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Décisions

Cass. crim., 24 mars 1987, n° 85-94.694

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruneau (conseiller doyen faisant fonction)

Rapporteur :

M. Morelli

Avocat général :

M. Robert.

Paris, du 5 juin 1985

5 juin 1985

LA COUR : - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, défaut de motifs et manque de base légale : - "en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu du chef de publicité de nature à induire en erreur au motif que ce délit ne peut être imputé, en tant qu'auteur principal, à un simple particulier" ; - "alors que cet article a une portée générale et n'exclut pas de son champ d'application ledit particulier" ; - Vu ledit article ; - Attendu que, dès lors qu'il vise indistinctement "toute publicité sous quelque forme que ce soit" et rend responsable à titre principal de l'infraction, sans subordonner aucunement cette responsabilité au caractère professionnel des agissements en cause, "l'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée", l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 a une portée générale ;que son application ne peut donc être limitée à la publicité commerciale et ne saurait notamment être écartée quand une annonce, jugée de nature à induire en erreur les acheteurs potentiels, émane d'un simple particulier ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, J ayant fait paraître dans un quotidien local une annonce qui proposait à la vente une motocyclette d'un kilométrage de 16 000 km, Brault, acquéreur de cette machine, a découvert que celle-ci avait en réalité parcouru 21 425 km, le compteur d'origine ayant été remplacé à la suite d'un accident ; que le prévenu a été condamné par le tribunal des chefs de publicité de nature à induire en erreur et de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ;

Attendu que pour infirmer le jugement et relaxer J la juridiction du second degré relève, en ce qui concerne la première de ces infractions, "qu'en son article 1er la loi du 27 décembre 1973, dite d'orientation du commerce et de l'artisanat, pose pour principe que la liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales" qui "s'exercent dans le cadre d'une concurrence claire et loyale, le commerce et l'artisanat ayant pour vocation de satisfaire les besoins des consommateurs" ; que "l'article 44 de ladite loi, inséré dans le chapitre III intitulé : "amélioration des conditions de la concurrence" ne saurait être extrait de son contexte et que la publicité qui y est visée s'analyse en une technique de caractère commercial destinée, en les faisant connaître, à susciter ou à accroître le désir d'acquérir tel ou tel produit" ; "qu'il en résulte que, si le texte en cause concerne toute publicité sous quelque forme que ce soit", ladite publicité n'en doit pas moins "consister en une atteinte aux conditions normales de la concurrence dans les rapports que peuvent avoir entre eux les commerçants ou artisans, ou dans leurs rapports avec les consommateurs" ;

Attendu que de cette analyse les juges déduisent que le délit poursuivi "ne peut être imputé, en tant qu'auteur principal, à un simple particulier qui, comme en l'espèce, fait passer dans la presse une annonce en vue de vendre une motocyclette dont il est propriétaire" ;

Mais attendu qu'en se prononçant ainsi la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions ci-dessus rappelées ; qu'en conséquence la cassation est encourue ;

Par ces motifs : Casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris en date du 5 juin 1985, en ce qu'il a relaxé André J du chef de publicité de nature à induire en erreur, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée : renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles.