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Décisions

Cass. crim., 11 juin 2003, n° 02-86.246

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Blondet

Avocat général :

Mme Commaret

Avocat :

SCP Tiffreau.

Angers, ch. corr., du 25 avr. 2002

25 avril 2002

LA COUR : Statuant sur le pourvoi formé par S Roger, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 25 avril 2002, qui, pour mise en vente de denrées falsifiées ou toxiques et tromperie, l'a condamné à 15 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du règlement 178-2002-CE du 28 janvier 2002, des directives 83-189-CE du 28 mars 1983 et 98-34-CE, des articles 28 et 30 du Traité de Rome, L. 213-1, L. 213-3 du Code de la consommation, 1er et 15-2 du décret modifié du 15 avril 1912, 111-2, 111-3, 111-4, 111-5, 112-1, 112-2, 121-3 du Code pénal, 6, 7, 19 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Roger S coupable d'avoir exposé, mis en vente ou vendu des denrées servant à l'alimentation de l'homme, des boissons ou des produits agricoles ou naturels, qu'il savait être falsifiés, corrompus ou toxiques, en l'espèce des compléments alimentaires contenant du coenzyme Q10 et de la créatine, substances non autorisées ;

"aux motifs que "les produits en cause (...) ne peuvent être que des compléments alimentaires d'ailleurs définis par le décret du 14 avril 1997, qui reprend la formulation du décret du 15 avril 1912, à savoir : "les compléments alimentaires sont des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers" ; ils sont donc bien concernés par l'article 1er du décret du 15 avril 1912 qui interdit de vendre des denrées alimentaires additionnées de produits chimiques autres que ceux dont l'emploi est autorisé par arrêtés ministériels ; ainsi, en l'absence d'autorisation expresse, les produits litigieux ne pouvaient pas entrer dans la composition des compléments alimentaires non diététiques ; la défense du prévenu peut certes soutenir que tout ce qui n'est pas interdit est autorisé, cela ne modifie pas le décret de 1912 instituant le principe d'une liste positive, pour autoriser tel ou tel produit après avis du Conseil Supérieur de l'Hygiène Publique de France et le cas échéant de l'Académie Nationale de Médecine : (sur) l'incompatibilité de la législation française avec le droit communautaire, pour répondre à cet argument du prévenu, il suffit de rappeler qu'il n'existe pas à ce jour de législation communautaire réglementant spécifiquement la composition ou la commercialisation des compléments alimentaires courants et que par conséquent les Etats membres, notamment pour des raisons de santé publique, demeurent compétents pour déterminer le régime applicable à ces produits ; il est admis que les dispositions nationales limitatives relatives aux additifs à but nutritionnel ou supposé tel dans l'alimentation humaine sont justifiées au regard des articles 30 et 36 devenus 28 et 30 du Traité des Communautés européennes, par la protection de la santé publique et la protection des consommateurs ; dans ces conditions, en l'absence de contestations sur la matérialité même des faits, dès lors qu'il est établi que Roger S a commercialisé des compléments alimentaires non expressément autorisés en violation de la liste positive instaurée par le décret du 15 avril 1912 modifié, il sera déclaré coupable pour l'ensemble des faits visés à la prévention ; en raison de l'importance et de la gravité des faits ainsi que de l'esprit de lucre qui en est à l'origine, une amende de 15 500 euros sanctionnera utilement le comportement de Roger S" (arrêt infirmatif attaqué, pp. 7 à 9) ;

"1°) alors que, au regard des garanties du procès équitable et sur le fondement des principes de primauté et d'immédiateté de la norme communautaire, la chambre criminelle déclarera applicables à l'instance pénale en cours les dispositions de la directive 200-46-CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant les compléments alimentaires et entrée en vigueur le 12 juillet 2002, plus favorables au prévenu que les dispositions nationales fondant la prévention ; qu'en conséquence, la chambre criminelle annulera l'arrêt attaqué et renverra au juge du fond l'examen, pour chaque produit visé par la prévention, de sa conformité à ladite norme communautaire ayant défini les vitamines et minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication de compléments alimentaires, ainsi que les substances vitaminiques et minérales pouvant être utilisées par la fabrication de compléments alimentaires ;

"2°) alors que, en déclarant que le décret modifié du 15 avril 1912 serait justifié au regard des articles 28 et 30 du Traité par la protection de la santé publique et des consommateurs, quand le principe d'une liste positive fondée sur une interdiction générale et absolue est manifestement disproportionné au regard de l'objectif précité de protection et sans constater que l'autorité nationale aurait justifié concrètement, produit par produit, d'une évaluation des risques réalisée de manière indépendante, objective et transparente, fondée sur les informations et données scientifiques disponibles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3°) alors que, subsidiairement, en omettant de répondre au chef péremptoire de défense du prévenu, invoquant l'inopposabilité du décret modifié du 15 avril 1912, au regard de l'article 8 de la directive 83-189 CEE remplacée par la directive 98-34-CEE, faute de notification pour avis à la Commission européenne des règles techniques et dispositions administratives corrélatives, constituant un vice de procédure substantiel de nature à entraîner l'inapplicabilité de celles-ci aux faits poursuivis, sans que pût y suppléer la présentation postérieure à la réalisation de ceux-ci d'un projet de décret instituant une liste positive pour les compléments alimentaires, ayant d'ailleurs fait l'objet d'un avis négatif de l'autorité communautaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4°) alors que, au surplus, en déclarant le prévenu coupable d'infraction aux articles L. 213-1 et L. 213-3 du Code de la consommation, au prix d'une interprétation extensive du décret du 15 avril 1912 conduisant à une interdiction pénalement sanctionnée de tous les compléments alimentaires non autorisés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"5°) alors que, en outre, en déclarant le prévenu coupable d'infraction aux articles L. 213-1 et L. 213-3 du Code de la consommation, sans constater en fait que les compléments alimentaires visés par la prévention contiendraient des denrées destinées à l'alimentation humaine additionnées de produits chimiques non autorisés au sens des dispositions de l'article 1er du décret du 15 avril 1912, ni davantage qu'ils contiendraient l'un des tissus ou liquides corporels d'origine bovine, ovine et caprine au sens des dispositions de l'article 15-2 dudit décret, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"6°) alors que, en toute hypothèse, en omettant de constater les faits de nature à caractériser l'intention coupable, par la conscience qu'aurait eue le prévenu d'enfreindre délibérément une norme portant interdiction à peine de sanction pénale, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de constatations des agents de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes concernant des compléments alimentaires commercialisés par la société X et dénommés "A", "B", "C" ou "G", "E", "F", "D", "H" et "I", Roger S, président de ladite société, est poursuivi, notamment, pour avoir mis en vente des denrées servant à l'alimentation humaine qu'il savait falsifiées ou toxiques ;

En cet état ; - Sur le moyen pris en sa première branche : - Attendu que la Directive 2002-46- CE du 10 juin 2002 ayant fixé au 31 juillet 2003 la date à laquelle les Etats membres devront s'être conformés à ses prescriptions, le grief allégué est inopérant ;

Sur le moyen pris en sa troisième branche : - Attendu que, les dispositions générales de l'article 1er du décret du 15 avril 1912, ainsi que celles de l'article 15-2, dernier alinéa, de ce texte, qui définissent les compléments alimentaires, n'étant pas des règles techniques, au sens des directives 83-189-CEE et 98-34-CEE, le moyen, qui, sous couleur d'un défaut de réponse aux conclusions du demandeur, allègue que lesdites dispositions ne seraient pas applicables, faute d'avoir été notifiées à la Commission des Communautés européennes, n'est pas fondé ;

Sur le moyen pris en ses autres branches : - Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de mise en vente de denrées servant à l'alimentation humaine falsifiées ou toxiques, les juges d'appel retiennent, notamment, qu'il a mis en vente des compléments alimentaires auxquels étaient incorporées des substances dont les doses excédaient l'apport journalier recommandé ou la limite de sécurité fixée par le Conseil supérieur de l'hygiène publique ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, pour partie nouveau et mélangé de fait, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.