en France de la branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain. Les autres enseignes françaises en matière de négoce de matériaux de construction du groupe sont : Point P travaux publics, La Plateforme du bâtiment (nouveau concept de vente exclusivement réservé aux professionnels sur le principe du "cash & carry"), Lapeyre-GME (spécialisé dans l'aménagement de la maison, en particulier en ce qui concerne la cuisine, la salle de bain, les menuiseries intérieures et extérieures), K par K (vente et pose de fenêtres, portes, volets, etc...), SFIC (spécialisé dans l'isolation), Cedeo (grossiste sanitaire-chauffage), Dupont (grossiste sanitaire-chauffage), l'Asturienne (spécialisé en couverture et sanitaire-chauffage). Dupont et Cedeo regroupent sous leurs enseignes deux cents points de vente spécialisés en sanitaire-chauffage répartis sur toute la France.

Sem Angles est également négociant en matériaux de construction et dispose de trente-neuf points de vente répartis entre seize départements du quart sud-ouest de la France. Toutefois, Sem Angles réalise [>80] % de son chiffre d'affaires dans le négoce de produits de sanitaire et de chauffage. Le reste de son activité concerne un ensemble de matériaux de construction divers. Le groupe Saint-Gobain est par ailleurs fabricant de matériaux utilisés pour la construction et les travaux publics : vitrage, isolation, abrasifs, canalisations, tuiles et briques, mortiers, produits béton.

Les parties à l'opération sont donc simultanément présentes sur les mêmes secteurs d'activités en tant que distributeurs de matériaux de construction, et plus particulièrement en tant que négociants en produits de sanitaire et de chauffage, et sont par conséquent toute deux acheteurs sur les marchés de l'approvisionnement. Le groupe Saint-Gobain est par ailleurs présent sur les marchés de l'approvisionnement en tant que fabricant de matériaux destinés à la construction, en particulier de canalisations et de tuiles et briques.

A- La délimitation des marchés concernés

1°) Les marchés du négoce de matériaux de construction

Selon les parties, le marché concerné par l'opération comprend l'ensemble des ventes de matériaux de construction, quel que soit le canal de distribution emprunté. Elles estiment ainsi que les négociants traditionnels, qu'ils soient généralistes, spécialistes ou multi-spécialistes, ainsi que les grandes surfaces de bricolage (GSB) et les rayons spécialisés des grandes surfaces alimentaires (GSA), constituent des offres partiellement substituables aux yeux de la clientèle.

La question d'une délimitation plus étroite du marché pertinent en fonction du canal de distribution peut néanmoins être soulevée. La pratique décisionnelle du ministre a en effet déjà été amenée à distinguer le négoce de matériaux de construction de la distribution en GSB ou en GSA (2).

Selon la pratique décisionnelle de la Commission (3), le négoce de matériaux de construction est une activité traditionnelle par laquelle les négociants stockent l'ensemble des matériaux nécessaires aux entreprises du secteur du bâtiment. L'activité consiste à fournir en gros un large assortiment de matériaux qui, bien que non substituables entre eux, sont toutefois nécessaires et souvent associés pour réaliser un projet de construction.

L'offre des négociants s'adresse en priorité à des professionnels du bâtiment ou à des particuliers "bricoleurs lourds" dont les attentes sont proches de celles de professionnels. Cela implique des caractéristiques spécifiques en termes d'organisation de distribution des produits : les négociants disposent de stocks importants, de gammes profondes, ils livrent généralement la marchandise à leur clientèle, proposent parfois la livraison directe par le fournisseur pour les commandes importantes, ont une activité de conseil très importante aux yeux de la clientèle, accordent des délais de paiement, assument le risque-client, etc.

A l'inverse, les GSB s'adressent principalement à une clientèle de particuliers dans le cadre de leurs achats de matériel de bricolage. Lorsque des professionnels s'adressent aux GSB pour certains matériaux, leur comportement reste proche de celui des particuliers (achats ponctuels de petites quantités, à emporter, absence de délais de paiement, etc.). Si les négociants traditionnels et les GSB sont amenés à proposer des produits identiques, les services et les conditions de vente qui s'y rapportent diffèrent sensiblement d'un canal de distribution à l'autre, ce qui justifie qu'ils puissent être considérés comme appartenant à des marchés distincts.

Quant aux GSA, elles n'offrent qu'un faible nombre de références et, en dehors d'opérations ponctuelles, ne consacrent qu'une surface très limitée aux articles de bricolage.

Par ailleurs, la jurisprudence et la pratique décisionnelle des autorités de concurrence, tant françaises (4) que communautaires (5), ont évoqué à plusieurs reprises la possibilité de distinguer, au sein du marché du négoce de matériaux de construction, une segmentation plus fine en fonction du degré de spécialisation des négociants. En effet, contrairement aux négociants généralistes dont l'offre porte sur un assortiment complet de différentes gammes de produits, les négociants spécialisés proposent des gammes plus profondes et une expertise plus poussée sur des lignes de produits particulières (bois, carrelage, isolation, etc.).

Or, il convient de constater que Sem Angles réalise presque exclusivement son chiffre d'affaires dans le négoce de produits de sanitaire et de chauffage ([>80] %), d'une part, et que la branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain exploite également des enseignes spécialisées dans la seule distribution de matériaux de sanitaire et de chauffage, d'autre part. Il est dès lors permis de s'interroger sur l'existence d'un marché distinct correspondant à cette spécialité.

Les matériaux de sanitaire et de chauffage sont, à l'usage des professionnels, des produits dits "du second œuvre". Ils regroupent les robinetteries sanitaires, les appareils sanitaires, les pompes et systèmes de traitement de l'eau, les canalisations et raccords, les mobiliers de salle de bains, les chauffe-eau à gaz et électriques, les surfaces de chauffe (radiateurs et convecteurs électriques), les chaudières, les systèmes de régulation, les robinetteries de chauffage, les climatiseurs, ainsi que l'outillage associé à ces activités.

La demande de produits de sanitaire et de chauffage émane essentiellement de professionnels. Ainsi, sur le chiffre d'affaires total généré par la distribution desdits produits, estimé à 6 337 millions d'euros, plus de 77 % proviennent de la vente par les négociants de matériaux de construction. Et parmi les négociants, les grossistes spécialisés en sanitaire-chauffage assurent en valeur 82 % de la distribution (6).

Ainsi qu'il a été évoqué précédemment, la forte propension des professionnels à s'adresser aux grossistes spécialisés peut se justifier par la profondeur des gammes proposées par ces derniers et leur expertise. Mais cette relation d'approvisionnement privilégiée des professionnels du sanitaire-chauffage auprès des négociants spécialisés est encore accrue par l'importance qu'ils attachent à la marque des produits. En effet, le test de marché révèle que la notoriété de certaines marques rend une vente de substitution par un produit sans marque peu aisée. Il convient d'ailleurs de souligner à cet égard que l'entretien de cette notoriété fait l'objet, pour certains fabricants de produits de sanitaire et de chauffage, d'un budget de communication substantiel au regard de celui dévolu par les fabricants d'autres matériaux pour la promotion de leur produit. Et c'est en accord avec cette stratégie de positionnement de marque que certains fabricants, jugés incontournables par les professionnels du secteur, font le choix délibéré d'une distribution quasi-exclusive par les négociants spécialisés.

Si la question de la définition d'un marché du négoce spécialisé en sanitaire-chauffage peut être laissée ouverte au cas d'espèce dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées, l'analyse concurrentielle portera néanmoins, compte tenu des éléments précédemment développés, sur ce segment.

En tout état de cause, la question de la pertinence d'une segmentation entre matériaux sanitaires, d'une part, et matériaux de chauffage, d'autre part, peut être écartée pour ce qui concerne la distribution de ces produits aux professionnels. En effet, il est entendu que les compétences requises pour l'activité liée à ces produits de second œuvre sont très proches. Les professionnels auxquels s'adresse l'offre des grossistes en sanitaire-chauffage exercent indistinctement les activités de plombier et de chauffagiste.

2°) les marchés de l'approvisionnement

L'activité de Point P et de Sem Angles consiste à s'approvisionner en matériaux de construction auprès de fabricants puis à revendre ces matériaux aux professionnels de la construction et des travaux publics. La demande adressée aux fabricants émane en grande partie de négociants de taille nationale (Point P, Pinault Bois & Matériaux, groupements d'achats d'indépendants comme BIGMAT ou GEDIMAT) ou régionale. Le solde de la demande émane des grandes surfaces de bricolage, des grandes surfaces alimentaires pour leurs rayons bricolage ou fait l'objet de commandes directes auprès des fabricants pour quelques produits particuliers. Compte tenu du faible poids que représente le chiffre d'affaires de Sem Angles au plan national, sa part dans le total des achats de matériaux de construction est également faible.

Toutefois, conformément à la pratique décisionnelle de la commission et du ministre, il est possible de distinguer, en matière d'approvisionnement, autant de marchés qu'il existe de familles de produits (7). En effet, Point P et Sem Angles, en tant que négociants, font appel à un grand nombre de fournisseurs appartenant à des secteurs d'activité très différents. La structure de l'offre, l'évolution des prix, la nature et l'intensité des barrières à l'entrée ou des contraintes de fabrication peuvent sensiblement varier d'une famille de produits à l'autre.

De son côté, le groupe Saint-Gobain fabrique un certain nombre de matériaux de construction que l'on peut regrouper en six grandes familles : matériaux d'isolation, mortiers, tuiles, matériel de voirie, tuyaux d'assainissement, dalles et pavés. Une partie des produits précités (environ [20-30] %) est écoulée à travers le réseau de négociants appartenant au groupe, notamment les points de vente Point P. Le reste des produits fabriqués est vendu à d'autres distributeurs indépendants du groupe Saint-Gobain, dont Sem Angles. Mais si Sem Angles se fournit exclusivement auprès du groupe Saint-Gobain en tuile, matériel de voirie, tuyaux de bâtiment et tuyaux d'assainissement, il convient de souligner que le chiffre d'affaires généré par la vente de ces matériaux ne représente que [0-10] % du chiffre d'affaires total de Sem Angles en 2001, et que le poids des achats de Sem Angles sur chacun des matériaux envisagés rapporté aux ventes totales de chacun d'eux ne dépasse, pour aucun, [<1] %. Aussi n'est-il pas nécessaire de définir les marchés d'approvisionnement des matériaux considérés sur lesquels le groupe Saint-Gobain est actif.

En revanche, compte tenu du fait Sem Angles est spécialisé dans la distribution de produits de sanitaire et de chauffage et que le groupe Saint-Gobain distribue également ces produits, notamment au travers de ses enseignes Cedeo et Dupont, il y a lieu de considérer que, parmi les différents marchés relatifs à l'approvisionnement des négociants, les marchés de l'approvisionnement en produits de sanitaire et de chauffage sont principalement concernés par la présente opération.

S'il est entendu qu'il n'y a pas lieu de distinguer les matériaux sanitaires des matériaux de chauffage pour leur distribution en gros par les négociants spécialisés aux professionnels, une telle segmentation paraît pertinente s'agissant de l'approvisionnement des négociants par les fabricants. En effet, si les compétences requises à la pose de ces matériaux sont proches, leur nature est à l'évidence très différente. Aussi les fabricants sont-ils spécialisés par gamme, voire par produits ; certains proposent une gamme de produits destinés aux activités de chauffage (chaudières, chauffe-eau, radiateurs, régulation...),d'autres proposent une gamme de matériaux sanitaires (robinetterie, diverses "céramiques"...). Seul un fabricant produit indifféremment des matériaux sanitaires et des matériaux de chauffage, nombre d'entre eux étant en revanche spécialisés dans la production de chauffe-eau, de radiateurs ou de robinetteries.

Pour autant, que la puissance d'achat du nouvel ensemble soit considérée sur un produit en particulier, sur une gamme ou sur l'ensemble des matériaux de sanitaire et de chauffage, les conclusions ne peuvent être que semblables dans la mesure où chacune des parties à l'opération distribue ces produits à un même type de clientèle (professionnels) (8), dont la demande pour chaque type de matériaux s'effectue dans des proportions constantes. Il est dès lors possible de considérer la position du nouvel ensemble en tant qu'acheteur sur le secteur de l'approvisionnement en matériaux de sanitaire et de chauffage dans son ensemble.

B- La dimension géographique des marchés

1°) L'activité du négoce spécialisé de matériaux de sanitaire et de chauffage

En matière de négoce de matériaux de construction, il est généralement admis que la dimension géographique du ou des marchés pertinents est locale, dans la mesure où les professionnels du bâtiment effectuent la plupart de leurs achats à proximité de leur propre zone d'intervention.

Toutefois, le périmètre de la zone de chalandise d'un point de vente varie en fonction de la largeur de l'assortiment de gammes proposé, de la spécificité ou du caractère plus ou moins onéreux de certains produits, du degré de spécialisation du point de vente concerné et de la région où il est implanté. La clientèle est en effet prête à se déplacer sur de plus grandes distances pour rejoindre un point de vente généraliste plus grand et mieux achalandé ou un point de vente spécialisé correspondant à un besoin précis ou moins courant.

Concernant l'activité de négoce spécialisé en sanitaire-chauffage, les parties fondent le périmètre d'une zone homogène de concurrence sur une localisation des clients de Sem Angles pour chacun de ses points de vente. Selon elles, il peut être ainsi identifié seize zones de chalandises distinctes, correspondant aux seize départements sur lesquels sont répartis lesdits points de vente.

Le test de marché a par ailleurs mis en évidence que les grossistes en sanitaire-chauffage livrant les matériaux aux professionnels le font dans un rayon allant de 40 à 60 kilomètres, d'une part, et que les professionnels souhaitent que leur grossiste ne soit pas à plus d'une demi-heure de trajet.

Compte tenu de ces éléments, l'analyse concurrentielle portera sur l'activité de négoce spécialisé en sanitaire-chauffage sur chacun des départements sur lesquels Sem Angles est présent, à savoir, l'Ariège (09), l'Aveyron (12), le Cantal (15), la Corrèze (19), la Dordogne (24), la Haute-Garonne (31), la Gironde (33), les Landes (40), la Haute-Loire (43), le Lot (46), le Lot-et-Garonne (47), la Lozère (48), le Puy-de-Dôme (63), les Pyrénées Atlantique (64), le Tarn (81) et le Tarn-et-Garonne (82).

2°) Les marchés de l'approvisionnement concernés

En matière d'approvisionnement en matériaux de construction, la dimension géographique est généralement considérée comme étant au moins nationale, voire européenne (9).

Pour ce qui est de l'approvisionnement en matériaux de sanitaire et de chauffage, les réponses au test de marché ont confirmé que la dimension géographique du marché était au plus nationale dans la mesure où le transport de ces produits pondéreux est coûteux, d'une part, et eu égard à l'attachement des professionnels à certaines marques nationales historiques.

Toutefois, la question d'une délimitation plus fine de la dimension géographique des marchés de l'approvisionnement peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

III- L'analyse concurrentielle

A- Sur les marchés de l'approvisionnement

Il a déjà été constaté ci-dessus qu'au plan national, la part des achats de Sem Angles dans le total des achats de matériaux de construction n'est pas significative.

Pour ce qui est de l'approvisionnement en matériaux de sanitaire et de chauffage, le test de marché a permis d'évaluer le marché national à environ 4 750 millions d'euros. Les achats du groupe Saint-Gobain représentent [10-20] % du marché national, ceux de Sem Angles [0-10] %.

L'opération n'emporte donc pas de renforcement significatif de la puissance d'achat du nouvel ensemble sur les marchés de l'approvisionnement considérés globalement.

En revanche, il peut être prêté attention à la puissance de négociation de l'entité projetée vis-à-vis de certains fabricants. En effet, ainsi qu'il a été développé précédemment, certaines marques, distribuées uniquement par les négociants spécialisés, sont considérées par les professionnels comme incontournables. Or, le test de marché révèle que la nouvelle entité pourra représenter une part significative du chiffre d'affaires de certaines d'entre elles, jusque plus du tiers.

Cependant, il a été mis en lumière par les réponses à ce test de marché que la nouvelle entité ne peut imposer un contrat d'exclusivité de distribution locale à aucun des fabricants, d'une part, et que d'autre part, dans l'hypothèse où sur des marchés locaux une marque n'était plus distribuée que par la nouvelle entité, il serait dans l'intérêt du fabricant de la fournir à un autre distributeur sur la zone considérée, selon les réponses desdits fabricants au test de marché.

L'opération n'emporte donc pas de renforcement de la puissance d'achat de la nouvelle entité susceptible de placer ses fournisseurs en situation de dépendance économique et n'est pas de nature à lui procurer un avantage concurrentiel déterminant à l'égard des autres opérateurs par une distribution exclusive de certaines marques.

B- Sur l'activité de négoce de matériaux de sanitaire et de chauffage

Les ventes de matériaux de sanitaire et de chauffage réalisées par les enseignes spécialisées du groupe Saint-Gobain sur l'ensemble du territoire français se sont élevées à [...] millions d'euros en 2001, celles effectuées par Sem Angles ont généré un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros.

Selon les estimations des parties, les ventes en France de produits similaires par les négociants spécialisés se seraient élevées, sur la même période, à environ 4 milliards d'euros. Les ventes du groupe Saint-Gobain représenteraient donc un maximum de [10-20] % de l'ensemble de ventes de matériaux de construction au plan national. Les ventes de Sem Angles ne représentent qu'une part minime du total des ventes en France ([0-10] %).

En l'absence de statistiques officielles concernant les ventes de la distribution de matériaux de sanitaire et de chauffage sur le plan local, les parties ont calculé le montant de ces ventes en partant d'une consommation par habitant multipliée par le nombre d'habitants sur chacun des départements concernés par l'opération.

EMPLACEMENT TABLEAU

Si l'on devait considérer qu'il existe un marché distinct du négoce de matériaux de sanitaire et de chauffage dont la dimension géographique serait le département, l'opération serait susceptible d'affecter les marchés de l'Ariège, de l'Aveyron, du Cantal, de la Gironde, du Lot-et-Garonne, de la Lozère, du Tarn et du Tarn-et-Garonne.

Cependant, il convient de souligner que le groupe Saint-Gobain n'exploite pas de points de vente spécialisés dans le négoce de matériaux sanitaire-chauffage antérieurement à l'opération sur les départements de l'Aveyron, du Cantal, de la Lozère et du Tarn-et-Garonne. Sur ces départements, l'opération n'entraîne pas d'addition de parts de marché significative ; elle a seulement pour conséquence d'adosser les points de vente concernés à un grand groupe. Or, au regard des chiffres d'affaire de 2001 des points de ventes de Sem Angles et du groupe Saint-Gobain, il apparaît que sur les départements où ces derniers étaient précédemment concurrents, les parts de marché de Sem Angles étaient sensiblement supérieures. Les enseignes Cedeo et Dupont, bien qu'adossées au groupe Saint-Gobain, n'en tiraient donc pas un avantage significatif. Il peut donc être entendu, après qu'il a été admis que l'opération n'a pas pour corollaire un renforcement significatif de la puissance d'achat du nouvel ensemble sur les marchés de l'approvisionnement, que l'adossement des enseignes Sem Angles au groupe Saint-Gobain sur les départements considérés n'est pas de nature à leur conférer un avantage concurrentiel pour leur activité de négoce de matériaux sanitaire-chauffage.

Sur les départements de l'Ariège, de la Gironde, du Lot-et-Garonne et du Tarn, le nouvel ensemble disposerait respectivement de quatre points de vente et [30-40] % de part de marché, dix points de vente et [30-40] % de part de marché, cinq points de vente et [30-40] % de part de marché, et enfin quatre points de vente et [20-30] % de part de marché.

Toutefois, sur ces départements, comme sur l'ensemble de la zone sud-ouest de la France, le nouvel ensemble demeure confronté à la concurrence de plusieurs opérateurs. Bien que leader sur chacun de ces quatre départements, il est toujours immédiatement concurrencé par un opérateur régional ou national, différent selon le département observé. Il convient par ailleurs de souligner que l'on retrouve nombre d'opérateurs sur l'ensemble de la zone sud-ouest de la France, mais avec des positions inégales selon les départements. Ces opérateurs principaux sont Brossette BTI (400 points de vente en France), Malrieu, Wendel, Delatour/Midel, Anconnetti Star (opérateur régional), Cobatri, Puybaret, etc...

Par ailleurs, si le test de marché a permis de constater la nécessité de disposer de capacités financières importantes pour pénétrer le marché, l'ouverture de surfaces de négoce en matériaux de sanitaire et de chauffage n'est soumise à aucune réglementation restrictive, et ne requiert pas, notamment, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un commerce de détail et sous réserve qu'une telle opération ne soit pas réalisée au moyen d'un changement d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 2000 m2, l'obtention d'une autorisation d'exploitation commerciale (10). Chacun des opérateurs précités peut donc étendre sa présence par une augmentation du nombre de ses points de vente.De plus, d'autres grands groupes ou réseaux de négociants en matériaux de construction, par exemple implantés dans d'autres zones géographiques, sont susceptibles de pénétrer ces marchés locaux.

En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Messieurs les Directeurs, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

NOTA : A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.

Ces informations relèvent du "secret des affaires", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

NOTES

(1) 37 agences sont exploitées sous l'enseigne "Sem Angles", et 2 agences (Mende et Rodez) sous l'enseigne "Fortabat".

(2) Lettre du ministre du 29 août 2002 relative à l'acquisition de la société Tabur par la société Mr. Bricolage, BOCCRF du 31 décembre 2002.

Lettre du ministre du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux, en instance de publication.

Lettre du ministre du 7 novembre 2002 relative à l'acquisition de la société CMM par la société Point P SA, en instance de publication.

Lettre du ministre du 13 décembre 2002 relative à l'acquisition du groupe Ardi/Isopar par la société Point P SA, en instance de publication.

(3) Décision de la Commission européenne dans l'affaire M.486, Holdercim/Origny-Desvroises du 5 août 1994.

(4) Décision du Conseil de la concurrence n° 88-D-30, BOCCRF n°19 du 30 septembre 1988 relative à des pratiques relevées dans le secteur du négoce des matériaux de construction dans la région Rhône-Alpes.

Lettres du ministre précitées du 6 septembre 2002 et du 7 novembre 2002.

(5) Décision de la Commission dans l'affaire M.764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996.

Décision de la Commission dans l'affaire M.1974, compagnie de Saint-Gobain/Raab Karcher, du 22 juin 2000.

(6) Chiffre d'affaires de la branche décomposé en fonction du circuit de distribution communiqué par les parties sur la base d'un retraitement de données issues de la revue "Négoce 2004" de Développement Construction.

(7) Décision de la Commission dans l'affaire M.1221 Rewe/Meinl, du 3 février 1999.

Décision de la Commission dans l'affaire M.1684 Carrefour/Promodès, du 25 janvier 2000.

Lettres du précitées du 29 août 2002, du 6 septembre 2002 et du 7 novembre 2002.

(8) Le groupe Saint-Gobain est toutefois acheteur pour ses enseignes généralistes et son enseigne tout public Lapeyre qui représentent environ [...] % de ses ventes en sanitaire-chauffage.

(9) Décision de la Commission précitée M.735, BPB/Isover, du 3 juillet 1996.

Décision de la Commission précitée M.764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996.

(10) Loi d'orientation du commerce et de l'artisanat du 27 décembre 1973 modifiée, intégrée au Code de commerce (art. L. 720-3 et suivants).