CJCE, 5e ch., 5 octobre 2000, n° C-288/96
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
République fédérale d'Allemagne
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Edward
Avocat général :
M. Cosmas
Juges :
MM. Moitinho de Almeida, Sevón, Puissochet, Wathelet
Avocats :
Mes Schütte, Bierwagen.
LA COUR (cinquième chambre):
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 août 1996, la République fédérale d'Allemagne a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, premier alinéa, CE), demandé l'annulation de la décision 96-563-CE de la Commission, du 29 mai 1996, concernant une aide du Land de Basse-Saxe en faveur de l'entreprise JAKO Jadekost GmbH & Co. KG (JO L 246, p. 43, ci-après la "décision attaquée").
Les faits de l'affaire
2. L'entreprise JAKO Jadekost GmbH & Co. KG (ci-après "Jadekost"), établie à Wilhelmshaven (Allemagne), a été fondée en août 1991. Elle faisait partie du groupe Nordfrost, détenu majoritairement par le directeur de Jadekost, et était spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits surgelés. L'établissement disposait de deux ateliers de fabrication, l'un pour les produits à base de poisson, l'autre pour les produits à base de viande. Jadekost a commencé son activité de fabrication de produits à base de poisson à partir de juin 1993.
3. En raison des difficultés de trésorerie qu'elle rencontrait, Jadekost s'est efforcée d'obtenir une garantie du Land de Basse-Saxe sur le crédit de fonctionnement qui lui avait été accordé par sa banque.
4. Le 1er mars 1994, le cabinet du Gouvernement du Land de Basse-Saxe a arrêté la décision suivante:
"Le ministère régional accepte de cautionner à hauteur de 80 % un crédit d'exploitation d'un montant de 35 millions de marks allemands, et se déclare disposé à couvrir également les besoins de liquidités supplémentaires, estimés à 15 millions de marks allemands, jusqu'en décembre 1996."
5. À la suite de l'approbation nécessaire de la commission parlementaire des crédits régionaux et de la commission du budget du Landtag de Basse-Saxe, le ministère régional des Finances a, par lettre du 2 mai 1994, signifié à Jadekost son acceptation de sa demande de garantie.
6. Par lettre du 30 juin 1994, la Commission a exprimé des réserves quant à la compatibilité de cette garantie avec le point 1.3 de sa communication 92-C 152-02, intitulée "Lignes directrices pour l'examen des aides d'État dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture" (JO 1992, C 152, p. 2, ci-après les "lignes directrices"), et a invité la République fédérale d'Allemagne à faire connaître sa position.
7. Cette demande a été suivie d'un échange de lettres à la suite duquel la Commission a, le 20 février 1995, informé la République fédérale d'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure administrative prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE). À l'issue de cette procédure, la Commission a adopté la décision attaquée.
8. Le 31 mars 1995, Jadekost a été déclarée en faillite.
Les lignes directrices
9. L'introduction des lignes directrices prévoit que le recours aux aides nationales ne se justifie que dans le respect des objectifs de la politique commune de la pêche. Le sixième alinéa de cette introduction dispose par ailleurs:
"C'est dans ce cadre que la Commission entend gérer les dérogations au principe d'incompatibilité des aides d'État avec le marché commun (article 92 paragraphe 1 du traité CEE), prévues à l'aide de l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité CEE et dans ses mesures d'application."
10. Le point 1.1 des lignes directrices, qui énonce des principes généraux, dispose:
"Les présentes lignes directrices concernent toutes les mesures comportant un avantage financier pour une ou plusieurs entreprises, quelle qu'en soit la forme, si elles sont financées directement ou indirectement par des ressources budgétaires d'une autorité publique, nationale, régionale, provinciale, départementale ou locale. Peuvent notamment être des aides les transferts en capital, les prêts à taux réduit, les bonifications d'intérêt, certaines participations publiques dans les capitaux des entreprises, les aides financées par des ressources provenant de charges affectées, ainsi que les aides octroyées sous forme de garantie d'État sur des prêts bancaires et sous forme de réduction ou d'exemption de taxes ou d'impôts, y compris les amortissements accélérés et la réduction des charges sociales.
Toutes ces mesures sont couvertes par la notion `aides nationales' telle que définie par l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE."
11. Le point 1.3 des lignes directrices, qui énonce également des principes généraux, prévoit:
"L'octroi d'aides nationales ne peut être envisagé que dans le respect des objectifs de la politique commune.
Les aides ne doivent pas revêtir un caractère conservatoire; elles doivent au contraire favoriser la rationalisation et l'efficacité de la production et de la commercialisation des produits de la pêche, en vue d'encourager et d'accélérer les processus d'adaptation du secteur à la nouvelle situation à laquelle il est confronté.
Plus concrètement, les aides doivent stimuler la réalisation d'actions de développement et d'adaptation que les conditions normales des marchés ne suffisent pas à déclencher, à cause des rigidités du secteur et des capacités financières limitées des opérateurs. Elles doivent conduire à des améliorations durables, de telle façon que le secteur de la pêche puisse continuer à évoluer grâce aux seuls revenus du marché. Elles sont donc nécessairement limitées dans le temps, à la durée nécessaire pour réaliser les améliorations et adaptations voulues.
En conséquence, les principes suivants sont valables.
- Les aides nationales ne peuvent pas entraver l'application des règles de la politique commune de la pêche. Par conséquent, il est rappelé notamment qu'en tout état de cause les aides à l'exportation et aux échanges à l'intérieur de la Communauté des produits de la pêche sont incompatibles avec le marché commun.
- Les éléments de la politique commune de la pêche qui ne peuvent être considérés comme étant réglés de manière exhaustive, notamment en matière de politique structurelle, peuvent encore justifier des aides nationales à condition qu'elles respectent les objectifs des règles communes, de manière à ne pas risquer de mettre en cause ou altérer le plein effet de celles-ci; c'est la raison pour laquelle elles doivent, le cas échéant, s'inscrire dans des programmes d'orientation prévus par la réglementation communautaire.
- Les aides nationales octroyées sans exiger une obligation de la part des bénéficiaires permettant une amélioration de la situation des entreprises et destinées à améliorer la trésorerie de leurs exploitations (sous réserve des dispositions au point 2.6.2, ci-dessous), ou dont les montants sont fonction de la quantité produite ou commercialisée, des prix des produits, de l'unité de production ou de moyens de production et dont le résultat serait une diminution des coûts de production ou une amélioration des revenus du bénéficiaire sont, en tant qu'aides au fonctionnement, incompatibles avec le marché commun. La Commission examinera cas par cas les aides de ce type quand elles sont directement liées à un plan de restructuration jugé compatible avec le marché commun."
La décision attaquée
12. Au point IV des motifs de la décision attaquée, la Commission a constaté que la garantie litigieuse devait être analysée à la lumière de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) et des lignes directrices.
13. La Commission a constaté que cette garantie constituait une aide au sens de l'article 92 du traité. À cet égard, elle a observé, d'une part, que ni le Gouvernement allemand ni les autres parties intéressées à la procédure n'avaient contesté son appréciation et, d'autre part, que, d'après le point 1.1 des lignes directrices, les garanties d'État sur des prêts bancaires étaient considérées comme des aides.
14. Elle a rappelé que l'élément d'aide d'une telle garantie est, en principe, égal à la différence entre le taux que l'emprunteur aurait dû acquitter sur le marché et celui qu'il a effectivement obtenu en raison de la garantie nette de toute prime acquittée. À cet égard, selon la Commission, compte tenu du fait qu'aucune institution financière n'aurait accepté de prêter de l'argent à Jadekost sans une garantie de l'État et du risque très élevé assumé par le garant, la garantie litigieuse constituait la condition préalable à l'octroi du prêt dont le montant total pouvait être considéré comme une aide.
15. La Commission a également relevé que l'aide servait à l'amélioration des revenus de Jadekost puisque, d'une part, elle libérait l'entreprise de coûts qu'elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de son activité commerciale habituelle et que, d'autre part, elle avait été octroyée sans que l'entreprise se voie imposer quelque obligation que ce soit quant à son utilisation. Grâce à cette aide, Jadekost aurait été en mesure d'offrir ses produits à la clientèle à un niveau de prix maintenu artificiellement bas.
16. La Commission en a conclu que ce type d'aide au fonctionnement était, en tant que tel, incompatible avec le marché commun aux termes du point 1.3 des lignes directrices et rendait donc superflu l'examen de la compatibilité de l'aide avec les autres exigences prévues à l'article 92, paragraphe 1, du traité.
17. Indépendamment de cela, la Commission a estimé que l'aide menaçait de fausser les conditions de concurrence sur le marché des produits surgelés à base de poisson au détriment d'autres entreprises en Allemagne et dans les autres États membres qui ne bénéficient pas de ce type d'aide, puisque cette aide bénéficiait à une entreprise déterminée et entraînait un allégement de ses coûts, lui permettant de renforcer artificiellement sa position sur le marché.
18. Au point V des motifs de la décision attaquée, la Commission a examiné les dérogations prévues à l'article 92, paragraphes 2 et 3, du traité et en a conclu qu'elles ne s'appliquaient pas dans le cas présent, étant donné la nature et les objectifs de l'aide.
19. Enfin, au point VI des motifs de la décision attaquée, la Commission a relevé, en outre, que le Gouvernement allemand avait omis de lui notifier à l'avance cette aide, contrairement aux dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité, et n'avait pas tenu compte de l'effet suspensif prévu par cet article.
20. En conséquence, la Commission a, à l'article 1er de la décision attaquée, constaté que la garantie donnée par le Land de Basse-Saxe était incompatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 1, du traité et était illégale parce qu'elle avait été accordée en violation des règles de procédure fixées à l'article 93, paragraphe 3, du traité.
21. La Commission exige donc le remboursement de 42,3 % du montant de l'aide, ce pourcentage constituant la proportion du chiffre d'affaires de Jadekost imputable aux produits à base de poisson. En effet, les lignes directrices ne s'appliquant qu'aux produits de la pêche, le remboursement de l'aide allouée au secteur en question était seul exigible.
22. Lors du calcul du montant à rembourser, la Commission a tenu compte du fait que la garantie litigieuse ne couvrait que 80 % du prêt obtenu par Jadekost et que le montant effectivement versé à Jadekost au titre de ce prêt était de 32 000 000 DEM, ce qui aboutissait à une somme de 25 600 000 DEM cautionnée par le Land de Basse-Saxe. En appliquant un équivalent-subvention net de 98,7 %, le montant obtenu était de 25 267 200 DEM, dont 10 688 025 DEM, soit 42,3 %, concernaient les produits à base de poisson.
Les moyens avancés par la République fédérale d'Allemagne
23. Le Gouvernement allemand avance quatre moyens à l'appui de sa demande en annulation. Par son premier moyen, il prétend que la décision attaquée est illégale du seul fait de la violation du principe du respect des droits de la défense. Par son deuxième moyen, il fait valoir que la Commission n'a établi les faits que de manière partiellement exacte et qu'elle a omis de faire un certain nombre de constatations importantes. Par son troisième moyen, il soutient que la Commission a appliqué de manière erronée l'article 92, paragraphe 1, du traité. Enfin, par son dernier moyen, il allègue que la Commission aurait dû déclarer la garantie litigieuse compatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.
24. Il convient, en l'espèce, d'examiner d'abord les deuxième, troisième et quatrième moyens du Gouvernement allemand, qui sont relatifs au fond de l'affaire, puis le premier moyen, qui concerne la procédure.
Sur le moyen tiré de l'établissement inexact des faits
25. Par son deuxième moyen, qui se divise en trois branches, le Gouvernement allemand fait valoir que la Commission n'a établi les faits que de manière partiellement exacte dans le contexte, respectivement, de l'appréciation du montant de l'aide (première branche), de l'application des lignes directrices (deuxième branche) et de l'appréciation de la distorsion de la concurrence (troisième branche).
26. À titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsque la Commission jouit d'une liberté d'appréciation importante, comme c'est le cas pour l'application de l'article 92 du traité, la Cour, en contrôlant la légalité de l'exercice d'une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l'autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, notamment, arrêts du 14 mars 1973, Westzucker, 57-72, Rec. p. 321, point 14, et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169-95, Rec. p. I-135, point 34).
27. C'est à la lumière de ce principe que doivent être examinées les trois branches du deuxième moyen du Gouvernement allemand concernant l'établissement inexact des faits.
Sur les constatations de fait relatives au montant de l'aide
28. Ainsi qu'il l'a admis dans son recours, le Gouvernement allemand ne conteste pas le fait que la garantie octroyée par le Land de Basse-Saxe contenait des éléments d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, mais il soutient que la Commission a commis des erreurs d'appréciation lors de la détermination des éléments d'aide et, par conséquent, de celle du montant de l'aide. À cet égard, il avance six arguments.
29. Par son premier argument, le Gouvernement allemand soutient que la Commission a négligé d'apprécier à suffisance l'existence d'autres possibilités de financement pour Jadekost.
30. En vue de déterminer dans quelle mesure la garantie litigieuse présente le caractère d'aide étatique, il est pertinent d'appliquer le critère, indiqué dans la décision attaquée, fondé sur les possibilités pour Jadekost d'obtenir le prêt sur le marché des capitaux en l'absence de cette garantie (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1990, France/Commission, dit "Boussac", C-301-87, Rec. p. I-307, point 39, et du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit "Tubemeuse", C-142-87, Rec. p. I-959, point 26).
31. Ainsi, lorsque, compte tenu de la situation financière précaire d'une entreprise, aucune institution financière n'accepterait de lui prêter de l'argent sans une garantie de l'État, le montant total du prêt garanti qu'elle obtient doit être considéré comme une aide.
32. En appliquant ce critère, la Commission a conclu, au point IV, sixième alinéa, des motifs de la décision attaquée, que Jadekost n'aurait pas pu obtenir le prêt en cause sans la garantie accordée par le Land de Basse-Saxe.
33. Cette constatation de la Commission est corroborée par les éléments du dossier démontrant que, à l'époque où le prêt lui a été accordé, Jadekost était confrontée à une situation de trésorerie précaire et que, après son arrivée sur le marché des produits surgelés à base de poisson, ce marché a connu un très net effondrement de ses prix. Le rapport d'expertise du 29 mars 1994 établi par la société d'experts-comptables C & L Treuarbeit - Deutsche Revision (ci-après "C & L") concluait d'ailleurs que le risque encouru par le garant était très élevé.
34. En outre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d'une décision en matière d'aides doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l'a arrêtée (voir arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234-84, Rec. p. 2263, point 16, et du 26 septembre 1996, France/Commission, C-241-94, Rec. p. I-4551, point 33).
35. À cet égard, il y a lieu de relever que le Gouvernement allemand n'a fourni, ni lors de la procédure administrative ni même devant la Cour, d'exemples concrets d'autres possibilités de financement qui auraient été ouvertes à Jadekost. De plus, lors de la procédure administrative, le Gouvernement allemand n'a pas fait valoir que la Commission devrait chercher activement à savoir dans quelle mesure il existait d'autres possibilités de financement. Par conséquent, son premier argument concernant d'autres possibilités de financement apparaît de nature hypothétique.
36. Par son deuxième argument, le Gouvernement allemand soutient que la Commission n'a pas pris en considération l'existence des sûretés en faveur des banques créancières de Jadekost pour la détermination du montant de l'aide.
37. Il ressort toutefois du point II, quatrième alinéa, des motifs de la décision attaquée que la Commission les a bien prises en considération. En outre, elle a conclu, au point IV, sixième alinéa, desdits motifs, que ces sûretés n'avaient pas pu avoir d'incidence sur le montant de l'aide, car sans la garantie litigieuse, aucun crédit n'aurait été accordé à Jadekost. Cette conclusion est corroborée par les documents produits par le Gouvernement allemand, par la position du Land de Basse-Saxe et par le rapport d'expertise de C & L, dont il ressort que les sûretés étaient d'une valeur limitée.
38. La conclusion de la Commission est également corroborée par les dispositions des directives générales du Land de Basse-Saxe en matière de cautionnement relatives aux conditions requises pour que le Land de Basse-Saxe se porte garant.
39. Plus particulièrement, le point 3 desdites directives générales précise qu'"une garantie n'est en principe accordée que si les mesures ne peuvent pas être exécutées autrement, notamment parce que des sûretés suffisantes ne sont pas disponibles et qu'il n'est pas possible d'obtenir de garantie de la part de la Niedersächsische Bürgschaftsbank (NBB) GmbH".
40. Par son troisième argument, le Gouvernement allemand soutient que la Commission n'a pas tenu compte du caractère usuel sur le marché des capitaux du taux d'intérêt du prêt garanti.
41. À cet égard, il découle également du point IV, sixième alinéa, des motifs de la décision attaquée qu'il était indifférent que le taux d'intérêt appliqué à Jadekost au titre du prêt garanti fût inférieur ou supérieur au taux moyen pratiqué par les banques sur le marché des capitaux pour des prêts similaires, dès lors que, en tout état de cause, sans la garantie litigieuse, le prêt n'aurait pas été accordé.
42. Eu égard aux considérations qui précèdent, il n'existe aucun élément de nature à laisser penser que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant, au point IV, cinquième alinéa, des motifs de la décision attaquée, que, "grâce au soutien du Gouvernement de Basse-Saxe, Jadekost a pu obtenir un financement qui lui aurait été refusé dans d'autres circonstances, compte tenu de ses difficultés financières" et en concluant que le montant de l'aide était égal au montant total du prêt.
43. Il y a donc lieu de rejeter les trois premiers arguments.
44. Par son quatrième argument, le Gouvernement allemand soutient que la Commission a analysé l'évolution du marché en cause d'une manière trop négative. Selon lui, les prévisions de l'époque indiquaient que Jadekost avait de bonnes perspectives d'avenir. En outre, ni le groupe Nordfrost ni ses concurrents ne prévoyaient une saturation du marché.
45. L'appréciation de la Commission est soutenue, d'une part, par celle du rapport d'expertise de C & L qui a abouti à la conclusion que le risque pour le garant était très élevé compte tenu, notamment, de la diminution de la capacité financière du groupe Nordfrost, de son évolution difficile et de l'évolution du marché. D'autre part, elle est corroborée par le fait que Jadekost a été, par la suite, mise en faillite le 31 mars 1995.
46. Dès lors, le quatrième argument du Gouvernement allemand ne révèle pas non plus d'erreur manifeste d'appréciation de la part de la Commission et ne saurait donc être accueilli.
47. Par ses cinquième et sixième arguments, le Gouvernement allemand conteste la caractérisation, par la Commission, de la garantie litigieuse comme une aide au fonctionnement. Il soutient, d'une part, que la Commission a eu tort de conclure que l'aide entraînait une baisse substantielle des coûts de production et, d'autre part, que la Commission aurait dû effectuer une appréciation globale, laquelle eût démontré que la garantie litigieuse avait facilité un investissement plus élevé. Plus particulièrement, le Gouvernement allemand fait valoir que la garantie accordée par le Land de Basse-Saxe aurait pu être utilisée pour financer des investissements, de sorte que les fonds propres de Jadekost auraient pu être utilisés pour couvrir ses besoins de liquidité. Selon lui, il s'ensuit que la garantie ne peut être caractérisée d'aide au fonctionnement.
48. Il convient, premièrement, de relever que le point 1.3 des lignes directrices, applicable en l'espèce, prévoit que les aides, octroyées sans que soit exigée d'obligation en contrepartie de la part des bénéficiaires, qui permettent une amélioration de la situation des entreprises et sont destinées à améliorer la trésorerie de leurs exploitations constituent des aides au fonctionnement.
49. Deuxièmement, il y a lieu de constater que cette définition est conforme au point 18 de l'arrêt du 15 mai 1997, Siemens/Commission (C-278-95 P, Rec. p. I-2507), dans lequel la Cour a constaté que les aides qui correspondent au type même des frais généraux d'exploitation qu'une entreprise doit supporter dans le cadre de ses activités normales sont des aides au fonctionnement.
50. Il n'est pas contesté que le prêt pour lequel la garantie litigieuse a été accordée était destiné au financement des frais généraux d'exploitation de Jadekost.À cet égard, il convient de relever que le Gouvernement allemand a lui-même qualifié le prêt garanti de crédit d'exploitation dans sa lettre à la Commission datée du 19 juillet 1994. Cette qualification ressort également de l'ensemble des documents bancaires qui accompagnaient la demande introduite par Jadekost auprès du Land de Basse-Saxe.
51. Eu égard à ces considérations, c'est à juste titre que la Commission a conclu que l'aide octroyée par le Land de Basse-Saxe constituait une aide au fonctionnement au sens du point 1.3 des lignes directrices.
Sur les constatations de fait relatives à l'application des lignes directrices
52. Par la deuxième branche du deuxième moyen, le Gouvernement allemand fait valoir que la Commission n'a pas tenu compte du fait que la garantie litigieuse avait été donnée sous la condition du respect du plan de financement établi par Jadekost le 23 mars 1994, lequel était contrôlé par le Land de Basse-Saxe.
53. À cet égard, il suffit de constater que la décision attaquée indique clairement que la Commission a dûment considéré les conditions imposées par le Land de Basse-Saxe et qu'elle a conclu, au point IV, huitième alinéa, des motifs de la décision attaquée, que celles-ci n'étaient pas de la nature de celles envisagées par le point 1.3 des lignes directrices.
54. Il s'ensuit que la deuxième branche du deuxième moyen n'est pas fondée.
Sur les constatations de fait relatives à la distorsion de la concurrence
55. Par la troisième branche du deuxième moyen, le Gouvernement allemand fait valoir que les constatations permettant d'établir soit l'existence d'une aide faussant le jeu de la concurrence, soit le prétendu allégement des coûts résultant pour Jadekost de la garantie litigieuse sont insuffisantes.
56. Il y a lieu de comprendre ce grief comme dénonçant, en substance, un défaut de motivation de la décision attaquée, au sens de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE). Il convient donc d'examiner ce grief avec la troisième branche du troisième moyen fondée sur un manquement à l'obligation de motivation.
Sur le moyen tiré de l'application erronée de l'article 92, paragraphe 1, du traité
57. Par son troisième moyen, qui se divise en trois branches, le Gouvernement allemand soutient que la Commission a appliqué l'article 92, paragraphe 1, du traité de manière erronée, premièrement, en ayant eu recours de façon inappropriée aux lignes directrices pour déterminer les éléments constitutifs de l'aide énoncés audit article, deuxièmement, en retenant une qualification inexacte des faits au regard de cet article et, troisièmement, en méconnaissant l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité.
58. Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, lors de la procédure administrative et également dans son recours, le Gouvernement allemand n'a pas contesté le fait que la garantie octroyée par le Land de Basse-Saxe contenait des éléments d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
Sur le recours aux lignes directrices
59. Par la première branche de son troisième moyen, le Gouvernement allemand fait valoir que la décision attaquée est erronée en droit parce qu'elle se fonde sur les lignes directrices pour déterminer si les éléments constitutifs de la violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité sont réunis, au lieu de procéder à un examen individuel.
60. Il y a lieu, à titre liminaire, de constater que la conclusion de la Commission selon laquelle l'aide menaçait de fausser les conditions de concurrence au sens de l'article 92 du traité est, dans une large mesure, fondée sur les lignes directrices. Ainsi, la Commission, après avoir conclu que la garantie litigieuse constituait une aide au fonctionnement, a déclaré, au point IV, dixième alinéa, des motifs de la décision attaquée, que ce type d'aide "est par lui-même incompatible avec le marché commun aux termes du point 1.3 des lignes directrices et rend donc superflu l'examen de la compatibilité de l'aide avec les autres exigences prévues à l'article 92 paragraphe 1 du traité". Par ailleurs, ainsi qu'il résulte du point IV, treizième alinéa, des motifs de la décision attaquée, la Commission n'a qualifié d'aide que la partie de la garantie litigieuse qui a été allouée au secteur des produits de la pêche, étant donné que les lignes directrices ne couvrent que ce secteur.
61. Aux points 48 à 51 du présent arrêt, la Cour a constaté que la Commission n'avait pas commis d'erreur en qualifiant la garantie litigieuse d'aide au fonctionnement. Il y a toutefois lieu de déterminer s'il est justifié que la Commission se soit fondée sur les lignes directrices pour conclure à l'incompatibilité de l'aide litigieuse avec le marché commun.
62. À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission peut s'imposer des orientations pour l'exercice de ses pouvoirs d'appréciation par des actes tels que les lignes directrices, dans la mesure où ces actes contiennent des règles indicatives sur l'orientation à suivre par cette institution et qu'ils ne s'écartent pas des normes du traité (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313-90, Rec. p. I-1125, points 34 et 36).
63. Or, le Gouvernement allemand n'a ni contesté ni émis des doutes sur la compatibilité des lignes directrices avec l'article 92 du traité.
64. En effet, les lignes directrices, qui ne sont pas les premières applicables au domaine considéré, sont fondées sur l'article 93, paragraphe 1, du traité, aux termes duquel la Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États et leur propose les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun. Dès lors, les lignes directrices représentent un élément de cette obligation de coopération régulière et périodique dont ni la Commission ni les États membres ne peuvent s'affranchir (voir arrêt du 15 octobre 1996, IJssel-Vliet, C-311-94, Rec. p. I-5023, points 36 et 37).
65. La Commission a souligné que le Gouvernement allemand avait participé à la procédure d'adoption des lignes directrices et qu'il les avait approuvées, ce que ce dernier n'a pas contesté. En outre, ces lignes directrices constituent une des conditions d'approbation par la Commission des directives générales du Land de Basse-Saxe dans le secteur du cautionnement. Le Gouvernement allemand a donc accepté l'applicabilité des règles énoncées par les lignes directrices. Dès lors, conformément aux points 36 de l'arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, et 43 de l'arrêt IJssel-Vliet, précité, ces dernières lient la Commission mais aussi le Gouvernement allemand.
66. En tout état de cause, il ressort de la décision attaquée que, indépendamment de son raisonnement fondé sur le point 1.3 des lignes directrices, la Commission a déterminé, en appliquant tous les éléments constitutifs énoncés à l'article 92, paragraphe 1, du traité, que la garantie octroyée par le Land de Basse-Saxe constituait une aide au sens dudit article.
67. Pour qu'une mesure tombe sous le coup de l'interdiction visée à l'article 92, paragraphe 1, du traité, il doit s'agir d'une aide d'origine étatique qui fausse ou qui menace de fausser la concurrence et qui est susceptible d'affecter les échanges entre États membres.
68. La Commission, s'appuyant sur plusieurs considérations, a constaté que ces conditions étaient remplies en l'espèce.
69. En effet, la Commission a souligné, en premier lieu, que, selon le point 1.1 des lignes directrices, les garanties d'État sur des prêts bancaires sont considérées comme des aides, principe qui n'a pas été contesté par le Gouvernement allemand. La Commission a constaté, en deuxième lieu, que, grâce au soutien du Land de Basse-Saxe, Jadekost avait pu obtenir un financement qui lui aurait été refusé dans d'autres circonstances. Elle a déterminé, en troisième lieu, que l'aide servait à l'amélioration des revenus de Jadekost en libérant cette entreprise de coûts qu'elle aurait normalement dû supporter. Enfin, la Commission a considéré, en dernier lieu, que l'aide menaçait de fausser la concurrence et était de nature à affecter les échanges entre États membres puisqu'elle bénéficiait à une entreprise déterminée au détriment de ses concurrents en Allemagne et dans les autres États membres.
70. Il s'ensuit que la première branche du troisième moyen du Gouvernement allemand doit être rejetée.
Sur la qualification juridique des faits
71. Par la deuxième branche de son troisième moyen, le Gouvernement allemand soutient que la décision attaquée est erronée en ce qui concerne la détermination du montant de l'aide et l'appréciation d'une distorsion de la concurrence.
72. S'agissant du montant de l'aide, le Gouvernement allemand soutient en substance que la Commission n'a pas vérifié si Jadekost pouvait obtenir un autre crédit sans garantie, qu'elle n'a pas tenu compte de l'existence de sûretés et qu'elle a négligé d'examiner leur valeur et leur impact sur l'appréciation du montant de l'aide.
73. Ces arguments ne diffèrent pas sensiblement de ceux avancés à l'appui de la première branche du deuxième moyen. En effet, il ressort de la décision attaquée et des éléments du dossier que la Commission a conclu avec raison que, sans la garantie litigieuse, Jadekost n'aurait pu obtenir, aux conditions du marché, le prêt dont elle a bénéficié. Ainsi qu'il a été relevé aux points 29 à 43 du présent arrêt, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation à cet égard. Il s'ensuit que ces arguments ne sauraient être accueillis.
74. S'agissant de l'appréciation d'une distorsion de la concurrence, le Gouvernement allemand soutient principalement, d'une part, que la Commission a omis de définir le marché en cause et, d'autre part, que la présomption selon laquelle l'octroi d'une aide au fonctionnement fausse, par sa nature, le jeu de la concurrence n'est pas valable.
75. En ce qui concerne la définition du marché, il y a lieu d'observer que, aux points III, troisième alinéa, et IV, onzième alinéa, des motifs de la décision attaquée, la Commission a défini le marché comme étant le marché des produits surgelés à base de poisson.
76. À cet égard, il y a lieu d'observer que le Gouvernement allemand n'a proposé aucune autre définition possible du marché concerné, que ce soit au cours de la procédure administrative ou devant la Cour. Il n'a pas non plus fourni d'élément indiquant que le marché tel que défini par la Commission était incorrect.
77. En ce qui concerne la présomption selon laquelle les aides au fonctionnement faussent, par leur nature même, la concurrence, il y a lieu, premièrement, de constater que cette présomption ressort des arrêts de la Cour. Plus particulièrement, dans l'arrêt du 6 novembre 1990, Italie/Commission (C-86-89, Rec. p. I-3891, point 18), la Cour a conclu que l'aide en cause devait être considérée comme une aide de fonctionnement pour les entreprises concernées et que, en tant que telle, elle altérait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
78. Deuxièmement, cette présomption ressort également du point 1.3 des lignes directrices selon lequel les aides au fonctionnement sont incompatibles avec le marché commun. Étant donné que les aides au fonctionnement ne peuvent jamais être considérées comme compatibles avec le marché commun, il s'ensuit a fortiori qu'elles faussent la concurrence au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.
79. La deuxième branche du troisième moyen doit donc être également rejetée.
Sur l'obligation de motivation
80. Par la troisième branche du troisième moyen, le Gouvernement allemand soutient que la Commission a manqué à son obligation de motiver la décision attaquée.
81. Ce Gouvernement considère que, dans la décision attaquée, la Commission s'est bornée à émettre des présomptions et des suppositions au lieu d'établir les faits remplissant les conditions visées à l'article 92, paragraphe 1, du traité. Il souligne l'absence, dans la décision attaquée, de constatations concernant, notamment, l'existence et le montant de l'aide ainsi que la distorsion de la concurrence. En ce qui concerne cette dernière, le Gouvernement allemand fait valoir que la Commission aurait dû définir de manière concrète la situation sur le marché, expliquer la manière dont la distorsion de la concurrence résultait d'une aide au fonctionnement et motiver tant le caractère causal de la garantie litigieuse pour la distorsion de la concurrence que l'existence d'entraves aux échanges intracommunautaires.
82. Il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution qui en est l'auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d'exercer son contrôle (voir arrêts du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67-85, 68-85 et 70-85, Rec. p. 219, point 71, et du 14 juillet 1994, Grèce/Conseil, C-353-92, Rec. p. I-3411, point 19).
83. En outre, l'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, telles que le contenu de l'acte et la nature des motifs invoqués (arrêt du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296-82 et 318-82, Rec. p. 809, point 19).
84. Dans le cas d'espèce, le fait que la décision attaquée soit fondée sur les lignes directrices a une signification particulière en ce qui concerne le contenu de l'obligation de motivation.
85. Selon le point 1.3 des lignes directrices, les aides au fonctionnement sont, par principe, incompatibles avec le marché commun. La Commission ayant constaté que la garantie litigieuse constituait une telle aide, il n'était pas nécessaire d'expliquer dans les moindres détails les raisons pour lesquelles cette aide faussait la concurrence. En effet, les lignes directrices établissent qu'une telle conclusion est inhérente à l'existence d'une aide au fonctionnement.
86. Il y a donc lieu de constater que le caractère succinct de la motivation de la décision attaquée ne constitue pas une violation de l'article 190 du traité étant donné que les explications prétendument manquantes relatives, notamment, à la distorsion de la concurrence n'étaient pas nécessaires du fait qu'il s'agissait d'une aide au fonctionnement.
87. La troisième branche du troisième moyen apparaît donc comme étant non fondée. Il en va de même pour la troisième branche du deuxième moyen.
Sur le moyen tiré de l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité
88. Par son dernier moyen, le Gouvernement allemand soutient que la Commission aurait dû déclarer que l'aide en cause était compatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.
89. Au point V, huitième alinéa, des motifs de la décision attaquée, la Commission a constaté que "l'aide en cause est une aide au fonctionnement, destinée à maintenir le statu quo, et qu'elle n'est pas de nature à faciliter le développement au sens de l'article 92 paragraphe 3 point c)".
90. Cette constatation est conforme à l'arrêt Siemens/Commission, précité, dans lequel la Cour a considéré comme correct le raisonnement du Tribunal, qui avait constaté, au point 48 de son arrêt du 8 juin 1995, Siemens/Commission (T-459-93, Rec. p. II-1675), que les aides au fonctionnement ne relèvent en principe pas du champ d'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité.
91. Il y a donc lieu de constater que l'approche de la Commission est pleinement conforme à la jurisprudence de la Cour et que le quatrième moyen du Gouvernement allemand doit être rejeté.
Sur le moyen tiré du non-respect des droits de la défense
92. Par son premier moyen, le Gouvernement allemand fait grief à la Commission de lui avoir refusé, ainsi qu'au Land de Basse-Saxe, l'accès aux observations qui lui avaient été envoyées au cours de la procédure administrative, par lettres du 31 août 1995, du 1er septembre 1995 et du 4 septembre 1995, par quatre entreprises concurrentes de Jadekost, observations qu'elle a mentionnées au point II des motifs de la décision attaquée.
93. Selon ledit point II, les auteurs des lettres en question ont souligné, notamment, que Jadekost avait utilisé l'aide octroyée pour conquérir des parts de marché au détriment de ses concurrents en proposant des prix inférieurs aux coûts de production. Les entreprises concurrentes ont en outre fait des observations sur les activités commerciales de Jadekost, l'évolution du marché et le traitement de l'affaire par le Landtag de Basse-Saxe.
94. Le Gouvernement allemand soutient que la non-divulgation de ces lettres constitue une violation des droits de la défense entraînant l'illégalité de la décision attaquée. De plus, il s'agirait, en l'espèce, d'une violation persistante des droits de la défense puisque les lettres en question faisaient elles-mêmes référence à d'autres documents pertinents dont le Gouvernement allemand n'a pas pu prendre connaissance. Ce Gouvernement ajoute, dans son mémoire en réplique, qu'il y a également violation des droits de la défense en raison de la non-divulgation de considérations de droit. Il fait valoir que la Commission a l'obligation de communiquer aux États membres les considérations de droit sur lesquelles elle entend fonder sa décision négative.
95. Selon le Gouvernement allemand, il ressort de la jurisprudence de la Cour, et notamment du point 31 de l'arrêt Boussac, précité, que la simple possibilité d'une influence négative sur la procédure suffit pour faire apparaître la violation comme importante et pour fonder ainsi l'annulation de la décision attaquée.
96. La Commission reconnaît que, par mégarde, les lettres des entreprises concurrentes n'ont pas été communiquées au Gouvernement allemand. Toutefois, elle soutient que, selon l'arrêt Boussac, précité, une violation des droits de la défense n'entraîne une annulation de la décision attaquée que si la procédure avait abouti à un résultat différent sans cette irrégularité.
97. La Commission considère que, en l'espèce, les observations des concurrents ne contiennent aucun aspect entrant en ligne de compte pour l'appréciation des faits au regard des règles de concurrence qui n'ait pas déjà été porté à la connaissance de la Commission par le Gouvernement allemand lui-même, dans ses lettres et au cours de leurs discussions détaillées des 31 août 1994 et 28 novembre 1995, par les lettres des banques, communiquées au Gouvernement allemand pour commentaire, ou par d'autres sources accessibles au public, et qui n'ait pas été discuté dans les courriers échangés par les parties et au cours des réunions qu'elles ont eues.
98. Quant à la prétendue non-divulgation de considérations de droit, la Commission soutient, d'une part, que ce grief est soulevé tardivement et, d'autre part, qu'il n'est pas fondé puisque la Commission a exprimé son point de vue juridique de manière non équivoque tant dans sa correspondance avec le Gouvernement allemand que lors de ses entretiens avec lui.
99. Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l'absence d'une réglementation spécifique (voir arrêts précités du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, point 27, et Boussac, point 29).
100. Dans les arrêts précités, la Cour a reconnu que ce principe exige que l'État membre en cause soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les observations présentées par des tiers intéressés, conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité. Dans la mesure où l'État membre n'a pas été mis en mesure de commenter ces observations, la Commission ne peut pas les retenir dans sa décision contre cet État.
101. Toutefois, une telle violation des droits de la défense n'entraîne une annulation que si, en l'absence de cette irrégularité, la procédure pouvait aboutir à un résultat différent (voir arrêt Boussac, précité, point 31).
102. À cet égard, il convient de relever que, dans l'arrêt Boussac, précité, la Cour avait constaté que les observations en cause ne contenaient aucun élément d'information supplémentaire par rapport à ceux dont la Commission disposait déjà et que le Gouvernement français connaissait. Dans ces conditions, la circonstance que le Gouvernement français n'avait pas eu la possibilité de commenter lesdites observations n'avait pas été de nature à influer sur le résultat de la procédure administrative.
103. De façon similaire, en l'espèce, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général aux points 64 à 67 des ses conclusions, il ressort de la correspondance entre la Commission et le Gouvernement allemand que le contenu matériel des observations des concurrents de Jadekost était connu du Gouvernement allemand, qui pouvait en tenir compte en prenant position sur les griefs soulevés par la Commission. En outre, il résulte des éléments du dossier et de la communication 95-C 201-06 de la Commission (JO 1995, C 201, p. 6) concernant l'aide octroyée à Jadekost, publiée le 5 août 1995 conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité, que le Gouvernement allemand connaissait le cadre juridique et factuel dans lequel la Commission situait la violation du droit communautaire qu'elle alléguait, comme l'expose le point IV des motifs de la décision attaquée.
104. De plus, il y a lieu de constater que le fait de communiquer les lettres soumises par les concurrents de Jadekost au Gouvernement allemand n'aurait pas pu conduire la Commission à aboutir à une décision différente. En effet, il ressort des considérations exposées dans le présent arrêt que la Commission a conclu, d'une part, que les lignes directrices étaient applicables et, d'autre part, que l'aide en cause constituait une aide au fonctionnement, conclusions toutes deux clairement portées à la connaissance du Gouvernement allemand durant la procédure administrative.
105. À cet égard, le Gouvernement allemand n'a pas été en mesure d'indiquer au cours de la procédure devant la Cour quelque élément que ce soit de fait ou de droit qui, s'il avait été divulgué à celui-ci, aurait conduit la Commission à une décision différente.
106. Il ressort donc des considérations exposées ci-dessus que ce moyen ne saurait être accueilli.
107. Aucun des arguments du Gouvernement allemand n'ayant abouti, il y a donc lieu de rejeter le recours.
Sur les dépens
108. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
109. Le recours est rejeté.
110. La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.