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Décisions

CA Rouen, ch. corr., 30 octobre 2000, n° 00-00388

ROUEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Catenoix

Conseillers :

MM. Massu, Bisot

Avocat :

Me Selegny.

TGI Rouen, ch. corr., du 6 oct. 1999

6 octobre 1999

Rappel de la procédure

Prévention

Pascal B a été, à la requête du Procureur de la République, cité directement, par acte d'huissier délivré le 15 juillet 1999, à sa personne, à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Rouen le 6 octobre 1999.

Il était prévenu d'avoir à Deville-Les-Rouen le 12 août 1998,

* effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en mettant en vente sous les qualificatifs de qualité "Certifié" ou "Melons Le Rouge Gorge", 38 melons présentant :

- des traces de moisissure couvrant jusqu'à un quart de la surface du produit,

- de la pourriture humide jusqu'à 16 cm2,

- une absence manifeste de fermeté.

Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de consommation.

* exposé en vue de la vente, des melons ne répondant pas aux normes minimales de qualité.

Faits prévus par l'article 1 du décret 97-1107 du 24 novembre 1997, les articles 2 1°, 3 1° du règlement CEE 96-2200 du 28/10/1996 et réprimés par l'article 1 du décret 97-1107 du 24 novembre 1997, l'article L. 214-2 alinéa 1 du Code de la consommation.

Jugement

Le tribunal, par jugement contradictoire du 6 octobre 1999, a statué en ces termes :

Déclare Pascal B coupable des faits qui lui sont reprochés ;

Le condamne à 12 000 F d'amende pour le délit et à 2 000 F d'amende pour la contravention ;

Le dispense de la publication du présent jugement.

Appel

Par déclarations reçues au greffe du tribunal le 11 octobre 1999, il a été interjeté appel de ce jugement par le prévenu et par le Ministère public.

Décision

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.

En la forme

Pascal B a été cité devant la cour par acte d'huissier délivré le 20 juin 2000 (à sa personne). Il a comparu à l'audience du 25 septembre 2000, assisté de son avocat. Le présent arrêt sera donc contradictoire.

Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure, les appels interjetés par Pascal B et le Ministère public conformément aux articles 498 et suivants du Code de procédure pénale sont réguliers ; ils sont donc recevables.

Au fond

Par conclusions de son avocat développées oralement à l'audience, Pascal B demande à la cour de prononcer sa relaxe en reprenant les arguments suivants, déjà soutenus pour partie devant le tribunal:

- le rayon fruits et légumes était sous la responsabilité de Sophie R, chef de rayon traditionnel, qui avait signé le 28 avril 1994 une délégation de pouvoirs émanant du Directeur de Région de la société X.

- il incombait donc à Sophie R de tenir informé le personnel des différentes prescriptions à respecter en la matière et de contrôler en permanence l'application effective des consignes données.

- en cas d'absence prolongée de l'entreprise, et notamment de départ en congés, il lui appartenait en conséquence de s'assurer par tous moyens de la pérennité du suivi des mesures prescrites, en déléguant ou en subdéléguant, le cas échéant ses pouvoirs à un préposé pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires.

- par ailleurs, le transfert de responsabilité résultant de la délégation a pour seconde conséquence d'exonérer le chef d'entreprise de la responsabilité encourue pour l'infraction imputable à son substitut, en mettant fin aux poursuites initialement dirigées contre lui.

Le Parquet général requiert la confirmation du jugement déféré sur la culpabilité et s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur les sanctions à prononcer.

Des investigations réalisées dans le cadre de la présente procédure, il ressort principalement ce qui suit.

Selon les termes de son procès-verbal signé le 13 octobre 1998, un contrôleur de la DGCCRF du département de la Seine Maritime s'étant présenté le 12 août 1998 à 14 heures au supermarché Y <adresse>à Deville-les-Rouen (76), a constaté qu'une affiche mentionnant "melon certifié pièce 8 F 90 cat. I call 2/15" était apposée devant 50 plateaux contenant 326 melons, alors que seulement les melons de 31 plateaux pouvaient bénéficier de ce qualificatif valorisant.

En effet, ils comportaient un étiquetage particulier indiquant "Atout Qualité Certifié" avec les caractéristiques suivantes :

- melons de plein champ

- origine Haut-Poitou garantie

- cueillis à maturité

- 12 % minimum de taux de sucre

certifiés par l'organisme agréé Qualicert alors que les autres colis ne portaient aucune indication d'une quelconque certification.

Par ailleurs, il a été constaté que 38 melons mis en vente présentaient des signes manifestes de pourriture et d'altération les rendant impropres à la consommation.

Aucun responsable n'était présent au magasin le jour du contrôle.

Le 19 août 1998, Gérard H, adjoint du responsable du rayon fruits-légumes, a expliqué au contrôleur que des lots de melons non certifiés leur avaient été livrés mélangés aux lots de melons certifiés qu'ils avaient commandés.

Au cours de ses auditions, Pascal B a reconnu les faits, en expliquant que lui-même ainsi que Sophie R, Chef du rayon Fruits-légumes, étaient en vacances le jour du contrôle, que celle-ci avait conçu l'affiche publicitaire avant son départ et qu'elle avait donné instruction à Gérard H de placer l'affiche sur le rayon à réception des melons certifiés.

Entendue le 16 mars 1999, Sophie R a déclaré s'être trouvée en congés du 8 au 31 août 1998 et confirmé qu'elle avait seulement préparé l'affiche qu'avait apposée son remplaçant.

La publicité effectuée en l'espèce comportait une indication fausse sur la certification de conformité d'une partie des melons mis en vente, qualité substantielle distinguant un produit alimentaire des produits ordinaires de même type.

En application du règlement CEE n° 1093-97, les melons, quelle que soit leur catégorie de qualité, doivent tout d'abord répondre aux caractéristiques minimales qui prévoient que les produits soient notamment "sains", exempts de "pourriture ou d'altération telles qu'elles les rendraient impropres à la consommation", "d'aspect frais", "fermes".

En sa qualité de directeur du magasin, Pascal B ne pouvait ignorer que Sophie R se trouvait en congé du 8 au 31 août 1998. La délégation de pouvoirs et de responsabilités qu'elle avait signée le 28 avril 1994 ne lui conférait aucune faculté de les subdéléguer, et Pascal B s'est abstenu de communiquer l'identité du "préposé pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires" auquel elle aurait eu la possibilité de confier la mission de veiller au respect de la réglementation en vigueur que son absence l'empêchait temporairement d'accomplir.

Dans ces conditions, la délégation ainsi invoquée à la charge de Sophie R est en l'espèce inopérante, et les faits sont donc établis et imputables à Pascal B, qui ne s'exonère pas autrement de la responsabilité pénale qui lui incombe en sa qualité de directeur du magasin, qui a fait le choix de prendre ses congés en même temps que le chef du rayon fruits-légumes, et qui a commis une faute personnelle en ne s'assurant ni de la présence au magasin d'un responsable habilité à les suppléer dans l'exécution de leurs obligations, ni de l'efficacité des autres dispositions qu'il aurait pu prendre pour éviter la mise en vente d'une marchandise non conforme à la publicité effectuée et aux normes de qualité.Ces faits caractérisent le délit et la contravention poursuivis et le jugement doit en conséquence être confirmé sur la culpabilité et la qualification.

Eu égard aux renseignements fournis sur la situation et la personnalité de Pascal B, à la nature et au degré de gravité des infractions commises, et aux circonstances de la cause, les sanctions pécuniaires infligées au prévenu sont excessives et la cour les réduira à une amende de 5 000 F pour le délit et à une amende de 1 000 F pour la contravention, la publication du présent arrêt de condamnation devant également être ordonnée, en application des dispositions de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, aux frais du prévenu, dans le journal Paris-Normandie, édition de Rouen, selon les modalités et sous la forme d'un communiqué dont les termes sont énoncés au dispositif.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; En la forme : Reçoit les appels, Au fond : Confirme le jugement du 6 octobre 1999 sur la culpabilité. Le réformant sur les sanctions prononcées, Condamne Pascal B à une amende de 5 000 F pour le délit et à une amende de 1 000 F pour la contravention. Ordonne la publication dans le journal Paris-Normandie, édition de Rouen, du communiqué suivant : "Par arrêt prononcé le 30 octobre 2000, la Cour d'appel de Rouen a confirmé le jugement du Tribunal correctionnel de Rouen en date du 6 octobre 1999 sur la culpabilité de Pascal B, Directeur du magasin Y de Deville-Les-Rouen, et partiellement réformé ce jugement en condamnant Pascal B aux peines de 5 000 F et 1 000 F d'amende, pour avoir, le 12 août 1998 à Deville-Les-Rouen, effectué une publicité comportant des allégations, indications, ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, et mis en vente des melons ne répondant pas aux normes minimales de qualité", Le tout à la charge du condamné et dans les conditions prévues par l'article 131-35 du Code pénal. Fixe la durée de la contrainte par corps conformément à l'article 750 du Code de procédure pénale. La présente procédure est assujettie à un droit fixe de huit cents francs (800 F) dont est redevable Pascal B.