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Décisions

Cass. crim., 23 mai 2000, n° 99-84.553

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Blondet

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocats :

SCP Urtin-Petit, Rousseau-Van Troeyen.

TGI Paris, 31e ch., du 24 nov. 1997

24 novembre 1997

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par L Philippe, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 31 mai 1999, qui, pour publicité trompeuse, l'a condamné à 30 000 F d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-6 du Code de la consommation, 9. III de la loi du 26 juillet 1996 en ce qu'il a aboli l'article L 39-3 du Code des postes et télécommunications, 5 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe "non bis in idem", défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, tout en prononçant la relaxe de Philippe L du chef de mise sur le marché d'appareils terminaux non agréés et de publicité pour ces appareils, l'a déclaré coupable de publicité trompeuse pour les appareils terminaux "agréés" ;

"aux motifs que, dans la mesure où le texte de portée particulière de l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications a été abrogé, le texte de portée générale de l'article L. 121-1 du Code de la consommation doit recevoir application ; et que l'abrogation de l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications ne saurait prohiber l'application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation dans la mesure où la finalité de ces deux textes distincts est complètement différente, la portée de l'article L. 121-1 étant d'ailleurs beaucoup plus générale ;

"alors que, d'une part, un même fait autrement qualifié ne peut entraîner une double déclaration de culpabilité et que lorsque les faits poursuivis procèdent d'une seule faute, ils ne peuvent faire l'objet de qualifications distinctes ou de peines séparées ; que l'article L 39-3 du Code de la consommation, abrogé par l'article 9-III de la loi du 26 juillet 1996, sanctionnait quiconque aura effectué ou fait effectuer une publicité d'un équipement terminal ou d'une installation dépourvu de l'agrément exigé ; que la faute incriminée était donc la publicité comportant l'allégation fausse que l'appareil était agréé ; que la faute pénale visée à l'article L. 121-1 du Code de la consommation incriminant la publicité mensongère est constituée par l'allégation fausse portant sur un des éléments des biens ou services faisant l'objet de la publicité ; que, lorsque cet élément porte que la qualité de l'appareil est faussement présenté comme agréé, la faute pénale visée à L. 39-3 du Code des postes et télécommunications et celle visée à l'article L. 121-1 du Code de la consommation est identique ; qu'ainsi l'abrogation de l'incrimination de publicité d'un appareil faussement agréé interdit qu'une telle faute ne soit incriminée par le biais de la publicité mensongère portant sur un appareil faussement agréé ; qu'en décidant que l'abrogation de l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications ne saurait prohiber celle de l'article 121-1 du Code de la consommation, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés ;

"alors que, d'autre part, le demandeur faisait valoir que le législateur avait entendu réprimer toute publicité d'équipement terminal n'ayant pas fait l'objet d'un agrément par le texte spécial de l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications et que celui-ci ayant été abrogé le juge ne saurait faire revivre cette incrimination en faisant application du texte général de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; que, pour retenir la prévention établie par cette dernière disposition, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que "la finalité de ces deux textes distincts est complètement différente", sans aucunement définir la finalité de chaque texte ni les comparer ; que ce faisant, elle a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des dispositions susdites" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Y, dont Philippe L est le dirigeant, a mis sur le marché, à partir du mois d'octobre 1996, des équipements terminaux de télécommunication ne bénéficiant pas de l'agrément préalable du ministère des postes et télécommunications et diffusé une publicité présentant ces produits comme "agréés", alors que l'agrément ministériel ne leur a été délivré que le 6 décembre 1996 ; que la société Olitec, concurrente de la société Y, a fait citer Philippe L devant la juridiction correctionnelle, sous la prévention d'avoir, du mois d'octobre 1996 au 6 décembre 1996, d'une part, mis sur le marché des équipements terminaux dépourvus de l'agrément ministériel et effectué pour ces équipements une publicité interdite en l'absence d'agrément, contravention et délit alors respectivement prévus par les articles R 20-2, R 20-26, et L. 39-3 du Code des postes et télécommunications, d'autre part, effectué une publicité de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles des biens vendus, délit prévu par l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; que le tribunal, relevant l'incompatibilité de la procédure d'agrément instituée par le décret du 4 février 1992 avec l'article 6 de la directive 88-301-CEE du 16 mai 1988, et l'abrogation de l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications par la loi du 26 juillet 1996, a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite du chef des deux premières infractions poursuivies ; qu'il l'a, en revanche, déclaré coupable de publicité trompeuse pour avoir présenté comme "agréés" des équipements qui ne l'étaient pas ;

Attendu que, pour écarter le moyen de défense du prévenu, selon lequel le tribunal ne pouvait le condamner pour le délit de publicité de nature à induire en erreur après l'avoir relaxé pour les mêmes faits autrement qualifiés, la cour d'appel, après avoir relevé que les deux textes d'incrimination répondent à des finalités différentes, énonce que l'abrogation de l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications est sans effet sur l'application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dont la portée est plus générale que celle du texte abrogé ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, les juges ont justifié leur décision ;d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et L. 121-6 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe L coupable de publicité trompeuse pour des appareils terminaux "agréés" ;

"aux motifs que, dans la mesure où le texte de portée particulière de l'article L 39-3 du Code des postes et télécommunications a été abrogé, le texte de portée générale de l'article L 121-1 du Code de la consommation doit recevoir application ; qu'il est établi que la publicité faite dans la presse spécialisée pour le produit A faisait mention de l'agrément du ministère des Postes et Télécommunications et portait le mot "agréé" entouré des douze étoiles du drapeau de l'Europe ; que l'agrément pour le produit A n'a été délivré à la société Y que le 6 décembre 1996 ;

que, même si cet agrément n'est pas obligatoire pour commercialiser le produit, du fait de l'incompatibilité de la réglementation française avec le droit communautaire, il équivaut à un label de qualité, dans l'esprit du consommateur moyen ; que, dès lors, se prévaloir d'un tel agrément à une époque où il n'avait pas encore été délivré constitue, au sens de la loi, une présentation fausse sur les qualités substantielles de l'appareil ; que Philippe B et Philippe L qui sont des professionnels spécialisés dans la commercialisation de systèmes de télécopies modem ne pouvaient ignorer que cette allégation était susceptible d'attirer la clientèle pour un produit dont la durée de vie est très courte en raison de l'évolution continuelle des techniques ; qu'il a donc agi sciemment, ce qui constitue l'élément moral de l'infraction et que l'abrogation de l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications ne saurait prohiber l'application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation dans la mesure où la finalité de ces deux textes distincts est complètement différente, la portée de l'article L. 121-1 étant d'ailleurs beaucoup plus générale ; que, quelque soit les problèmes de compatibilité de la procédure française d'agrément avec l'article 6 de la directive 88-301 CEE, il n'en demeure pas moins que l'obtention d'un tel agrément équivaut à un label de qualité dans l'esprit du consommateur moyen et que s'en prévaloir à une époque où il n'avait pas encore été délivré constitue sans conteste une publicité trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

"alors que, d'une part, le demandeur faisait valoir que le modem A avait, dès le 22 octobre 1996, fait l'objet d'un rapport d'essai n° 090-96 qui établissait que le produit était en tous points "conforme" et "concluant" et que, dès cette date, il était acquis que l'agrément serait délivré par le ministère des Postes et Télécommunications ; qu'en conséquence, l'élément intentionnel de l'infraction consistant à induire volontairement en erreur l'acheteur faisait défaut ; qu'en se bornant à affirmer que le produit ne pouvait être présenté comme agréé avant la date officielle d'obtention de l'agrément sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait que les qualités du produit commercialisé étaient en tous points conformes à celles qui étaient exigées pour obtenir l'agrément, lequel serait inévitablement délivré au terme de la procédure d'obtention engagée n'établissait pas la bonne foi du vendeur, la cour d'appel, d'une part, n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction au regard des dispositions susvisées ; que par ailleurs, en délaissant cette argumentation péremptoire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;

"alors que, d'autre part, il résultait du rapport d'essai n° 090-96, versé au dossier, que le produit présentait les qualités requises pour obtenir l'agrément du ministère des Postes et Télécommunications ; qu'en se bornant à affirmer que la commercialisation d'un produit "agréé" avant qu'il ait reçu officiellement l'agrément requis, constituait un label de qualité destiné à induire en erreur le consommateur moyen, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la conformité du produit aux normes exigées pour recevoir l'agrément n'établissait pas la réalité des qualités annoncées, la cour d'appel n'a pas caractérisé la publicité trompeuse portant sur une qualité substantielle et a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et L. 121-6 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe L coupable de publicité trompeuse pour un abonnement gratuit à Internet ;

"aux motifs que le prévenu a reconnu à l'audience que les seules différences entre les deux coffrets A résidaient, d'une part, dans leur prix, d'autre part, dans la durée de l'abonnement à Internet joint à chaque coffret et, enfin, que le coût de cet abonnement était supporté par l'acheteur ; qu'en conséquence, annoncer comme étant gratuit un produit ou un service payé par l'acquéreur lors de l'achat du coffret constitue, au sens de la loi, une présentation fausse ou de nature à induire le consommateur moyen en erreur sur le prix et les conditions de vente ; qu'en outre la publicité portant sur un seul des deux coffrets, ledit consommateur n'était pas à même de déduire de la comparaison des produits que l'abonnement litigieux était en fait payant ; que, sur les publicités incriminées, apparaît le nom des trois sociétés X, Y et Z et que donc ces trois entités avaient la qualité d'annonceurs ;

"alors que le fait d'annoncer comme gratuit des services dont le coût est en réalité inclus dans le prix de vente de la marchandise, objet principal de la publicité, ne constitue pas l'infraction de publicité trompeuse, dès lors que le consommateur a été informé du prix global qu'il aurait à payer et qu'il n'a pas été induit en erreur sur un des éléments prévus par ce texte ; qu'en l'espèce, le service offert ayant été défini et fourni, la publicité ne contenait aucune indication fausse ou de nature à induire en erreur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Philippe L à verser des dommages-intérêts à la société Olitec ;

"aux motifs que la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par la partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention et confirme l'estimation équitable qu'en ont faite les premiers juges ;

"alors que le principe de la réparation intégrale s'oppose à ce que les juges puissent réparer le préjudice qu'ils ont constaté en se fondant sur des considérations d'équité ; qu'en l'espèce, après avoir constaté l'existence d'un préjudice direct et certain subi par la partie civile, la cour d'appel a évalué ce préjudice en équité et a violé l'article susvisé" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;d'où il suit que les moyens qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.