Cass. crim., 12 décembre 2000, n° 99-86.633
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roman (faisant fonctions)
Rapporteur :
Mme Mazars
Avocat général :
M. Lucas
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié.
LA COUR: Statuant sur le pourvoi formé par S Martine, épouse G, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 7 septembre 1999, qui, pour tromperie, l'a condamnée à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, à 30 000 F d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 213-1 du Code de la consommation, 8 du décret n 84-623 du 16 juillet 1984, 551 du Code général des impôts, 212 A de l'annexe III au Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défauts de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris, a déclaré Martine S, épouse G coupable de tromperie sur la nature, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises prévue par l'article 213-1 du Code de la consommation ;
"aux motifs que chacune des pièces portait la mention en allemand 23-24 Karat Hartvergoldet ce qui par l'effet d'une traduction aisée permet au consommateur de se convaincre qu'il achète un objet plaqué or, et que le certificat de garantie joint à la mallette contenant les couverts attire l'attention du consommateur sur la qualité de finition des couverts "fabriqués, durcis et dorés pièce par pièce ce qui garantit une finition irréprochable" ; que la présentation du coffret (avec combinaison) et le prix très élevé pratiqué est de nature à achever de convaincre l'acheteur potentiel de ce qu'il lui est proposé une véritable pièce d'orfèvrerie, effectivement plaqué or ; qu'il résulte du rapport d'analyse établi par les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que la couche d'or sur les objets n'est pas mesurable et, est nécessairement très inférieure aux 3 micromètres exigés pour qu'un objet puisse mériter le qualificatif de plaqué or ; que la preuve d'une tromperie sur une qualité substantielle de la chose vendue, entrée dans le champ contractuel, est rapportée en l'espèce ;
"alors, d'une part, que s'agissant d'une appellation réglementée, il ne peut y avoir tromperie que si un objet qui ne répond pas aux critères d'une dénomination réglementée est néanmoins commercialisé sous cette dénomination; qu'aux termes de l'article 212 A de l'annexe III au Code général des impôts, l'appellation "plaqué or" est réservée aux seuls objets revêtus d'une couche d'or atteignant trois microns et qu'à défaut l'objet peut être vendu sous l'appellation "doré" ; qu'ainsi, la cour d'appel qui a constaté qu'en l'espèce l'objet n'était pas commercialisé sous l'appellation "plaqué or" mais sous l'appellation allemande "23-24 Karat Hartvergoldet", équivalente à "doré" ne pouvait entrer en voie de condamnation en se fondant sur la seule présentation luxueuse de la ménagère, son prix élevé et la conviction de l'acheteur au moment de la vente ;
"alors, d'autre part, que peuvent être commercialisés sous l'appellation "doré" les objets recouverts d'une couche d'or n'atteignant pas trois microns ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les couverts étaient vendus sous l'appellation "plaqué or" mais au contraire avec la précision "doré" autorisée par la réglementation pour les objets dont la couche d'or est inférieure à trois microns, ne pouvait entrer en voie de condamnation" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, la tromperie dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 28 (ex article 30) du Traité instituant la Communauté européenne, 213-1 du Code de la consommation, 551 du Code général des impôts, 212 A de l'annexe III au Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défauts de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris, a déclaré Martine S, épouse G coupable de tromperie sur la nature, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises prévue par l'article 213-1 du Code de la consommation ;
"alors qu'en assimilant la mention allemande "23-24 Hartvergoldet" à l'appellation française "plaqué or", l'interprétation de la cour d'appel aboutit à interdire l'importation en France sous l'appellation "plaqué or" de produits d'origine allemande qui ne répondent pas à la réglementation française mais qui sont pourtant commercialisés dans leur pays d'origine sous la mention "plaqué or" ; que cette interdiction constitue une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 28 du Traité instituant la Communauté européenne, de sorte que la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation sur la base d'une interprétation de la loi interne incompatible avec le traité de Rome" ;
Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.