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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 5 septembre 1996, n° 95-01495

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Union Départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, Union Fédérale des Consommateurs de Brest, Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Segondat

Conseillers :

MM. Le Corre, Debons

Avocats :

Mes Chevallier, Gloaguen.

TGI Brest, ch. corr., du 18 juill. 1995

18 juillet 1995

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal de Brest, par jugement contradictoire en date du 18 juillet 1995, pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur a condamné X Jacques à 2 000 F d'amende + des réparations civiles.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- l'Union Départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, le 25 juillet 1995 contre Monsieur X Jacques;

- l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest, le 25 juillet 1995 contre Monsieur X Jacques;

- M. le Procureur de la République, le 28 juillet 1995 contre Monsieur X Jacques;

- Monsieur X Jacques, le 31 juillet 1995 contre l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest, l'Union Départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie.

La prévention :

Considérant qu'il est fait grief au prévenu d'avoir à Gouesnou, courant avril/mai 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la disponibilité de certains articles proposés pendant l'opération publicitaire "Y" d'un bien ou d'un service,

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 al. 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation.

Au fond :

Les faits

Du 20 au 30 avril 1994, le groupe "Z" a effectué une opération promotionnelle intitulée "Y" dans divers magasins des Côtes d'Armor, du Morbihan et du Finistère, opération annoncée par voie de catalogue publicitaire distribué dans les boîtes aux lettres à 665 300 exemplaires.

Suivant procès-verbal en date du 1er juillet 1994 relatif à des faits constatés le 29 avril 1994, la DGCCRF qui avait été saisie de plusieurs réclamations indiquant que de nombreux fromages et vins figurant dans la publicité étaient absents des rayons, a relevé dans l'hypermarché de Gouesnou exploité par l'EURL W et dont le directeur est Jacques X l'absence des produits suivants :

- fromages AOC : Reblochon, Comté, St Nectaire, Pont l'Evêque "Gillot", Chabichon, Esquirou, Cantal, Chaource "Lincet", Camembert au lait cru Isigny, Bleu d'Auvergne,

- vins "des mariages gourmands" : Beaujolais Régnie "Crêt de la Roche", Sancerre "La Grande Demeure", St Emilion grand cru 1992, Gewurztraminer 1992,

- autres vins : lot de quatre bouteilles + deux gratuites Côtes de Beaune Villages 1992 ou 1993, lot de 4 bouteilles + 2 gratuites Médoc "La Barde Bois de l'Eglise 1992", lot de 4 bouteilles + 2 gratuites Mercurey 1992 ou 1993,

- confiture Andros 3 bocaux 450 g cerise-myrtille-abricot.

Interrogé sur ces faits Jacques X a reconnu qu'il n'avait sollicité aucun ré-approvisionnement pour les articles indisponibles, particulièrement pour les fromages AOC non vendus habituellement dans le magasin et n'a pas été en mesure de justifier des démarches entreprises pour recevoir les commandes non honorées, essentiellement les commandes de vin.

Il a reconnu les infractions relevées à son encontre lors de son audition à la gendarmerie.

Discussion

Considérant que Jacques X, titulaire d'une délégation de pouvoirs en date du 1er août 1990 entre dans la catégorie des cadres pourvus de la compétence et de l'autorité nécessaires pour pouvoir valablement bénéficier d'une délégation de responsabilité du dirigeant de l'entreprise.

Considérant qu'il ne conteste pas avoir commis le délit de publicité mensongère qui lui est reproché mais soutient qu'il n'existe aucun élément intentionnel puisqu'il avait passé des commandes très importantes dont il ne pouvait prévoir qu'elles seraient dépassées par l'ampleur de la demande.

Mais considérant qu'il lui appartenait dès lors qu'il avait fait diffuser une publicité d'en assurer le respect en prévoyant une possibilité de réajustement de l'approvisionnement en fonction de la demande effective, une erreur de prévision par un professionnel de la distribution opérant une promotion ponctuelle ne pouvant constituer une cause d'exonération de responsabilité pénale.

Considérant qu'au regard du professionnalisme du prévenu et de la gravité des faits qui ont trompé le consommateur, la peine d'amende infligée par le tribunal sera sensiblement aggravée par la cour qui ordonnera également la publication du présent arrêt.

Considérant que l'UFC de Brest et l'Union Départementale CSCV ont relevé appel du jugement au motif que les sommes allouées en première instance sont dérisoires, chacune des parties civiles s'étant vues allouer 1 000 F à titre de dommages-intérêts et 1 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Considérant qu'elles sollicitent chacune 50 000 F à titre de dommages et intérêts, la publication de la décision à titre de réparation civile et 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Considérant que ces associations ont le pouvoir d'exercer l'action civile relative aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs.

Considérant que les faits reprochés à Jacques X, leur a causé un réel préjudice au regard de l'importance de la publicité mensongère, de l'atteinte aux droits des consommateurs et de l'importance des profits réalisés, et que ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 F à chacune des associations à titre de dommages et intérêts.

Considérant que le montant des frais non répétibles exposés en cause d'appel sera fixé en équité à la somme de 2 000 F pour chaque partie civile.

Qu'enfin, la publication ordonnée à titre pénal n'a pas lieu d'être ordonnée à titre de réparation civile.

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X Jacques, l'Union Départementale de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest, et par arrêt défaut à l'égard de la Direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, En la forme : Reçoit les appels, Au fond : Confirme le jugement sur la qualification des faits et la déclaration de culpabilité, Le réforme sur la peine, Condamne Jacques X à la peine de trente mille francs (30 000 F) d'amende, Ordonne la publication du présent arrêt par extraits aux frais du condamné dans le journal Ouest France (Edition de Brest), le coût de l'insertion ne pouvant excéder 2 500 F, Réforme les dispositions civiles du jugement, Condamne Jacques X à payer à : - l'Union Départementale de Confédération Syndicale du Cadre de Vie, - l'Union Fédérale des Consommateurs de Brest 3 000 F chacune à titre de dommages et intérêts et 2 000 F chacune au titre des frais non répétibles d'appel, Confirme le jugement sur les sommes allouées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, Prononce la contrainte par corps, Le tout par application des articles susvisés, 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.