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Décisions

Cass. crim., 4 mai 1999, n° 98-82.667

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Comité national contre le tabagisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Mazars

Avocat général :

M. Géronimi

Avocats :

SCP Rouviere, Boutet, Me Cossa

Paris, 13e ch., du 2 mars 1998

2 mars 1998

LA COUR: Statuant sur les pourvois formés par C Jean-Dominique, la société X, civilement responsable, Patrick A, la société Y, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 2 mars 1998, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac et complicité de ce délit, a condamné le premier à 80 000 F d'amende et le troisième à 50 000 F d'amende et a prononcé sur les intérêts civils; - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - Vu les mémoires produits en demande et en défense, - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société X a organisé un concours mondial pour la réalisation de la maquette du nouvel emballage des paquets de cigarettes Z Blondes et a fait exposer au Centre Pompidou les œuvres réalisées à cette occasion; qu'elle a confié à la société Y la mission de promouvoir l'exposition qui a fait l'objet d'une large publicité dans la presse écrite; que le Comité national contre le tabagisme a fait citer Jean-Dominique C, président-directeur général de la X, ainsi que cette société, en qualité de civilement responsable, pour publicité illicite en faveur du tabac, délit réprimé par l'article L. 355-31 du Code de la santé publique, et Patrick A, dirigeant de la société Y, et cette société, en qualité de civilement responsable, pour complicité de ce délit;

En cet état; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du nouveau Code pénal, L. 355-25, L. 355-26 et L. 355-31 du Code de la santé publique, 2, 3, 4 et 5 de l'arrêté du 31 décembre 1992, 487, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Dominique C coupable du chef de publicité illicite en faveur du tabac et l'a en répression condamné à une amende de 80 000 F, ainsi qu'à des dommages-intérêts au profit du Comité national contre le tabagisme, la X étant déclarée civilement responsable;

"aux motifs que s'il est patent que les organisateurs de l'exposition "20 designers pour une silhouette" ont pris le plus grand soin de ne reproduire ni la marque "Z" ni son emblème, ni le paquet de cigarettes Z sur les affiches et les invitations diffusées par la X, il n'en demeure pas moins que l'exposition, en elle-même, compte tenu de la nature des œuvres concernées qui reproduisent sous différentes formes la célèbre Z créée à l'origine par Max Ponty et portent en plus ou moins forts caractères le mot Z, constitue au-delà de l'aspect artistique une incontestable opération de promotion en faveur d'un produit de tabac; qu'au vu des éléments soumis à son appréciation la cour est convaincue, comme les premiers juges, que tel était bien le but recherché par la X qui, manifestement, a sciemment dépassé le cadre d'une simple opération de mécénat culturel pour se livrer à une opération publicitaire prohibée par l'article L. 355-25 du Code de la santé publique; que d'ailleurs la manière dont la presse, et notamment le Figaro Magazine, a couvert l'événement ne peut laisser aucun doute à cet égard; que la plupart des articles reposaient en effet visiblement sur un dossier remis au journaliste et parlaient plus de tabac que d'art; que Jean-Dominique C, PDG de la X, est l'un des organisateurs de l'exposition illicite; que dans leurs écritures de première instance, Patrick A et la société Y reconnaissaient que Patrick A et la société Y ont été chargés par leur client de promouvoir l'exposition litigieuse auprès des médias et d'un certain public "amateur de création contemporaine"; que par ces motifs et ceux pertinents des premiers juges, qu'elle fait siens, la cour confirmera le jugement entrepris sur les déclarations de culpabilité et les peines d'amende prononcées à l'encontre de chaque prévenu qui constituent une juste application de la loi pénale, étant précisé que les faits poursuivis ont été commis courant février 1996, le protocole d'accord du 3 mars 1996 ne porte pas sur les faits visés à la prévention;

"alors, d'une part, que seule la diffusion d'écrit, d'image ou de photographie participant à la promotion du tabac ou des produits du tabac pour inciter à l'achat est susceptible de constituer une publicité ou une propagande illicite interdite par les articles L. 355-25 et L. 355-26 du Code de la santé publique; que l'arrêt a constaté que les organisateurs de l'opération de mécénat " designers pour une silhouette" avaient veillé à ne pas reproduire sur les affiches et invitations diffusées par la X la marque, l'emblème, ou le paquet de cigarettes Z; que faute d'avoir précisé en quoi l'exposition litigieuse était de nature à inciter à l'achat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdits textes;

"alors, d'autre part, que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait; qu'en s'abstenant de rechercher si Jean-Dominique C était intervenu personnellement dans la réalisation des articles de presse parus à la suite de l'exposition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121-1 du nouveau Code pénal;

"alors, de surcroît, qu'en énonçant, sans autre précision, "que la plupart des articles reposaient (...) visiblement sur un dossier remis au journaliste et parlaient plus de tabac que d'art", la cour d'appel, qui n'a pas spécifié l'origine de cette constatation de fait, a entaché sa décision d'un défaut de motifs";

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1134 et 2044 du Code civil, 485, 593 du Code de procédure pénale, dénaturation, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Dominique C coupable du délit de publicité illicite en faveur du tabac et l'a en répression condamné à une amende de 80 000 F ainsi qu'à des dommages-intérêts au profit du Comité national contre le tabagisme, la X étant déclarée civilement responsable;

"aux motifs que la cour observe tout d'abord que le protocole d'accord intervenu en date du 3 mars 1996 entre le CNCT, Jean-Dominique C et la X portait (non sur l'exposition organisée du 7 février au 19 février 1996 au centre Georges Pompidou) mais sur une autre exposition intitulée "Modes Z" qui s'est tenue au Carroussel du Louvre; que, d'autre part, ainsi que relevé à juste titre par le tribunal, cette transaction du 3 mars 1996 a eu pour but de réglementer des opérations publicitaires promouvant les manifestations de mécénat culturel organisées par la X mais non ces opérations elles-mêmes;

"alors qu'il suffit de se reporter aux termes du protocole d'accord du 3 mars 1996, document qui avait été produit en original devant les juges du fond, pour constater que la transaction portait non seulement sur l'exposition intitulée "Modes Z", mais également sur les opérations de mécénat à venir; que, dès lors, la cour d'appel a dénaturé les dispositions claires et précises de la transaction en violation de l'article 1134 du Code civil";

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6 et 121-7 du nouveau Code pénal, L. 355-25, L. 355-26 et 355-31 du Code de la santé publique, 2, 3, 4 et 5 de l'arrêté du 31 décembre 1992, et 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick A coupable de complicité de publicité illicite en faveur du tabac et l'a condamné in solidum avec Jean-Dominique C à payer à la partie civile la somme de 80 000 F à titre de dommages et intérêts, la société Y étant déclarée civilement responsable;

"aux motifs que, dans leurs écritures de première instance, Patrick A et la société Y reconnaissaient que Patrick A et la société Y ont été chargés par leur client de promouvoir l'exposition litigieuse auprès des médias et d'un certain public amateur de création contemporaine;

"alors, d'une part, que la complicité légale n'existe que si le fait principal est punissable; qu'en l'espèce, faute d'avoir caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction principale, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

"alors, d'autre part, que la cassation à intervenir sur les deux premiers moyens de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt sur la complicité retenue à l'encontre de Patrick A";

Les moyens étant réunis; - Attendu que, pour caractériser l'existence d'une publicité illicite en faveur du tabac, au regard des articles L. 355-25 et L. 355-26 du Code de la santé publique, la juridiction du second degré relève que l'exposition en elle-même, compte tenu de la nature des œuvres concernées qui reproduisent sous différentes formes la Z créée par Max Ponty et portent en plus ou moins gros caractères le mot Z, constitue, au-delà de l'aspect artistique, une incontestable promotion en faveur d'un produit de tabac;qu'elle écarte comme inopérante une transaction conclue avec le Comité national contre le tabagisme dans une autre instance judiciaire; qu'elle ajoute que la manière dont la presse a rendu compte de l'événement ne laisse aucun doute sur le but recherché par la X qui a sciemment dépassé le cadre d'une opération de mécénat pour se livrer à une opération publicitaire pour la Z;Que, pour imputer le délit au dirigeant de la X, Jean-Dominique C , les juges d'appel retiennent qu'il est l'un des organisateurs de l'exposition;que pour caractériser la complicité du délit, ils ajoutent que Patrick A a reconnu que la X l'avait chargé de promouvoir l'événement auprès des médias et du public des amateurs de création contemporaine;Qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de publicité illicite en faveur du tabac dont elle a déclaré Jean-Dominique C coupable et la complicité de ce délit qu'elle a retenue à l'encontre de Patrick A;d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette les pourvois.