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Décisions

Cass. crim., 14 novembre 2000, n° 99-87.987

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Roman

Avocat général :

M de Gouttes

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié.

TGI Le Havre, du 30 sept. 1998

30 septembre 1998

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B Annette, épouse R, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 2 décembre 1999, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à 30 000 F d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Annette R coupable de publicité de nature à induire en erreur ;

"aux motifs que Christian Dupuis avait effectué la commande de ce bateau le 20 décembre 1994 à l'occasion du salon nautique tenu à Paris sur la base d'un prospectus publicitaire daté de décembre 1994 qui lui avait été remis lors d'une première visite à ce salon par le constructeur B et qui portait notamment comme indication la mention "insubmersible, homologation marine marchande française" ; que ce prospectus, produit aux débats et libellé "X B" était constitué notamment de deux feuillets, l'un intitulé "X 5.50 - présentation générale" avec deux schémas du bateau et une énumération de ses caractéristiques (longueur HT, longueur de flottaison, puissance moteur maxi etc.) et, à ce titre, y figurait la mention "insubmersible (homologation marine marchande française)", le second mentionnant en titre notamment "X 5.50 - équipement général provisoire - décembre 94" avec un nouveau rappel des caractéristiques précitées du bateau mais aussi des indications sur la nature de la construction, sous la rubrique de laquelle figurait à nouveau la mention "insubmersible (selon les normes de la marine marchande française)" et sur le matériel équipant le bateau sous les rubriques suivantes "pont - timonerie - cabine avant - motorisation - électricité - options" ; que l'article 224-2-24 du règlement annexé à l'arrêté du 23 novembre 1987 stipule que "tout navire de plaisance monocoque n'est reconnu insubmersible par le ministre chargé de la marine marchande après avis de la commission nationale de sécurité de la navigation de plaisance que s'il a fait l'objet du dépôt des documents prévus à l'article 224-2-25" ; de ces dispositions, il se déduit nécessairement que seule cette autorité a compétence pour reconnaître à un bateau de plaisance le caractère insubmersible et que cette caractéristique ne peut être conférée au bateau par le constructeur qu'après l'approbation de cette autorité ; qu'il est établi et non contesté par Annette R que la société B a diffusé à partir du salon nautique à Paris en décembre 1994 une brochure concernant le bateau X 5.50 mentionnant son insubmersibilité alors que le modèle en cause n'avait encore obtenu aucune approbation du ministre compétent, la première décision datant du 14 février 1995 et, de surcroît, indiquant "insubmersibilité : non", la seconde approbation du 10 juillet 1995, qui reconnaît à ce bateau le caractère insubmersible, ne lui conférant que pour la suite de la série et non rétroactivement ; que contrairement aux prétentions de la demanderesse, la mention "équipement général provisoire", ne pouvait concerner que le matériel équipant le bateau de plaisance à l'exclusion des caractéristiques de ce bateau qui ne relèvent pas de l'équipement général et en l'absence dans cette brochure de toute indication avisant qu'une procédure d'approbation tenant à faire reconnaître à ce bateau le caractère insubmersible était en cours, Annette R n'est pas fondée à soutenir que la mention susvisée conférait à l'insubmersibilité du bateau annoncée dans le prospectus un caractère provisoire ; que la mention "insubmersible" apposée à deux reprises par la société B sur le prospectus, alors que seul le ministre chargé de la Marine marchande était habilité à homologuer insubmersible un bateau de plaisance et que cette insubmersibilité ne lui avait pas encore été reconnue, caractérise une indication fausse sur les qualités substantielles et propriétés du bateau et la diffusion de ce prospectus antérieurement à l'approbation du 10 juillet 1995 une publicité interdite entrant dans les prévisions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation : qu'à supposer établie l'insubmersibilité du bateau comme le prétend la prévenue, celle-ci est sans conséquence sur le délit de publicité mensongère, dont l'élément matériel réside dans le seul fait que le bateau a été présenté par le constructeur B dans le prospectus publicitaire diffusé à partir de décembre 1994 comme insubmersible alors que cette caractéristique ne lui avait pas encore été reconnue par l'autorité compétente ; que, ce faisant, en sa qualité de présidente de la société B, Annette R, qui ne pouvait ignorer que l'insubmersibilité d'un bateau de plaisance était conditionnée par l'approbation du ministre compétent sans laquelle celle-ci n'existe pas et que seule cette approbation conférait au constructeur le droit de s'en prévaloir, a bien sciemment effectué une publicité comportant une indication fausse et s'est donc bien rendue coupable du délit de publicité mensongère ;

"alors qu'il résulte des dispositions du droit interne et des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'il est rigoureusement interdit aux juges correctionnels d'ajouter aux faits de la prévention tels qu'ils ont été dénoncés dans l'ordonnance ou la citation qui les a saisis, sauf si le prévenu a formellement accepté le débat sur des faits nouveaux ; qu'Annette R était poursuivie devant la juridiction correctionnelle pour publicité de nature à induire en erreur pour avoir indiqué de manière erronée dans un prospectus publicitaire que le bateau proposé à la vente était "insubmersible" et que la cour d'appel ne pouvait, en dehors de toute comparution volontaire de sa part sur des circonstances distinctes, entrer en voie de condamnation à son encontre après avoir relevé dans les publicités incriminées la mention "homologation marine marchande française", mention qui n'était pas reprochées à Annette R dans la citation et se référait à la considération qu'elle aurait fait état sciemment dans la publicité incriminée d'une qualité non préalablement reconnue par le ministre" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er de l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires, 224-2-27 du règlement annexé à cet arrêté, L. 121-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Annette R coupable de publicité de nature à induire en erreur ;

"aux motifs que l'article 222-2-24 du règlement annexé à l'arrêté du 23 novembre 1987 stipule que "tout navire de plaisance monocoque n'est reconnu insubmersible par le ministre chargé de la marine marchande après avis de la commission nationale de sécurité de la navigation de plaisance que s'il a fait l'objet du dépôt des documents prévus à l'article 224-2-25" ; que, de ces dispositions, il se déduit nécessairement que seule cette autorité a compétence pour reconnaître à un bateau de plaisance le caractère insubmersible et que cette caractéristique ne peut être conférée au bateau par le constructeur qu'après l'approbation de cette autorité ; qu'il est établi et non contesté par Annette R que la société B a diffusé à partir du salon nautique à Paris en décembre 1994 une brochure concernant le bateau X 5.50 mentionnant son insubmersibilité alors que le modèle en cause n'avait encore obtenu aucune approbation du ministre compétent, la première décision datant du 14 février 1995 et, de surcroît, indiquant "insubmersibilité : non", la seconde approbation du 10 juillet 1995, qui reconnaît à ce bateau le caractère insubmersible, ne lui conférant que pour la suite de la série et non rétroactivement ; que, contrairement aux prétentions de la demanderesse, la mention "équipement général provisoire" ne pouvait concerner que le matériel équipant le bateau de plaisance à l'exclusion des caractéristiques de ce bateau qui ne relèvent pas de l'équipement général et, en l'absence dans cette brochure de toute indication avisant qu'une procédure d'approbation tendant à faire reconnaître à ce bateau le caractère insubmersible était en cours, Annette R n'est pas fondée à soutenir que la mention susvisée conférait à l'insubmersibilité du bateau annoncée dans le prospectus un caractère provisoire ; que la mention "insubmersible" apposée à deux reprises par la société B sur le prospectus, alors que seul le ministre chargé de la Marine marchande était habilité à homologuer insubmersible un bateau de plaisance et que cette insubmersibilité ne lui avait pas encore été reconnue, caractérise une indication fausse sur les qualités substantielles et propriétés du bateau et la diffusion de ce prospectus antérieurement à l'approbation du 10 juillet 1995 une publicité interdite entrant dans les prévisions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; qu'à supposer établie l'insubmersibilité du bateau comme le prétend la prévenue, celle-ci est sans conséquence sur le délit de publicité mensongère, dont l'élément matériel réside dans le seul fait que le bateau a été présenté par le constructeur B dans le prospectus publicitaire diffusé à partir de décembre 1994 comme insubmersible alors que cette caractéristique ne lui avait pas encore été reconnue par l'autorité compétente ; que, ce faisant, en sa qualité de présidente de la société B, Annette R, qui ne pouvait ignorer que l'insubmersibilité d'un bateau de plaisance était conditionnée par l'approbation du ministre compétent sans laquelle celle-ci n'existe pas et que seule cette approbation conférait au constructeur le droit de s'en prévaloir, a bien sciemment effectué une publicité comportant une indication fausse et s'est donc bien rendue coupable du délit de publicité mensongère ;

"1°) alors que le délit de l'article L. 121-1 du Code de la consommation n'est légalement constitué que si la publicité incriminée est de nature à induire en erreur le consommateur sur les propriétés intrinsèques qu'il est en droit d'attendre du produit mis en vente ; que, selon l'article 1er de l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires, les dispositions auxquelles doivent satisfaire les navires et leurs équipements sont précisées par le règlement annexé au présent arrêté ; que l'insubmersibilité d'un bateau consiste en la conformité à des normes spécifiées à l'article 224-2-27 de ce règlement ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Annette R faisait valoir que le 13 décembre 1994, c'est-à-dire préalablement à la parution de la publicité incriminée, M Malcos, inspecteur de la sécurité des navires et du travail maritime de la direction de Nantes avait procédé à des tests complets d'insubmersibilité et établi un procès-verbal de visite de l'X 5.50 avec avis favorable en 5ème catégorie, ainsi que cela résulte également du projet d'approbation envoyé par le centre de Sécurité dont dépendait l'inspecteur Malcos à la CNSNP précisant "insubmersibilité : oui" et que, dès lors, la publicité étant conforme aux conclusions de ce fonctionnaire relatives aux propriétés intrinsèques du bateau, elle n'était pas de nature à induire le consommateur en erreur et qu'en ne répondant pas à cette argumentation péremptoire et notamment en ne s'expliquant pas sur le point de savoir si le navire offert à la vente correspondait aux normes précisées à l'article 224-2-27 du règlement précité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur n'est pas constitué dans le cas où le prévenu a effectué toutes les diligences normales pour s'assurer de la véracité du message publicitaire et que, dès lors que la publicité pour un bateau faisant état de l'insubmersibilité de celui-ci est conforme à des tests d'insubmersibilité effectués préalablement par une instance officielle sur ce bateau, le responsable de la publicité doit être considéré comme ayant accompli l'exigence normale lui incombant ;

"3°) alors que la cour d'appel s'est contredite en énonçant d'un côté que l'insubmersibilité d'un bateau de plaisance est conditionné par l'approbation du ministre compétent (p 12) et d'un autre qu'il ne peut être affirmé que le navire acquis par les époux Dupuis n'était pas insubmersible (p. 13)" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'une plainte des époux Dupuis, dont le bateau de plaisance, livré neuf le 14 avril 1995 par la société B et présenté dans une plaquette publicitaire comme "insubmersible", avait été victime d'une avarie survenue en mai 1995, Annette B, président du conseil d'administration de la société B a été poursuivie, d'une part, du chef de publicité de nature à induire en erreur, et, d'autre part, sous la prévention de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ; qu'elle a été relaxée du chef de tromperie ;

Attendu que, pour la déclarer coupable de publicité de nature à induire en erreur, les juges retiennent que la prévenue a mentionné, sur la plaquette publicitaire diffusée en décembre 1994, que le bateau était "insubmersible", alors qu'il résulte de l'article 224-2-24 du règlement annexé à l'arrêté du 23 novembre 1987 que cette qualité ne pouvait lui être attribuée que par une homologation du ministre chargé de la marine marchande délivrée après réalisation de tests, et sur les avis d'experts, et que ladite homologation n'a été effectivement obtenue, pour le type de bateau concerné, que le 10 juillet 1995 ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments le délit de publicité de nature à induire en erreur dont elle a déclaré la prévenue coupable ; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond du caractère trompeur de la publicité, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.