Cass. crim., 15 février 2000, n° 98-86.896
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. Lucas
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par R Jacques, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 7 octobre 1998, qui, pour abus de confiance et publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 F d'amende ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 408 ancien du Code pénal, en vigueur au moment des faits, 314-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques R coupable du délit d'abus de confiance et l'a condamné à la peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 F d'amende ;
"aux motifs que Jacques R et Paul D ont profité de leurs fonctions pour détourner les cotisations de l'association pour les affecter au fonctionnement de l'association B dont ils étaient les fondateurs et dirigeants et à la trésorerie de l'entreprise C appartenant à Paul D en abusant du mandat qu'ils tenaient de leurs adhérents, au lieu d'affecter les fonds à l'usage pour lesquels ils avaient été versés ; "que Jacques R et Paul D, conscients de leurs malversations, refusaient de soumettre les comptes sociaux aux membres d'A réunis en assemblée générale ;
"alors, d'une part, que le délit d'abus de confiance suppose l'existence d'un détournement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt et du jugement que les cotisations versées par les adhérents l'ont été à l'association B, propriétaire de l'avion ATL utilisé pour la formation pratique, et à C dont l'exploitant, Paul D, donnait des cours théoriques, en sorte que ces sommes ont été utilisées conformément au mandat, c'est-à-dire dans le but de fournir aux adhérents des cours de formation au brevet de pilote privé ; que, dès lors, l'élément matériel du délit d'abus de confiance n'est pas constitué ;
"alors, d'autre part, que le délit d'abus de confiance est une infraction intentionnelle qui suppose chez l'agent la connaissance à la fois de la précarité de sa possession et de la prévisibilité du résultat dommageable de son comportement ; que, dès lors, en se bornant à constater que le prévenu était conscient de ses malversations, sans relever qu'il savait qu'il ne pourrait ni assurer la formation prévue ni restituer les fonds aux adhérents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation et 388, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble excès de pouvoir et violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques R coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur ;
"aux motifs que la publicité conçue par Jacques R et diffusée par celui-ci avec l'aide de Paul D, proposant aux adhérents une formation théorique et pratique pour l'obtention du brevet et de la licence de pilote, entretenait une confusion avec le diplôme de premier cycle universitaire d'études aéronautiques mis en place par l'université de Paris VIII à partir de l'année 1993/94 ; que les cartes de membre de A portaient, sans droit, le timbre de cette université ; qu'en définitive, les faits tels qu'ils ont été visés à la prévention caractérisent en réalité, d'une part, le délit de publicité trompeuse pour opérer une confusion de nature à induire en erreur sur les activités d'une association et le diplôme sanctionnant des études universitaires ;
"alors, d'une part, que, si les juges répressifs ont le pouvoir de modifier la qualification des faits dont ils sont saisis et de substituer une qualification nouvelle à celle qui leur était déférée, c'est à la condition qu'il ne soit rien changé à ces faits et qu'ils restent tels qu'ils ont été retenus dans l'acte saisissant la juridiction ; qu'en l'espèce, Jacques R a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur en proposant l'obtention du brevet de pilote privé pour un prix forfaitaire de 19 900 F sans être en mesure de fournir les prestations annoncées ; que, dès lors, en substituant à cette prévention celle de publicité trompeuse pour opérer une confusion de nature à induire en erreur sur les activités d'une association et le diplôme sanctionnant des études universitaires, qui porte sur des faits différents, et sans constater que le prévenu ait accepté d'être jugé sur les faits nouveaux retenus contre lui, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés ;
"alors, d'autre part, que, pour être constitué, le délit de publicité mensongère suppose que les allégations, indications ou présentations mensongères portent sur un ou plusieurs des éléments énumérés par la loi ; qu'en l'espèce, en omettant de préciser sur quelle(s) caractéristique(s) du bien ou du service les affiches ou les encarts publicitaires pouvaient induire en erreur, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
"alors, enfin, que les juges doivent préciser en quoi une publicité est de nature à induire en erreur ; qu'en se bornant à relever que les cartes de membres de l'association portaient sans droit le timbre de cette université pour affirmer que le message publicitaire litigieux entretenait "une confusion avec le diplôme de premier cycle universitaire d'études aéronautiques mis en place par l'université de Paris VIII", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 212-1 du Code de la consommation" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, après avoir requalifié l'escroquerie et la publicité trompeuse poursuivies en un seul délit de publicité trompeuse, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les infractions dont elle a déclaré le prévenu coupable ;d'où il suit que les moyens, qui, pour le deuxième, procèdent, en sa première branche, d'une affirmation inexacte et se bornent, pour le surplus, à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jacques R, solidairement avec le coprévenu, à payer aux parties civiles diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que le préjudice direct n'est pas discuté ; que ces derniers ne démontrent pas que le droit d'appeler ait dégénéré en abus ;
"alors que, si les juges apprécient souverainement, dans les limites des conclusions de la partie civile, le montant des dommages-intérêts attribués à celle-ci en réparation du préjudice résultant pour elle de l'infraction, c'est à la condition de fonder leur décision sur l'importance réelle du dommage qu'ils sont tenus d'évaluer afin de le réparer dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime ; que, dès lors, en l'espèce, en condamnant le prévenu à payer aux parties civiles une somme équivalente, voire supérieure, au montant total des cotisations versées, alors qu'il résulte des pièces du dossier que l'association A avait permis à certains adhérents de voler plusieurs heures, la cour d'appel n'a pas déterminé l'importance réelle du dommage allégué par les parties civiles, en violation des principe et textes susvisés" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'université de Paris VIII et condamné Jacques R à lui payer la somme de un franc à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que, sur l'action civile, cette publicité trompeuse préjudicie à l'image de l'université délivrant le diplôme précité ;
"alors qu'une personne morale de droit public ne peut exercer l'action civile qu'en réparation d'un préjudice matériel résultant directement pour elle de l'infraction poursuivie ; qu'elle ne saurait en revanche exercer l'action civile en vertu d'un intérêt purement moral qui se confond nécessairement avec l'intérêt social dont la protection est assurée par l'action publique ; que, dès lors, en l'espèce, la constitution de partie civile de l'université de Paris VIII, qui n'allègue aucun préjudice matériel particulier, devait être déclarée irrecevable" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, le demandeur ayant limité son pourvoi aux dispositions pénales de l'arrêt, les moyens critiquant les réparations allouées aux parties civiles ne sont pas recevables ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.