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Décisions

Cass. crim., 12 décembre 2000, n° 00-81.049

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman (faisant fonctions)

Rapporteur :

Mme Mazars

Avocat général :

M. Lucas

Paris, 13e ch., du 5 janv. 2000

5 janvier 2000

LA COUR: Statuant sur le pourvoi formé par V Stéphan, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 5 janvier 2000, qui, pour tromperie, l'a condamné à 100 000 F d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 213-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Stéphan V coupable de tromperie sur la nature d'une prestation de service ;

"aux motifs que Stéphan V est le gérant des sociétés France Serveur Minitel et les Autoroutes de l'Information, qui toutes deux offrent des services audiotel surtaxés accessibles à tout public par les numéros suivants, 08.36.68.11.09, 08.36.68.27.26, 08.36.69.10.07, 08.36.68.01.38, dont le contenu qui est rigoureusement identique est une verte engueulade de la personne qui appelle le numéro, cette personne se trouvant facturée par France Télécom au prix d'environ 7 F, soit 2,23 F/minute, à chaque appel ; qu'aucune publicité n'a été diffusée concernant l'un de ces services ; que les personnes qui ont été amenées à composer ce numéro sont toutes des personnes qui ont reçu sur leur répondeur téléphonique un message les invitant à composer ce numéro d'urgence, de la manière suivante : "j'ai découvert sur mon répondeur un message autoritaire et agressif m'enjoignant à rappeler sans tarder un certain M. Galard au numéro 08.36.68.27.26" ou autre exemple : "j'ai trouvé un message sur mon répondeur me demandant de rappeler d'urgence le numéro 08.36.68.27.26" ; que les éléments de l'enquête démontrent que c'est Stéphan V lui-même (ou les sociétés dont il est responsable) qui a déposé les messages invitant les utilisateurs à composer d'urgence les numéros surtaxés ; que ces utilisateurs se sont plaints entre autre, auprès de France Télécom, qui a déposé plainte auprès du procureur de la République ; que Stéphan V prétend que ce ne serait pas lui qui aurait laissé les messages sur les répondeurs, invitant à composer les numéros Audiotel surtaxés, au motif que ses services sont destinés à permettre aux utilisateurs qui le souhaitent de faire "une blague" à d'autres personnes en les invitant à composer ces numéros Audiotel ; qu'en l'absence de toute publicité, personne ne pouvait connaître les numéros Audiotel surtaxés aux fins de déposer des messages sur des répondeurs invitant d'autres personnes à les composer à leurs frais ; que l'enquête a permis de démontrer que c'est Stéphan V lui-même qui a déposé ces messages, ainsi que cela résulte de ses déclarations : " j'ai simplement fait la farce à tous mes amis en leur disant de rappeler ce numéro, que quelqu'un voulait leur parler" ; que Stéphan V a également déclaré : "j'ai simplement contacté quelques amis (une trentaine) au début de l'exploitation de mes services pour lancer le système" ;

"alors, d'une part, qu'en se fondant, pour affirmer que les messages litigieux émanaient du demandeur, sur les seules déclarations de ce dernier, desquelles il ressort, en réalité, que Stéphan V s'est borné à laisser des messages à quelques amis, lors de la création de ces services, afin de lancer le système, sans rechercher si de ce fait, les messages incriminés n'avaient pas été déposés par des clients desdits services Audiotel, souhaitant faire un canular, ce qui avait conduit les premiers juges à relaxer le demandeur des fins de la poursuite en l'absence de certitude quant à l'origine de ces messages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, la tromperie n'est punissable que si elle porte sur une qualité substantielle sur laquelle les contractants se sont préalablement entendus ; qu'en l'espèce, Stéphan V était prévenu de tromperie sur la nature d'une prestation de service ; qu'à ce titre, le demandeur démontrait (conclusions p. 3 in fine) qu'aucune offre commerciale précise n'avait été laissée sur les répondeurs des abonnés de France Télécom, lesquels de ce fait ne pouvaient être victimes d'une tromperie sur la nature d'un service dont ils ignoraient la nature ; qu'en retenant néanmoins le demandeur dans les liens de la prévention, au seul motif que les abonnés avaient trouvé sur leurs répondeurs un message alarmiste les enjoignant de rappeler le numéro Audiotel, la cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi il y avait eu tromperie sur la qualité substantielle du service Audiotel, privant par-là même sa décision de base légale" ;

Attendu que la société France Télécom a consenti aux sociétés France Serveur Minitel et Les Autoroutes de l'Information le droit d'exploiter des services accessibles au public par des numéros de téléphone Audiotel surtaxés ; que l'enquête effectuée sur la plainte de plusieurs abonnés au téléphone par la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a établi que Stéphan V, gérant des sociétés contractantes de France Télécom, avait mis en place un procédé incitant les utilisateurs à appeler le service Audiotel alors que la communication facturée ne leur donnait accès qu'à un message fantaisiste ; que Stéphan V est poursuivi pour tromperie sur la nature de la prestation de services, sur le fondement des articles 213-1 et 216-2 du Code de la consommation ;

Attendu que, pour le déclarer coupable de ce délit, les juges d'appel retiennent que les éléments de l'enquête démontrent que Stéphan V a lui-même déposé sur les répondeurs téléphoniques des abonnés les messages les invitant à composer d'urgence l'un des numéros surtaxés alors que la communication ne leur donnait accès qu'à un message "canular" ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs qui caractérisent en tous ses éléments au regard de l'article 213-1 du Code de la consommation le délit de tromperie sur la nature de la prestation de service fournie aux abonnés de France Télécom, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, ne saurait être accueilli ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, par des écritures déposées le 22 novembre 2000, la société France Télécom sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 15 000 F ;

Mais attendu que cette demande, formulée après le dépôt du rapport, est tardive et, partant, irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.