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Décisions

Cass. crim., 30 octobre 2000, n° 99-87.054

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

Mme Fromont

Avocats :

Me Luc-Thaler, SCP Vers, Barthélemy

TGI Versailles, ch. corr., du 8 févr. 19…

8 février 1998

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par F Thierry, la société X, civilement responsable contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 14 octobre 1999, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 30 000 F d'amende, a déclaré la seconde civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire ampliatif commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de violation des articles 498, 502, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société SARL X, civilement responsable, contre le jugement du 8 février 1999 la condamnant à des réparations civiles au profit de l'UFC Que Choisir ;

"aux motifs que cet appel était tardif ;

"alors d'une part que, lorsqu'une même partie a, au cours d'une instance pénale, plusieurs qualités, elle est réputée former appel en toutes ses qualités, sauf manifestation expresse de volonté pour le limiter à l'une d'elles ; qu'en l'espèce, Thierry F, gérant de la société X, déclaré coupable et condamné, avec la société X, à des réparations civiles, a relevé appel des dispositions tant pénales que civiles du jugement le 8 février 1999 sans restreindre son appel à l'une seulement de ses qualités ; que, dès lors, l'appel formé le 8 février 1999 a été interjeté par Thierry F tant en qualité de prévenu qu'en celle de gérant de la société X ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que la cour a considéré que l'acte d'appel du 8 février 1999 ne concernait Thierry F qu'en sa qualité de prévenu et non aussi en sa qualité de gérant pour le compte de la société X, et n'a donc pas statué sur l'appel de cette dernière ;

"alors d'autre part et subsidiairement que, à supposer que l'on puisse admettre que l'appel formé par Thierry F le 8 février 1999 contre l'arrêt attaqué, sans aucune restriction, n'ait pas été formé - sans qu'il ait eu à le spécifier, sa qualité de gérant de la société X étant suffisante - au nom de cette société, force serait alors de constater que la société X, mentionnée par le jugement comme "non comparante", bénéficiait alors, pour former son recours, des dispositions de l'article 498 al. 2, 1 du Code de procédure pénale, c'est-à-dire qu'à son encontre le délai d'appel ne pouvait courir qu'à compter de la signification ; que le jugement du 8 février 1999 ne lui ayant jamais été signifié, le délai d'appel n'avait pas couru à son encontre et l'appel formé spécifiquement en son nom le 20 août 1999 n'était pas tardif" ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel relevé par la société X le 20 août 1999, du jugement du tribunal correctionnel rendu le 8 février 1999, l'arrêt attaqué retient que cet appel a été formé après l'expiration du délai de dix jours suivant le prononcé du jugement ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que la société civilement responsable était représentée par un avocat à l'audience des débats à laquelle les parties ont été informées de la date du prononcé du jugement, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 498 du Code de procédure pénale ; que le moyen, nouveau et comme tel irrecevable en sa première branche, doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 2311 du Code de la consommation, 121-1 à 121-4 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de publicité trompeuse ;

"aux motifs que Thierry F avait indiqué que, depuis sa mise en cause, la société qu'il dirigeait avait présenté aux autorités de tutelle une nouvelle version de l'emballage incriminé sur laquelle les mentions critiquées avaient été supprimées ; que, à l'époque de l'infraction, outre les constatations rappelées par le tribunal, différentes publicités versées aux débats et non contestées par le prévenu avaient affirmé que"une seule bûche suffit pour ramoner votre cheminée aussi efficacement qu'un ramonage traditionnel" (publicité octobre 1997), "une seule bûche équivaut à un ramonage mécanique" (automne 1997), "N'attendez plus l'intervention coûteuse du ramoneur" ; "une seule bûche suffit à remplacer efficacement un ramonage traditionnel" (publicité janvier 1998)" ;

"alors, d'une part, que seule est auteur de l'infraction et pénalement punissable la personne qui a commis les faits incriminés ; qu'il ne résulte d'aucune des énonciations des juges du fond que Thierry F soit l'auteur ou le commanditaire des inscriptions, prétendument mensongères, figurant sur l'emballage de la bûche qualifiée "ramoneuse" ; que, dès lors, la déclaration de culpabilité est illégale ;

"alors, d'autre part, que, dès lors qu'elle avait approuvé le tribunal d'avoir estimé qu'il n'était pas saisi de la publicité relative au produit en cause dans des catalogues spécialisés, mais seulement de celle effectuée sur l'emballage dudit produit commercialisé par la société X, la cour ne pouvait, sans se contredire, pour justifier la déclaration de culpabilité, retenir que, à l'époque de l'infraction, différentes publicités versées aux débats et non contestées par le prévenu avaient affirmé que "une seule bûche suffit pour ramoner votre cheminée aussi efficacement qu'un ramonage traditionnel" (publicité octobre 1997), "une seule bûche équivaut à un ramonage mécanique" (automne 1997), "N'attendez plus l'intervention coûteuse du ramoneur" ; "une seule bûche suffit à remplacer efficacement un ramonage traditionnel" (publicité janvier 1998) ; que cette contradiction prive l'arrêt attaqué de base légale ;

"alors, de troisième part et subsidiairement, que seules les personnes morales sont responsables des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'à supposer que les mentions incriminées figurant sur les emballages aient pu être considérées comme une publicité trompeuse, seule pouvait en être déclarée coupable la société X pour le compte de laquelle l'infraction avait été commise ; que, derechef, la déclaration de culpabilité à l'encontre de Thierry F est illégale ;

"alors, enfin, que les juges du fond ne peuvent, sans excéder leurs pouvoirs, connaître d'autres faits que ceux dénoncés dans le titre de la saisine ; que, dès lors que Thierry F n'avait pas été cité à comparaître devant la juridiction correctionnelle en sa qualité de gérant de la société X, aucune condamnation ne pouvait être prononcée en cette qualité, sauf à ce qu'il ait expressément accepté d'être jugé en sa qualité de gérant de la société X, ce qui n'a pas été constaté par l'arrêt attaqué ; qu'ainsi, à supposer que l'arrêt attaqué ait retenu la responsabilité pénale de Thierry F en sa qualité de gérant, la cour aurait alors excédé les limites de sa saisine et commis un excès de pouvoir" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 L. 2311 du Code de la consommation. 121-1 à 121-4 du Code pénal 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs manque de base légale défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de publicité trompeuse ;

"aux motifs propres de l'arrêt que, en cause d'appel, le prévenu avait reconnu que le résultat annoncé du produit était finalement limité, contrairement à ce qui était mentionné sur l'emballage incriminé distribué en 1997 et 1998 ; qu'il avait indiqué que, depuis sa mise en cause, la société qu'il dirigeait avait présenté aux autorités de tutelle une nouvelle version de cet emballage sur laquelle les mentions critiquées avaient été supprimées, que le nouvel emballage avait été agréé, et que l'offre gratuite d'un "certificat de ramonage" avait également été supprimée pour être remplacée par l'adhésion à une assurance-groupe ; qu'il convient de retenir qu'à l'époque de l'infraction, outre les constatations rappelées par le tribunal, différentes publicités versées aux débats et non contestées par le prévenu, avaient affirmé que "une seule bûche suffit pour ramoner votre cheminée aussi efficacement qu'un ramonage traditionnel" (publicité octobre 1997), "une seule bûche équivaut à un ramonage mécanique" (automne 1997), "N'attendez plus l'intervention coûteuse du ramoneur" ; "une seule bûche suffit à remplacer efficacement un ramonage traditionnel" (publicité janvier 1998) ; qu'il était donc établi que la publicité critiquée était de nature à induire en erreur le consommateur moyennement averti, étant d'ailleurs précisé sur ce point que les allégations de la société X avaient été confortées par la jonction, à l'emballage incriminé d'un "certificat de ramonage" qui, selon l'article 36-1 du règlement sanitaire départemental des Yvelines applicable au lieu du siège social de la société, ne pouvait être délivré, selon les pièces versées aux débats, qu'après un ramonage mécanique ; que le délit était établi en tous ses éléments constitutifs, tant matériel qu'intentionnel ;

"aux motifs repris du tribunal que l'emballage contenait les mentions suivantes : "Allumez c'est ramoné" "Bûche ramoneuse" "Votre certificat de ramonage à l'intérieur", ainsi qu'un certain nombre de mentions relatives à l'utilisation et à l'efficacité de ce produit, et notamment : "après traitement de la bûche ramoneuse : Résultat : 1. Plus de goudrons, 2. Faites du feu en toute sécurité. Dans les 10 à 15 jours qui suivent, vous verrez + ou - de goudrons tomber dans votre foyer. A la fin de cette période, ce qui peut rester dans le conduit est totalement traité et partira avec le feu. Votre conduit est ramoné" ; que le but de ces mentions était de convaincre le public que l'utilisation de cette bûche remplaçait le ramonage mécanique de la cheminée ; que le public devait en être particulièrement convaincu puisque l'emballage contenait un certificat de ramonage destiné à l'assurance du consommateur ; que si les rapports produits par le prévenu démontraient que le produit appelé "bûche ramoneuse" avait une action certaine sur l'épaisseur du dépôt de goudrons dans le conduit de fumée, la preuve n'était pas rapportée de ce qu'elle avait pour effet d'éliminer complètement ces dépôts ; que, par conséquent, ce produit ne pouvait être qu'un complément, peut-être utile, au ramonage de la cheminée par un procédé mécanique par l'emploi d'un hérisson notamment, mais que la publicité incriminée, en ce qu'elle laissait entendre que l'action de la bûche remplaçait ce dernier procédé, contenait des allégations fausses de nature à induire en erreur le consommateur moyennement averti ;

"alors, d'une part, que, s'il est constant que "ramoner" est défini comme le fait de "nettoyer un conduit de la suie qui s'y est déposée" et non comme le fait de la faire disparaître totalement, il est également constant qu'aucun procédé mécanique ne permet de détacher parfaitement la suie et de l'enlever complètement ; qu'il s'ensuit que, le procédé de ramonage mécanique n'étant pas plus parfait que celui du ramonage catalytique, la cour ne pouvait, pour déclarer mensongère la publicité incriminée pour avoir contenu l'énonciation "Allumez c'est ramoné" et justifier la déclaration de culpabilité, énoncer que la preuve n'était pas rapportée de ce qu'elle avait pour effet d'éliminer complètement ces dépôts ;

"alors, d'autre part, que, dès lors qu'elle admettait que les rapports produits par le prévenu démontraient que "le produit appelé "bûche ramoneuse" avait une action certaine sur l'épaisseur du dépôt de goudrons dans le conduit de fumée", la cour ne pouvait pas davantage qualifier de mensonger le fait d'avoir écrit sur l'emballage "Allumez c'est ramoné" ;

"alors, enfin, qu'aucune des mentions figurant sur l'emballage, sur lequel étaient fondées les poursuites, n'indiquait ni ne laissait entendre que l'utilisation de la bûche ramoneuse excluait la nécessité d'un ramonage mécanique de la cheminée et le remplaçait, ces mentions figurant exclusivement dans les publicités insérées dans les deux catalogues par correspondance produits par la partie civile ; que, par conséquent, la cour ne pouvait, pour justifier la déclaration de culpabilité concernant les inscriptions sur l'emballage litigieux, retenir qu'à l'époque de l'infraction, différentes publicités versées aux débats et non contestées par le prévenu avaient affirmé que"une seule bûche suffit pour ramoner votre cheminée aussi efficacement qu'un ramonage traditionnel" (publicité octobre 1997), "une seule bûche équivaut à un ramonage mécanique" (automne 1997), "N'attendez plus l'intervention coûteuse du ramoneur" ; "une seule bûche suffit à remplacer efficacement un ramonage traditionnel" (publicité janvier 1998), dès lors, au surplus, que ces faits ne faisaient pas partie de la saisine et qu'elle avait confirmé le jugement qui avait constaté qu'aucun élément ne permettait d'établir que la société X était à l'origine de la diffusion de cette publicité" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que Thierry F, gérant de la société X, est poursuivi du chef de publicité de nature à induire en erreur pour avoir commercialisé une "bûche ramoneuse", dont l'emballage comportait des énonciations, laissant croire que son utilisation remplaçait le ramonage mécanique de la cheminée ;

Attendu que, pour le déclarer coupable du délit, les juges, après avoir analysé les rapports techniques versés aux débats, retiennent que ce produit, s'il peut avoir des effets sur les dépôts de goudron, ne peut être utilisé qu'en complément du ramonage de la cheminée par un procédé mécanique et que la publicité qui laisse entendre que la bûche remplace ce procédé contient des allégations de nature à induire en erreur le consommateur ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le caractère trompeur de la publicité, a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré Thierry F coupable ; qu'en effet, il résulte de l'article L. 121-5 du Code de la consommation que, lorsque l'annonceur, pour le compte duquel la publicité trompeuse est diffusée, est une personne morale, la responsabilité incombe à son dirigeant ; que le prévenu, responsable de plein droit de l'infraction, en l'absence de délégation de ses pouvoirs, n'est pas fondé à invoquer la responsabilité pénale de la personne morale qu'il dirige, du reste, non prévue par le texte répressif dont il a été fait application ; d'où il suit que les moyens, inopérants en ce qu'ils critiquent des motifs surabondants, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois.