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Décisions

CA Paris, 23e ch. B, 8 décembre 1995, n° 94-011746

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etudes et Travaux d'Anticorrosion et d'Etancheïté (SA)

Défendeur :

American Gilsonite Company (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mlle Lardet

Conseillers :

M. Jacomet, Mme Virotte-Ducharme

Avoués :

SCP Jobin, Me Lecharny

Avocats :

Mes Damerval, Cheyron.

CA Paris n° 94-011746

8 décembre 1995

Par un jugement prononcé le 21 janvier 1991, le Tribunal de commerce de Rouen:

- s'est déclaré compétent,

- a reçu la société ETAE en ses demandes, fins et conclusions, les a dit mal fondées, l'en a déboutée,

- a reçu la société American Gilsonite Company en ses demandes, fins et conclusions, les a déclarées partiellement fondées,

- a dit et jugé que l'action de la société ETAE n'a pas été introduite dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil,

- a dit et jugé inapplicable l'article 189 bis du Code de commerce,

- a dit et jugé inopposable à ETAE les articles 9 et 10 du contrat de distribution du 30 septembre 1971 entre les sociétés AGC et ETAE,

- a dit et jugé la demande d'ETAE recevable sur le fondement de la non-conformité du Gilsotherm 70 mais l'en a déboutée pour avoir exercé tardivement son action,

- a accueilli la demande reconventionnelle de la société American Gilsonite Company mais l'a ramenée à la somme de 10 000 F et a condamné la société ETAE à payer ladite somme à la Société American Gilsonite Company en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a condamné la société ETAE en tous les dépens liquidés à la somme de 467,31 F en ce non compris les frais d'expertise,

- a rejeté comme inutiles et mal fondées toutes autres demandes, fins et conclusions des partie, les en a déboutées, le tout pour les causes sus-énoncées;

Par arrêt prononcé le 11 mai 1994, la Cour d'appel de Rouen (2e chambre civile) a:

- déclaré la société ETAE recevable en son appel du jugement du 21 janvier 1991 par le Tribunal de commerce de Rouen,

- dit la société American Gilsonite Company bien fondée en son exception d'incompétence,

- renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, seule compétente pour connaître du litige,

- condamné la société ETAE aux dépens d'appel;

La SA ETAE demande à la cour:

- de la dire recevable et bien fondée en son appel, d'y faire droit, d'infirmer le jugement,

- de la dire recevable et bien fondée en sa demande et de condamner, en conséquence, la société AGC à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle par le jugement du 24 juin 1988 du Tribunal de commerce de Rouen, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Rouen du 7 novembre 1990,

En conséquence,

- de condamner la société AGC outre aux entiers dépens de première instance et d'appel à lui payer les sommes de:

- 855 862,65 F avec intérêts de droit à compter du 10 mai 1990,

- 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

La Société AGC demande à la cour:

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que l'action de la société ETAE n'a pas été introduite dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil,

- de dire et juger, en conséquence, irrecevable la demande de la société ETAE,

- de dire et juger que l'action pour délivrance non conforme n'a pas été engagée par ETAE lors de la réception du Gilsotherm 70 utilisé sur le chantier de la Résidence du Parc au Houlme,

- de dire et juger en conséquence irrecevable la demande d'ETAE,

- de la débouter purement et simplement,

A titre subsidiaire,

- de dire et juger que ETAE n'a pas respecté ses obligations contractuelles stipulées à l'article 9 du contrat du 30 septembre 1971 en s'assurant de l'installation d'un drainage, indispensable en raison de la nature du terrain,

- de dire et juger qu' ETAE a accepté, à l'article 10 du contrat susvisé, de supporter, au regard des tiers, la responsabilité provenant d'un vice éventuel du Gilsotherm 70 conçu par elle-même,

- de dire et juger la demande d' ETAE irrecevable, et, à tout le moins, mal fondée,

- de la débouter purement et simplement,

A titre encore plus subsidiaire,

- de dire et juger qu'il résulte du rapport du Laboratoire National d'Essai en date du 15 juillet 1981 effectué dans le cadre de l'expertise confiée à Monsieur Quere et joint en annexe à son rapport du 12 mai 1982, que le Gilsotherm 70 a les propriétés de résistance à la pénétration de l'eau pour lesquelles il a été conçu par elle-même,

- de dire et juger en conséquence qu' ETAE ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un vice ou d'un défaut quelconque du Gilsotherm 70,

- de dire et juger la demande d' ETAE mal fondée,

- de la débouter purement et simplement de toutes ses demandes,

Pour les causes sus-énoncées,

- d'accueillir sa demande reconventionnelle et de condamner ETAE à lui payer la somme de 100 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de condamner ETAE aux entiers dépens de première instance et d'appel, et ce, y compris les frais d'expertise;

Il est référé pour un exposé complet des faits de la cause, des prétentions et moyens des parties, au jugement déféré, à l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen du 11 mai 1994 et à l'ensemble des conclusions signifiées et déposées en cause d'appel;

SUR CE, LA COUR:

Considérant, sur le moyen de prescription de l'action en garantie exercée à l'encontre de la société AGC par la SA ETAE, que cette action, contrairement à ce qu'en a décidé le tribunal dont la décision ne peut qu'être réformée de ce chef, est recevable, qu'elle soit fondée, comme le soutient la société appelante, sur un défaut de conformité, dès lors que le Gilsotherm 70 n'aurait pas été, dans sa qualité ou sa nature, conforme aux prévisions du contrat, une telle action étant possible pendant 30 ans, ou, ainsi que le prétend la société intimée, sur la garantie des vices cachés, qui suppose un défaut du Gilsotherm 70 le rendant impropre à sa destination, dans la mesure où, alors qu'il n'est pas discuté que la prescription avait bien été interrompue par l'assignation en garantie, non placée, délivrée à bref délai, à la requête de la SA ETAE, à l'encontre de la société AGC, le 7 mars 1980, dans le cours de l'action en justice initialement engagée au fond par les sociétés Porraz et GEM à l'encontre de la société Isotec, qui avait, elle-même, appelé en garantie la SA ETAE, et que son effet interruptif, consécutif à cette assignation, s'était poursuivi pendant la durée de l'instance, c'est ainsi qu'il est établi par les pièces de la procédure de première instance, le 1er février 1990, soit avant que le litige n'ait trouvé, par l'arrêt prononcé le 7 novembre 1990 par la Cour d'appel de Rouen, sa solution, que l'action en garantie exercée par la SA ETAE contre la société AGC, ayant donné lieu au jugement déféré, a été régulièrement portée devant le tribunal de commerce;

Considérant, sur le moyen tiré de la non-application de la clause élisive de responsabilité contenue à l'article 10 du contrat de distribution du 30 septembre 1971 que si la validité de principe d'une telle clause n'est ni discutable ni sérieusement discutée, ayant été convenue entre professionnels de même spécialité dans leur cadre d'activité habituelle, son inopposabilité à la SA ETAE ne saurait être admise, contrairement à ce qu'en a été décidé le tribunal dont la décision sera encore réformée de ce chef, que si la preuve était rapportée par cette société, ce qu'elle ne fait pas en l'état de ses écritures devant la cour, de "la faute particulièrement grave", qu'elle croit pouvoir imputer à la société AGC, qui aurait consisté pour celle-ci, selon ce qu'elle allègue, "à livrer un produit non conforme", l'avis technique de l'expert Jean Quere, dans son rapport clos le 12 mai 1982 ne permettant, en tout cas, nullement de conclure que, dans le cas des chantiers en cause, Résidence du Parc et Domaine de la Source au Houlme, la société AGC aurait volontairement et/ou en connaissance de cause fourni un produit que ses qualités intrinsèques n'auraient pas rendu conforme à l'usage auquel il était destiné, observation étant faite, ainsi que le rappelle justement cette société, que les propriétés de résistance à la pénétration de l'eau, limitées de manière claires et précises à un certain seuil, pour lesquelles le Gilsotherm 70, qui bénéficiait d'un agrément, avait été conçu et commercialisé, supposaient, en tout cas, pour une réelle efficacité, une mise en œuvre, selon les instructions techniques détaillées et circonstanciées dans la notice "Description et mode d'emploi", d'ailleurs éditée, sous le contrôle de la société AGC, par la SA ETAE, qui devait être très élaborée et très soigneuse (comportant, en particulier, la prescription d'un drainage, en terre argileuse, comme en cas de variation, au-delà d'un certain niveau, des eaux souterraines);

Considérant que, pour ce motif, ce qui rend sans intérêt l'examen des autres moyens soulevés par les parties, la garantie de la société AGC n'est pas due à la SA ETAE qui ne peut, dans ces conditions, qu'être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 855 862,66 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 1990;

Considérant que l'équité commande de condamner la SA ETAE à payer à la société AGC la somme de 25 000F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives à l'application de ce texte;

Considérant que la SA ETAE, partie perdante sur l'essentiel de sa réclamation, doit être condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les conditions d'application de ce texte n'étant pas réunies en ce qui la concerne;

Par ces motifs : Statuant aux fins de l'arrêt prononcé le 11 mai 1994 par la Cour d'appel de Rouen ; Dans les limites de l'appel ; Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, sauf à préciser que la charge des frais d'expertise qui doit être supportée par la SA ETAE a été réglée par le jugement du 24 juin 1988 du Tribunal de commerce de Rouen, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Rouen du 7 novembre 1990 ; Le réforme pour le surplus ; Statuant à nouveau et ajoutant, Dit la SA ETAE recevable mais mal fondée en son action en garantie à l'encontre de la société AGC ; Déboute la SA ETAE de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre de la société AGC ; Condamne la SA ETAE à payer à la société AGC la somme de 25 000 F (vingt cinq mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne la SA ETAE aux dépens d'appel ; Admet Maître Lecharny, Avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.