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Décisions

Cass. crim., 5 septembre 2000, n° 99-87.624

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman conseiller (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Blondet

Avocat général :

Mme Commaret

Avocats :

SCP Richard, Mandelkern.

Paris, 13e ch., du 3 nov. 1999

3 novembre 1999

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par L Hervé, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 3 novembre 1999, qui, pour tromperie, l'a condamné à 25 000 F d'amende ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 213-1, 216-2 et 216-3 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hervé L coupable du délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise et l'a condamné à la peine de 25 000 F d'amende ;

"aux motifs que l'huile d'amande douce utilisée en alimentation (huile de première pression à froid) est aujourd'hui employée en dermatologie et en cosmétique ; qu'elle est commercialisée sous le terme "huile d'amande douce" pour éviter une confusion avec l'huile essentielle (ou essence) d'amande amère extraite par distillation des tourteaux de cette variété en aromatique ; que l'huile d'amande douce est inscrite à la pharmacopée française ; qu'en dermatologie, l'huile d'amande douce peut être utilisée telle quelle, car douée de propriété anti- inflammatoires qui en font un médicament de choix pour le traitement de l'érythème fessier du nouveau-né, ou d'érythème accidentels tel l'érythème solaire ; que selon les différents Codex, l'huile d'amande douce est employée soit à l'état naturel, soit dans des préparations galéniques à mi-chemin entre la dermatologie et la cosmétologie ; que dans le but de normaliser la production d'huile d'amande douce, les Codex successifs ont donné des définitions précises du moyen de préparation ; que dans la dernière édition Codex, "l'huile d'amande est l'huile grasse obtenue par expression à froid à partir de graines mûres de Prunus Dulcis (Miller) DA Webb variante Dulcis ou de Prunus Dulcis (Miller) DA Webb variante amara (DC) Buchheim ou d'un mélange des deux variétés présentant les caractères suivants : liquide limpide, transparent, jaune pâle, de faible odeur caractéristique, de saveur douceâtre caractéristique, peu soluble dans l'alcool, miscible ou chloroforme , à l'éther et à l'éther de pétrole, l'huile d'amande se solidifiant vers - 18 C" ; que malgré ces données imposées par le Codex, on trouve actuellement, sur le marché, des qualités d'huile qui, tout en présentant certains caractéristiques analytiques voisines, sont essentiellement différentes ; que ces différences proviennent des matières premières employées, les pays producteurs d'amande (Espagne, USA, Italie) obtenant, en sélectionnant les amandes, un certain pourcentage de déchets (débris, amandes gâtées) qui n'avaient, jusqu'à ces dernières années, aucune valeur marchande ; que les techniques de raffinage permettent de neutraliser, décolorer et désodoriser les huiles obtenues à partir de ces déchets, ces huiles présentent alors certaines caractéristiques chimique ou physique voisines des huiles vierges obtenues à partir d'amandes saines et sélectionnées ; que les huiles d'amande vierge extra sont obtenues par pression, en broyant les graines à l'aide de broyeurs et en exprimant, sans chauffer, l'huile de la poudre obtenue à l'aide de presses ; que l'huile ainsi recueillie, purifiée par décantation simple, puis clarifiée sur papier filtre est l'huile d'amande douce vierge extra, elle correspond à la qualité Codex ; que pour les huiles d'amandes douces raffinées, dans un premier temps pression (pression à chaud ou à froid, on obtient une huile fortement colorée d'odeur rance, très acide, la matière ne permettant pas d'obtenir une huile de première pression conforme aux normes Codex ; qu'on utilise alors dans un deuxième temps, le procédé de raffinage, celui-ci consistant essentiellement en une réaction chimique ; qu'enfin les huiles obtenues présentant une odeur de rance sont désodorisées à une température de 180 ; que l'huile d'amande vierge de première pression se négocie, en France, entre 50 et 55 F le kg alors que l'huile raffinée est vendue entre 16 et 20 F le kg ; qu'en matière d'huiles alimentaires, la loi du 6 août 1993 a réservé les qualificatifs de "vierge" ou "naturelle" aux huiles pures extraites par des moyens mécaniques de fruits ou de grains en bon état de conservation, propres et mûrs, sans rancissement ni moisissures, bien clarifiées, mais seulement par des moyens mécaniques et qui n'ont pas été raffinées ni blanchies ou neutralisées par des moyens chimiques ; que de ce fait, les huiles vierges du commerce disposent souvent de la mention "première pression à froid pour les distinguer des huiles raffinées" ; que l'huile d'amande est une huile alimentaire, même si elle est achetée pour ses propriétés dermatologiques ; que d'ailleurs, les opérateurs qui vendent de l'huile d'amande vierge ajoutent, sur leur étiquette, des mentions informatives, telles que "première pression à froid", "vierge" ou "naturelle"alors que ceux qui commercialisent de l'huile raffinée, vendent leur produit sous la simple dénomination de vente "huile d'amande douce", complétée éventuellement du qualificatif "raffinée" ; que le tribunal a exactement retenu qu'Hervé L ayant sollicité une expertise contradictoire, celle-ci était effectuée dans le cadre d'une information judiciaire qui confirmait la première analyse, à savoir que le produit contenait de l'huile raffinée ; que les experts répétaient ultérieurement que quel que soit son mode d'obtention, il contenait de l'huile raffinée, de l'acétate de tocophérol et une autre huile végétale et ne pouvait en conséquence prétendre à l'appellation d'huile d'amande douce et que la vitamine E présente à l'état naturel avant raffinage se trouvait détruite après cette opération et réintroduite sous forme de produit de synthèse, soit de l'acétate alpha-tocophérol ; qu'il en a justement déduit que l'étiquetage du produit faisant référence uniquement à la première pression à froid et à la vitamine E, le consommateur pouvait estimer que l'huile n'avait pas été raffinée et donc qu'elle contenait naturellement de la vitamine E et que le fait d'occulter l'opération de raffinage et la présence d'acétate de tocophérol (vitamine E de synthèse) étant par suite de nature à tromper l'acheteur sur les qualités substantielles de la marchandise, abstraction faite du caractère valorisant ou non de la mention première pression à froid ;

"alors que le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise n'est constitué que dans l'hypothèse où les qualités en cause ont déterminé le consentement du cocontractant, en ce sens que, mieux informé, celui-ci aurait refusé de contracter, tout au moins aux mêmes conditions ; qu'en décidant néanmoins qu'Hervé L avait commis le délit de tromperie sur les qualités substantielles d'une marchandise, en omettant d'indiquer que l'huile d'amande douce mise en vente avait fait l'objet d'une opération de raffinage et d'un ajout de vitamine E de synthèse, sans indiquer en quoi cette opération et cet ajout auraient modifié les qualités substantielles du produit aux yeux des acquéreurs, ce qui était formellement contesté, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la Société européenne de diffusion (SED), distributeur de produits d'hygiène corporelle et de compléments alimentaires, a commercialisé, sous un étiquetage le présentant comme une "huile d'amandes douces obtenue par première pression à froid", contenant de la vitamine E, un produit composé d'huile raffinée enrichie en vitamine E par l'adjonction d'acétate d'alpha-tocophérol de synthèse ; qu'Hervé L, président de la société, est poursuivi pour tromperie sur la composition et sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a caractérisé à la charge du prévenu une tromperie, de nature à déterminer l'achat du consommateur, sur les qualités substantielles de l'huile mise en vente, a donné une base légale à sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.