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Décisions

CA Rennes, 7e ch., 22 mars 1995, n° 0679-94

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Matavicole (SA)

Défendeur :

Groupement Foncier Agricole Manerbihan, Groupama Bretagne (Sté), Sedmeo (Sté), Alke Gas Infrarood (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Caignec

Conseillers :

MM. Coadou-le-Brozec, Taillefer

Avoués :

Mes de Moncuit, Chaudet, Gautier, Bazille

Avocats :

Mes Arion, Druais, Gosselin, De Lafuente.

TGI Lorient, du 15 déc. 1993

15 décembre 1993

FAITS ET PROCEDURE

Pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée qui en constitue une analyse exacte.

Par jugement du 15 décembre 1993, le Tribunal de grande instance de Lorient a :

- déclaré les sociétés Matavicole, Sedmeo et Alke toutes trois responsables du sinistre dont le Groupement Foncier Agricole de Manerbihan a été victime le 7 mai 1988,

- les a condamnées toutes trois, in solidum, à payer avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé du 25 mai 1988.

1°) les sommes de :

a) au Groupement Foncier Agricole de Manerbihan : 106 320 F,

b) à Groupama (Assurances Mutuelles Agricoles) subrogé dans les droits du Groupement: 238 239 F,

2°) les entiers dépens recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;

Dans leurs rapports entre eux, condamné :

1°) la société Sedmeo à garantir la société Matavicole à concurrence de la somme de 198 242 F, augmentée des intérêts légaux à compter du 25 mai 1988, et de la moitié des dépens ;

2°) La société Alke à garantir la société Sedmeo du paiement des sommes énoncées au 1°) ci-dessus

Débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

La société Matavicole a régulièrement interjeté appel de cette décision le 20 janvier 1994.

La société Alke Gas Infrarood a également relevé appel de cette même décision le 4 février 1994.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES.

Au soutien de son appel, la société Matavicole, tout en reconnaissant être tenue à une obligation de résultat, fait valoir que l'erreur de conception est la seule cause du sinistre ; qu'elle est imputable au seul fabricant du matériel, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée s'étant conformée exactement aux préconisations du constructeur Alke, ayant effectué correctement son montage et ayant alimenté les couveuses en propane, gaz préconisé par le fabricant.

L'appelante sollicite à titre principal la réformation du jugement, sa mise hors de cause et le débouté du GFA de Manerbihan et de son assureur de toutes leurs demandes. A titre subsidiaire, elle sollicite la garantie totale du fabricant, la société Alke, ainsi que sa condamnation à lui verser la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. A titre plus subsidiaire encore, elle demande la réduction massive de la part de responsabilité pouvant être laissée à sa charge.

La société Alke Gas Infrarood a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné Matavicole à supporter personnellement la plus grande partie du sinistre et demande à la cour en vertu de son appel, de dire que la responsabilité " du sinistre est entièrement le fait de l'installateur Matavicole et de son fournisseur Sedmeo et de débouter Sedmeo de son appel en garantie. A titre subsidiaire, l'appelante demande à la cour de dire que le rapport contractuel entre elle et Sedmeo doit s'analyser dans le cadre du Code civil néerlandais et de débouter Sedmeo de sa demande faute de justificatif au regard du droit néerlandais.

A titre plus subsidiaire encore, la société Alke sollicite l'application de l'article 1543 du Code civil néerlandais, la réduction des prétentions de Sedmeo à la restitution du prix d'achat ne pouvant excéder 44 216 F et la condamnation de Sedmeo à lui payer des dommages-intérêts, suivant évaluation du préjudice à elle occasionné, ainsi qu'une somme provisionnelle de 100 612 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Alke fait valoir que Matavicole en qualité d'installateur professionnel était tenu à une obligation de résultat quant à la fiabilité des systèmes et au branchement de gaz ; que la preuve d'un défaut de conception ou d'un vice caché de l'éleveuse Alke n'a pas été rapportée ; que si l'on admet un défaut, il s'agirait d'un vice apparent dont le vendeur Alke ne peut être tenu responsable ; que la production de suie, cause du sinistre, résulte d'un mauvais raccordement et d'une non conformité entre l'alimentation en gaz et l'éleveuse Alke et non d'une erreur de conception de l'éleveuse.

La société Sedmeo a conclu, par voie d'appel incident, à sa mise hors de cause et demande à la cour de dire que seules les sociétés Matavicole et Alke peuvent être tenues pour responsables du sinistre et être condamnées à le garantir et de débouter Matavicole de toutes ses demandes à son encontre. A titre subsidiaire, l'intimée sollicite la confirmation du jugement, le débouté des sociétés Matavicole et de Alke de leurs demandes à son encontre et de leurs prétentions au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et leur condamnation in solidum au paiement d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle fait valoir sa qualité d'intermédiaire et l'application de la convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la responsabilité du fait des produits.

Le GFA Manerbihan et la société Groupama Bretagne ont conclu à la confirmation en toutes ses dispositions de la décision déférée et à la condamnation in solidum des sociétés Matavicole Sedmeo et Alke en 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ces intimés font valoir que l'absence de faute invoquée par Matavicole est inopérante ; que le vice caché des appareils ne saurait être assimilé à un cas de force majeure ; qu'en sa qualité de fournisseur et d'installateur Matavicole était tenue d'une obligation de résultat ; qu'en toute hypothèse la preuve d'une faute de Matavicole est rapportée car il lui incombait de procéder à des essais préalables ; qu'en leur qualité de vendeur et de fabricant ses sociétés Sedmeo et Alke ne sont pas fondées à contester leur responsabilité eu égard aux conclusions de l'expertise ; que le GFA n'ayant pas été partie à un contrat de vente internationale est fondé à invoquer le droit français, solution conforme à l'article 4 de la convention de La Haye du 2 octobre 1973 relative à la responsabilité du fait des produits.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que les procédures inscrites au rôle général sous les numéros 679-94 et 1179-94 sont connexes entre elles et qu'il convient en conséquence d'en ordonner la jonction;

Considérant que la société Matavicole est intervenue sur les poulaillers appartenant au GFA de Manerbihan en sa double qualité de fournisseur et d'installateur des appareils à gaz dénommés "éleveuses" ;

Qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire déposé le 30 août 1990 par Monsieur Picault que l'origine de l'incendie survenu le 7 mai 1988 est imputable à l'accumulation et à l'inflammation de la suie, conséquence d'une mauvaise combustion, elle-même liée à une erreur de conception des appareils;

Qu'en effet la flamme du brûleur se mêle à celle de la veilleuse provoquant un déséquilibre dans la combustion et un dépôt de suie visible sur tous les appareils épargnés par l'incendie ;

Considérant en l'espèce qu'il s'agit d'un vice caché qui n'a été décelé qu'au cours des opérations d'expertise, Monsieur Roussel ayant remédié à ce défaut de combustion en pliant légèrement vers l'extérieur la patte de fixation de la veilleuse ;

Considérant que la société Matavicole, en sa qualité de vendeur professionnel, est présumée d'une manière irréfragable avoir connu les vices de la chose ;

Que dès lors c'est à bon droit que le tribunal l'a condamné à réparer l'intégralité du dommage subi par l'acheteur, le GFA Manerbihan, et le Groupama subrogé dans les droits de ce dernier, et ce en application des articles 1641 à 1648 du Code civil;

Considérant d'autre part, qu'en sa qualité d'installateur-monteur des appareils, la société Matavicole devait procéder à des essais préalables et prolongés et n'effectuer la livraison qu'après s'être assurée d'une combustion satisfaisante caractérisée par la présence d'une flamme bleue ;

Que c'est donc également à bon droit que les premiers juges ont dit que la faute commise par la société Matavicole dans l'installation des éleveuses justifie qu'elle supporte personnellement la moitié de la responsabilité du sinistre ;

Considérant que l'obligation de garantie de la société Sedmeo résulte de sa qualité de vendeur professionnel et comme tel présumé avoir connu les vices de la chose ;

Considérant que la responsabilité de la société Alke Gas Infrarood est recherchée en sa qualité de vendeur-fabricant tenu d'une obligation contractuelle de sécurité à l'égard de l'acheteur s'analysant en une obligation de résultat ;

Que dès lors seule la convention de La Haye du 20 octobre 1973 détermine la loi applicable lorsque la responsabilité du fabricant à un aspect international, ce qui est le cas de l'espèce s'agissant d'un produit fabriqué dans un pays et exporté dans un autre où il cause des dommages à une victime qui y possède sa résidence habituelle ;

Considérant en conséquence que c'est à bon droit que le tribunal a condamné la société Alke, par application des articles 1146 et suivant du Code civil français, en écartant l'application de la loi néerlandaise, le fait dommageable s'étant produit en France, état de résidence habituelle du GFA de Manerbihan directement lésé ;

Considérant en définitive qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée ;

Qu'aucun motif d'équité n'impose en l'espèce de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que les sociétés Matavicole et Alke Gas Infrarood qui succombent en leur appel doivent être condamnées in solidum aux dépens d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Ordonne la jonction des procédures inscrites au rôle général sous les n° 679-94 et 1179-94 ; Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée ; Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Matavicole et Alke Gas Infrarood aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.