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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 25 novembre 1997, n° 95-11429

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ODA (SA)

Défendeur :

Neptronic (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

M. Faucher, Mme Deurbergue

Avoués :

SCP Regnier-Bequet, SCP Gaultier-Kistner-Gaultier

Avocats :

Mes Fauquet, Nicole.

T. com. Paris, 6e ch., du 17 oct. 1994

17 octobre 1994

LA COUR est saisie de l'appel interjeté par la SA Office d'Annonces (ODA) du jugement contradictoirement rendu le 17 octobre 1994 par le Tribunal de commerce de Paris (6e chambre) qui, dans le litige l'opposant à la SARL Neptronic, l'a condamnée à faire paraître dans la prochaine édition de l'annuaire "Professionnels à Professionnels, dit "PAP", les insertions commandées par l'intimée dans la rubrique "traitement des eaux" et a condamné celle-ci à régler à l'appelante la somme de 18 935,88 F dans la quinzaine de la réception des justificatifs de tirages, les parties étant déboutées de toutes autres demandes et les dépens partagés par moitié entre chacune d'elles.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Reprochant à la société Neptronic le non-paiement du solde d'une facture concernant l'insertion d'annonces publicitaires dans la rubrique "fournitures et matériels industriels" de l'annuaire "PAP" édition 1992, la société ODA a, par acte d'huissier de justice en date du 15 avril 1994, fait assigner celle-ci devant le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir sa condamnation au paiement des sommes de :

- 16 563,88 F à titre principal,

- 3 312,77 F à titre de clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 janvier 1994,

- 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour s'opposer aux prétentions de sa cocontractante la défenderesse a exposé que c'était par erreur que les insertions litigieuses figuraient dans la rubrique "fournitures et matériels industriels" et que, de bonne foi, elle a, lors de la visite du représentant de l'ODA, pensé que cette rubrique était une sous-rubrique du "traitement des eaux" comme c'est le cas dans les pages jaunes" de l'annuaire où elle avait depuis quatre ans fait paraître des insertions dans cette rubrique.

Pour statuer comme ils l'ont fait les premiers juges ont retenu que :

- la demanderesse avait manqué à son devoir de conseil en omettant de l'orienter correctement parmi les rubriques ou au moins en attirant son attention sur la non adéquation de la rubrique choisie, ce d'autant que les rubriques de l'ODA ne sont pas toujours parfaitement caractérisées et que tout technicien recherchant un spécialiste dans le secteur "traitement des eaux" n'orientera pas ses recherches vers une rubrique aussi vaste que "fournitures et matériels industriels",

- au cours des débats il est apparu que la défenderesse ne refuserait pas la totalité de la facture, moins l'acompte déjà versé, contre nouvelle parution des insertions dans la bonne rubrique de l'annuaire "PAP", à savoir " traitement des eaux "

Au soutien de son recours l'appelante fait valoir que :

- l'annonce litigieuse était conforme à l'ordre d'insertion souscrit et qu'il est pour le moins curieux que son adversaire, qui faisait paraître des annonces depuis 1990 dans la rubrique traitement des eaux - "appareils et équipements", n'ait pas remarqué qu'il ne s'agissait pas de la même rubrique,

- sa cocontractante était mieux à même de connaître le secteur de clients potentiels qu'elle entendait toucher,

- la société Neptronic, qui ne justifie pas de son préjudice, n'établit pas que sa cocontractante ait manqué à son devoir de conseil,

- la rubrique "fournitures et matériels industriels" était plus adéquate que celle "traitement des eaux" qui ne concerne qu'une partie de l'activité de la société Neptronic,

- en ordonnant une insertion gratuite, ce qui revient à exonérer l'intimée de son obligation de paiement, le tribunal a statué ultra petita.

En conséquence la société ODA prie la cour d'infirmer le jugement critiqué et de condamner son adversaire, outre aux dépens, à lui régler :

- la somme en principal de 16 563,88 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1994,

- le montant de la clause pénale, soit 3 312,77 F,

- une indemnité de 5 000 F au titre de ses frais irrépétibles.

La société Neptronic réplique que :

- aucun élément figurant dans l'ordre d'insertion signé ne permettait de présager que son annonce paraîtrait sous la rubrique litigieuse qui correspond en fait aux mentions portées dans la case "domaine d'activité",

- à supposer même qu'une hésitation fut permise pour le classement de la société quant à la détermination de la rubrique de parution, l'ODA se devait d'évoquer cette difficulté avec sa cocontractante,

- en raison de l'erreur commise les professionnels qui auraient été susceptibles de faire appel à ses services n'ont pas été informés de son existence, de sorte qu'elle a subi une perte de clientèle incontestable,

- le tribunal n'a pas statué ultra petita puisque la demande d'une nouvelle insertion a été développée lors de l'audience.

Dès lors l'intimée prie la cour de confirmer la décision critiquée et, dans la mesure où elle n'a plus à ce jour l'utilité d'une publication dans l'annuaire "PAP", de condamner la société ODA, outre aux dépens, à lui payer la somme de 22 035,88 - 16 563 = 5 472,88 F ainsi que 8 000 F au titre de ses frais irrépétibles.

Sur ce, LA COUR

Considérant que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu que la société ODA avait manqué à son devoir de conseil en insérant la publicité de la société Neptronic dans la rubrique "fournitures et matériels industriels" ;

Qu'il convient d'ajouter que si "l'annonceur a le choix de la rubrique professionnelle ou du domaine où il souhaite faire insérer sa publicité", encore faut-il qu'il exerce ce choix en connaissance de cause,ce qui n'a pas été le cas en l'espèce dans la mesure où, s'il en avait été informé, il aurait, comme pour ses insertions dans les "pages jaunes" de l'annuaire, fait paraître les insertions litigieuses dans la rubrique "traitement des eaux" qui correspond le mieux à son activité spécialisée ;

Considérant par ailleurs que, par sa faute, l'appelante a causé un préjudice certain à sa cocontractante puisque celle-ci a perdu une chance d'obtenir des commandes de clients qui, recherchant un spécialiste dans le secteur "traitement des eaux n'ont pas cherché à orienter leurs recherches dans un domaine aussi vaste que "fournitures et matériels industriels" ;

Considérant dès lors que, les éléments de la cause permettant d'évaluer à une somme de 10 000 F le dommage de l'intimée, la société ODA ne peut réclamer à la société Neptronic qu'une somme de (16 563,88 + 3 312,77) - 10 000 F = 9 876,65 F majorée des intérêts au taux égal à compter de la mise en demeure du 31 janvier 1994 ;

Considérant que l'équité ne commande d'allouer à aucune des parties d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que, eu égard à la solution adoptée, chacune des parties supportera la charge des dépens par elle exposés

Par ces motifs : Confirme en son principe le jugement déféré, le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau ; Condamne la société Neptronic à payer à la société ODA une somme de 9 876,65 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 1994, Déboute les parties de toutes autres demandes, Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.