CA Montpellier, 2e ch. A, 7 novembre 2000, n° 99-04208
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Morelon (ès qual.) ; ADS (Sté)
Défendeur :
Fiat Auto France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ottavy
Conseillers :
MM. Chassery, Bruyère
Avoués :
SCP Argellies-Travier, SCP Capdevila-Gabolde
Avocats :
Mes Mihailou, Cocchiello.
Le 20 juillet 1994, Maître Morelon agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Auto Distribution Service (la société ADS) assignait la société Fiat Auto France (société FAF) en paiement à titre de dommages et intérêts d'une somme égale au montant du passif social;
Le 25 février 1997, le Tribunal de commerce de Rodez ordonnait une expertise confiée à Monsieur Erabe qui déposait son rapport le 25 mars 1998;
Le 8 juin 1999, Maître Morelon état débouté de l'intégralité de ses prétentions, condamné à verser la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC et à supporter les dépens y compris les frais d'expertise.
Maître Morelon interjetait appel de cette décision le 19 juillet 1999 et par conclusions du 19 novembre 1999 demandait à la cour de dire que le comportement de la société FAF était à l'origine du dépôt de bilan et de la liquidation judiciaire de la société ADS, de la condamner en conséquence à lui verser ès qualité la somme de 5 378 500 F à titre de dommages et intérêts, la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP Argelies et associés.
Maître Morelon fait valoir que la société FAF a empêché la société ADS de mettre en œuvre les solutions nécessaires au redressement de sa situation financière et sachant que la situation était sans issue, a poursuivi les relations commerciales à son profit exclusif
Que ce comportement ayant contribué de manière déterminante au dépôt de bilan et à la liquidation judiciaire de la société ADS, la société FAF doit être condamnée à réparer le préjudice subi tant par la société ADS que par ses créanciers en versant une somme équivalente au montant du passif tel qu'il résulte de la déclaration des créances soit 5 378 500 F.
Par conclusions du 4 avril 20000, la société FAF répond que dès 1989, Monsieur Escat a consacré l'essentiel de son activité à la concession BMW et a commis plusieurs erreurs dans l'animation de la concession Fiat: absence de chef de vente, affectation du chef d'atelier et des deux meilleurs mécaniciens du garage Fiat au garage BMW, départ provoqué du chef comptable et de la totalité des vendeurs de la concession Fiat;
Que c'est donc l'incompétence de Monsieur Escat qui a conduit à la résiliation du contrat de concession le 30 juillet 1993 puis au dépôt de bilan (1er septembre 1993) et à la liquidation judiciaire (9 septembre 1993).
La société FAF demande à la cour de constater que Maître Morelon ne prouve pas qu'elle ait eu un comportement fautif ayant conduit à la liquidation judiciaire, de rejeter l'ensemble de ses prétentions et de le condamner ès qualité à lui verser 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC et à supporter les frais d'expertise ainsi que les dépens de 1re instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Capdevilla et associés.
Sur ce:
Attendu que jusqu'en 1989 la marque automobile Fiat était représentée à Rodez par la société des établissements Higonenc dirigée par Monsieur Higonenc lui-même qui cédait son affaire à Monsieur Escat le 1er juillet 1989;
Que la société FAF agréait cette opération le 4 avril 1989 sous les conditions suivantes:
- séparation tant physique (locaux distincts) que juridique (sociétés distinctes) des deux concessions représentant les marques Fiat et BMW;
Monsieur Higonenc dirigeait, en effet, au sein de la SA Etablisements Higonenc les concessions BMW et Fiat;
- maintien de l'exploitation de la concession Fiat dans les mêmes locaux modifiés selon les normes Fiat avant le 30 juin 1990;
- mise en place d'une organisation après-vente et achat d'outillage spécifique;
- présence d'un effectif total de 18 personnes correspondant à des fonctions définies par le concédant (Fiat);
Attendu qu'il résulte des constatations de l'expert Erabe (page 21) que de 1989 à 1992, les immatriculations de véhicules Fiat baissaient dans le secteur de Rodez de 42 % amplifiant ainsi le mouvement général de recul des immatriculations des véhicules Fiat au niveau national (moins 22 %) et au niveau de la direction commerciale de zone (moins de 1 %);
Qu'il n'est pas inintéressant de noter que pendant la période 1991-1993 les résultats nets annuels de la concession BMW passaient de 62 KF à 932 KF;
Attendu que l'expert Erabe répond au 5e chef de mission qui lui avait été donné: "de façon générale, donner au tribunal tous éléments de fait susceptibles de lui permettre d'apprécier les responsabilités encourues de même que les préjudices qui en sont la conséquence directe" dans les termes suivants:
La société ADS reproche à la société Fiat Auto France de manière générale de ne pas l'avoir suffisamment aidée, et de n'avoir pas cru aux deux plans de redressement successifs qu'elle a proposés.
J'estime que ces reproches apparaissent mal fondés dans la mesure où au fil des ans, les pertes cumulées importantes et l'insuffisance croissante des résultats commerciaux de la société ADS pouvaient faire courir à la société Fiat Auto France le risque d'un soutien abusif qui aurait pu lui être reproché par la suite.
En effet, dès 1992, il apparaît que la situation ne pouvait être redressée sans un apport important de capitaux propres. C'est d'ailleurs l'époque à partir de laquelle les deux parties se sont ostensiblement orientées vers une solution de cession à un repreneur.
J'estime par ailleurs que, de manière générale, la société Fiat Auto France n'a pas dépassé dans cette affaire le rôle et les prérogatives en matière de conseil et de surveillance, qui sont l'apanage normal du concédant dans une concession de ce type.
Dans ces conditions, la responsabilité de la société Fiat Auto France dans la déconfiture de la société ADS me paraît devoir être écartée.
A contrario, il apparaît que la société ADS porte l'entière responsabilité de la situation ainsi créée, une telle situation trouvant son origine pour partie dans un mouvement général de dégradation observé aussi bien nationalement que régionalement dans la pénétration de la marque Fiat, mais également pour l'autre partie dans les deux facteurs conjugués suivants propres à l'entreprise:
- structure surdimensionnée dès l'origine avec les coûts de structure que cela implique,
- mauvaises performances commercialesqui ont eu pour effet d'amplifier la dégradation générale de l'implantation de la marque constatée tant au niveau national que régional.
Il apparaît que la société ADS n'a pas mis en œuvre les mesures qui s'imposaient pour remédier à une telle situation et qui n'étaient pas toutes loin s'en faut, liées à une éventuelle aide du concédant".
Attendu qu'au vu des éléments de fait ci-dessus rapportés ainsi que des autres investigations et constations de l'expert, il convient de considérer que la société FAF n'a pas commis de faute ayant entraîné le dépôt de bilan et la liquidation judiciaire de la société ADS;
C'est donc à juste titre que le Tribunal de commerce de Rodez a considéré que Maître Morelon ne rapportait pas la preuve d'un comportement fautif de la société FAF pouvant être à l'origine du dépôt de bilan et de la liquidation de la société ADS et a débouté Maître Morelon de l'ensemble de ses demandes;
Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions, confirmation qui conduit à rejeter la demande en paiement de la somme de 50 000 F présentée en cause d'appel par Maître Morelon sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Attendu que la voie de recours intentée par Maître Morelon à l'encontre du jugement rendu le 8 juin 1999 a contraint la société FAF à exposer les frais irrépétibles non compris dans les dépens, inhérents à toute procédure d'appel;
Qu'il apparaît équitable d'accorder à la société FAF la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC.
Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens.
Par ces motifs: LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 juin 1999 par le Tribunal de commerce de Rodez, Y ajoutant, Déboute Maître Morelon ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Auto Distribution Service de sa demande en paiement de la somme de 50 000 F présentée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du NCPC, Condamne Maître Morelon ès qualité à verser à la société Fiat Auto France la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC, Condamne Maître Morelon ès qualité aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du NCPC au profit de la SCP Capdevila et associés.