CA Paris, 13e ch. B, 5 novembre 1999, n° 99-02330
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
UFC Que Choisir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marie
Avocat général :
Mme Auclair
Conseillers :
MM. Seltensperger, Bouche
Avocats :
Mes Lazarus, Baudelot
Rappel de la procédure:
Sur les intérêts civils seuls en cause d'appel.
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, après avoir déclaré G Jacques non coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, le 21 janvier 1998, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-5, alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation,
l'a relaxé des fins de la poursuite,
et a débouté la partie civile de ses demandes.
L'appel:
Appel a été interjeté par:
L'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir, le 10 mars 1999 contre X (SA), Monsieur G Jacques.
Décision
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur le seul appel régulièrement interjeté par la partie civile à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention
L'Union Fédérale des Consommateurs - UFC Que Choisir, représentée par son conseil, demande à la cour par voie de conclusions:
- d'infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- dire que les faits reprochés à Jacques G constituent le délit de publicité trompeuse, prévu et réprimé par l'article L. 121-1, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation,
- dire que Jacques G coupable en sa qualité d'auteur du dit délit,
- dire la société X civilement responsable de Jacques G,
- condamner conjointement et solidairement Jacques G et la société X à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts, ainsi que les intérêts de droit.
- ordonner l'affichage de l'arrêt à intervenir aux portes du magasin X,
- ordonner à titre de complément de réparation, la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux de son choix
- condamner, conjointement et solidairement Jacques G à lui payer la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
A l'appui de ses demandes l'UFC - Que Choisir?, fait valoir:
Que le 21 janvier 1998, le magasin X affichait des soldes et que Madame Kerboriou est entrée dans ce magasin avec l'intention d'y acheter un parapluie,
Que lorsqu'elle s'est avancée vers le rayon concerné, son attention a alors été attirée par un panneau suspendu au plafond, à fond jaune avec un carré noir indiquant "Soldes Parapluies 99 F ".
Que directement au-dessous de ce panneau, se trouvait un présentoir contenant différents parapluies pliants.
Qu'un autre panonceau, de même présentation que celui suspendu au dessus fond jaune avec un carré noir, mais avec seulement la mention " parapluies 99 F " était accroché à ce présentoir.
Que parmi les parapluies présentés dans cet étalage spécial " Soldes " se trouvait un parapluie pliant noir qui a tout de suite attiré l'attention de Madame Kerboriou car il était identique à celui qu'elle avait acheté un mois auparavant dans ce même magasin et au même prix de 99 F.
Qu'il s'agissait, selon les constatations de l'huissier commis et des déclarations d'un employé du magasin, d'un produit en promotion.
Que le magasin X entretient une confusion entre les produits en solde et les produits en promotion.
Que cette confusion entretenue par le magasin X portait notamment sur les parapluies pliants, puisqu'ils étaient présentés dans les produits en solde alors qu'ils n'étaient pas soldés et qu'ils faisaient seulement l'objet d'une promotion qui existait déjà, avant que les soldes ne commencent, puisque le même parapluie pliant était vendu avant et pendant les soldes au même prix de 99 F.
Que la présentation des parapluies, pour lesquels était fait une promotion, parmi des produits soldés et sous des panneaux annonçant des soldes, était de nature à induire en erreur les consommateurs sur la nature des prix qui leur étaient proposés.
Que le tribunal a estimé que le délit reproché ne serait pas constitué au motif que contrairement aux articles soldés, les parapluies ne bénéficiaient pas d'un double étiquetage de sorte que le consommateur ne pouvait pas être induit en erreur sur le fait que les parapluies n'étaient pas soldés.
Mais attendu que ce faisant le tribunal n'a pas pris en compte la volonté manifeste du magasin X de semer la confusion dans l'esprit du consommateur, alors qu'il résulte tant du constat d'huissier qu'a fait dresser l'UFC Que Choisir que de celui qui a été produit en défense, que la couleur jaune a été choisie par le [magasin] comme signe distinctif des soldes : les panneaux annonçant les soldes sont en jaune, les bacs contenant les produits soldés sont entourés de tissu jaune.
Que le bac contenant les parapluies non soldés étant entourés de tissu jaune, le consommateur ne pouvait que penser que les parapluies étaient, eux aussi en solde.
Jacques G présent et assisté de son conseil, demande à la cour par voie de conclusions de :
Dire et juger que le délit de publicité trompeuse n'est pas constitué et par conséquent prononcer sa relaxe pure et simple,
Subsidiairement, vu l'article 775-1 du Code de procédure pénale,
Exclure la mention de la condamnation prononcée à son encontre au bulletin n° 2 de son casier judiciaire.
En tout état de cause,
Débouter l'Association UFC - Que Choisir de toutes ses demandes et prétentions,
A l'appui de ses demandes le concluant fait valoir:
Que d'une part les constatations de l'huissier n'ont pas corroboré l'allégation de Madame Kerboriou selon laquelle un panneau suspendu au plafond portait la mention " Soldes parapluies 99 F ".
Que la publicité trompeuse qu'a cru déceler l'association UFC Que Choisir dans la présentation et l'affichage qui accompagnaient les parapluies en promotion au mois de janvier 1998, n'est aucunement caractérisée.
Qu'en réalité, aucun élément de preuve ne permet d'établir avec une quelconque certitude l'existence de ce panneau et que la seule affirmation de Madame Kerboriou ne peut donc, par conséquent, fonder sérieusement la condamnation pour publicité trompeuse que l'association UFC Que Choisir sollicite sur la base des articles L. 121.6 et L. 213-1 du Code de la consommation.
Que d'autre part, bien au contraire, les nombreux autres faits constatés par Maîtres Denis et Conty attestent que les éléments de publicité et d'affichage caractéristiques des soldes et permettant aux consommateurs normalement avisés de déterminer les articles faisant l'objet de vente en solde, n'étaient pas apposés sur ou au voisinage des parapluies litigieux.
Que comme cela apparaît sur les photos jointes au procès-verbal dressé par Maître Conty, la mention "Soldes " ne figurait pas sur le panonceau situé à l'aplomb du bac desdits parapluies, alors que les articles soldés, présentés dans des bacs distincts, étaient surmontés de panonceaux portant l'inscription " Soldes " en gros caractères, accompagnée de l'indication du rabais octroyé (par exemple pour des foulards " - 50 % " et de la mention "déjà déduit sur étiquette " ou de l'ancien prix barré accompagné du nouveau prix.
Que la notion de rabais fait partie intégrante de la notion de " soldes " telle quelle découle de la définition donnée à l'article 28-1 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 qui dispose:
"sont considérés comme soldes les ventes accompagnées ou précédées de publicité comme tendant à l'écoulement accéléré de marchandises en stock ".
Que l'indication d'un rabais exprimé en pourcentage ou par le moyen d'un prix barré ou d'un étiquetage superposé, est donc le critère distinctif des soldes dans l'esprit du consommateur.
Que c'est aussi celui sur lequel les commerçants insistent dans leur publicité pour mentionner les ventes en solde.
Qu'une telle indication était, bien entendu, absente de la publicité qui entourait les parapluies litigieux puisque ceux-ci étaient en promotion, contrairement à certains articles soldés vendus alentour.
Qu'il n'y a donc pu avoir, en aucune manière, risque de confusion de la part des consommateurs de ce point de vue et la publicité trompeuse que l'appelante croit déceler et dont elle appelle de ses voeux la condamnation, ne saurait être caractérisée de ce fait.
Que de troisième part, un consommateur normalement avisé est parfaitement conscient du fait que lors d'opérations de soldes, tous les articles présentés à la vente dans le même magasin ne sont pas nécessairement des articles soldés.
Qu'il est, en effet, qui ne sont pas remplacés de manière saisonnière et sont suivis d'une saison à l'autre ou vendus tout au long de l'année, parfois plusieurs années de suite (notamment les parapluies) en raison de l'incertitude des intempéries quelle que soit la saison.
Rappel des faits
Pendant la période des soldes au mois de janvier 1998, le magasin X avait mis en vente dans des bacs, des parapluies dont l'étiquette mentionnait qu'ils étaient vendus au prix de 99 F. Ils étaient disposés dans des bacs de couleur jaune. Les produits soldés dont les parapluies ne faisaient pas partie, signalaient le montant de la réduction et l'étiquette indiquait l'ancien et le nouveau prix.
Sur ce,
Sur la demande de la partie civile
Considérant que les premiers juges relaxaient Jacques G des fins de la poursuite et qu'en l'absence d'appel du Ministère public la décision de relaxe est devenue définitive;
Considérant qu'en raison de l'indépendance de l'action civile et de l'action civile et de l'action publique, l'appel de la partie civile, s'il est sans incidence sur la force de chose jugée qui s'attache comme en l'espèce à la décision de relaxe sur l'action publique, saisit le juge des intérêts civils;
Qu'en conséquence, malgré la décision de relaxe, il appartient à la cour d'apprécier les faits dans le cadre de la prévention, pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles qui lui sont présentées;
Considérant que la décoration de couleur jaune est celle adoptée par le magasin X pour la période des soldes;
Qu'il ne s'ensuit pas que tous les objets sont vendus en solde et que le client sait qu'il doit lire l'affiche pour déterminer si l'objet qu'il entend acheter fait ou non l'objet d'une réduction;
Que c'est donc, à juste titre, que le tribunal a estimé que le client ne pouvait être induit en erreur et que le délit n'était pas conséquent pas constitué;
Que le jugement entrepris doit donc être confirmé et la partie civile déboutée de ses demandes.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel de la partie civile, Confirme le jugement entrepris sur les intérêts civils seuls en cause d'appel et déboute l'UFC - Que Choisir de ses demandes.