Cass. crim., 23 octobre 2001, n° 00-87.990
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
Mme Commaret
Avocats :
Me Foussard, SCP Boré, Xavier, Boré.
LA COUR : Statuant sur les pourvois formés par A Edouard, F Jean-François, B Marc, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2000, qui, après leur relaxe du chef notamment de tromperie et falsification de denrées servant à l'alimentation des animaux, a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 213-1 à L. 213-4 du Code de la consommation, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Edouard A, Jean-François F et Marc B solidairement responsables des conséquences dommageables des infractions de tromperie sur la composition et la teneur en fer de denrées servant à l'alimentation des animaux, de falsification de la teneur en fer de denrées servant à l'alimentation des animaux et de mise en vente des denrées ainsi falsifiées, les a condamnés à payer à la CEVB une indemnité principale de 58 014,67 F ;
"aux motifs que "les analyses effectuées en 1990 par le laboratoire de Bordeaux faisaient apparaître, à l'exception de l'échantillon B, des teneurs en fer supérieures à celles indiquées par le fabricant ; que les analyses effectuées par le laboratoire de Bordeaux en 1995 faisaient toujours apparaître des teneurs en fer supérieures à celles indiquées par le fabricant à l'exception de l'échantillon D ; que les mesures des échantillons analysés en 1990 font également apparaître une teneur en fer supérieure à la nomenclature à l'exception de l'échantillon 2S ; que les analyses effectuées par le CNEVA aboutissent à des conclusions identiques pour certains échantillons ; que, pour les autres échantillons la teneur en fer est inférieure à celle garantie par le fabricant ; qu'il résulte de l'expertise que les possibles effets du vieillissement des échantillons sont sans conséquence sur la composition en fer des aliments analysés, le fer étant un élément stable ; que la moyenne des résultats obtenus est de + 3% en fer, l'expert précisant, comme pour le lait, que les moyennes masquent des écarts beaucoup plus importants ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que pour les échantillons A, C, E, F, 1s, pour lesquels toutes les analyses ou une majorité de celles-ci concluent à une teneur en fer supérieur à la nomenclature remise par le fabricant à l'éleveur, il existe une non-conformité de la composition du produit par rapport à la description qui en était faite, les éléments de l'infraction sont donc réunis" (arrêt, p. 10 et 11) ;
"alors que, faute d'avoir recherché, avant de constater l'existence d'un résultat concordant pour certains lots, si, comme l'avait relevé l'expert lui-même puis retenu les premiers juges, les méthodes adoptées par le laboratoire de Bordeaux ne "pénalisaient pas le fournisseur" au point que des analyses effectuées selon des méthodes récentes n'auraient pas justifié une plainte, et si, par ailleurs, les analyses du CNEVA ne pénalisaient pas également, au moins dans certaines circonstances, le fabricant, s'agissant du fer, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 213- 1 à L. 213-4 du Code de la consommation, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Edouard A, Jean-François F et Marc B solidairement responsables des conséquences dommageables des infractions de tromperie sur la composition et la teneur en fer de denrées servant à l'alimentation des animaux, de falsification de la teneur en fer de denrées servant à l'alimentation des animaux et de mise en vente des denrées ainsi falsifiées, les a condamnés à payer à la CEVB une indemnité principale de 58 014,67 F ;
"aux motifs qu'"aux termes des écrits de la CEVB, non contestés sur ce point technique par la Coopérative des Maîtres Laitiers, outre le lait, le fer est l'élément important dans la composition des aliments d'allaitement ; indispensable en quantité suffisante en début d'engraissement pour assurer la croissance des veaux, il est néfaste en finition car sa présence excessive empêche l'anémie nécessaire à l'obtention d'une viande claire souhaitée par les abattoirs ; qu'il résulte des calculs établis à partir de la comptabilité CEVB contrôlée par un réviseur aux comptes, que, pour la période visée dans la prévention, dans le classement couleur comportant une grille de 1 à 4, le pourcentage de viande classée en "3" a augmenté de 15,5% au deuxième semestre de 1989, passant de 16,6% à 32,1%, entraînant une dépréciation par kilogramme de 1,85 F, soit au total 49 798 F ; qu'au cours des quatre premiers mois de 1990, ce pourcentage est revenu au niveau de 16,2%, soit quasi identique aux taux du premier semestre 1989, et il n'existe donc pas pour cette période de préjudice de déclassement lié à la couleur ; que les demandes relatives aux déclassements liés à la conformation des carcasses seront rejetées, les défauts de conformations étant, aux termes des écritures de la CEVB, imputables à la non-conformité de la teneur en poudre de lait écrémé, qui ne peut être indemnisée pour les motifs ci-dessus exposés ; que le préjudice sera donc fixé à la somme de 49 798 F valeur 1990, qui sera réévaluée en tenant compte du coefficient d'ajustement d'érosion monétaire liée à l'inflation (indice INSEE) fixé pour la période comprise entre 1990 et 2000 à 1,165, soit : 49 798 x 1,165 = 58 014,67 F" (arrêt, p. 13, alinéas 1 à 5) ;
"alors que, premièrement, ayant relevé que l'excès de fer ne se laissait pas constater dans tous les lots (p. 10 et 11), et ayant relevé, par ailleurs, que, pour les quatre premiers mois de l'année 1990, aucun déclassement n'avait été opéré à raison de la couleur de la viande, les juges du fond ne pouvaient entrer en condamnation sans rechercher, au préalable, si la viande classée en "3" et ayant fait l'objet d'une dépréciation, provenait d'animaux ayant absorbé des produits présentant une teneur en fer excessive ; que, faute de s'être prononcée sur ce point, et en dépit des conclusions des prévenus qui contestaient l'existence du lien de cause à effet, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"alors que, deuxièmement, faute d'avoir recherché si la dépréciation de la couleur de la viande ne trouvait pas son origine dans les autres composants de l'alimentation des veaux (conclusions d'appel des prévenus, p. 14, antépénultième alinéa), les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"et alors que, troisièmement, faute d'avoir recherché si l'incidence d'un excédant en fer, telle que constatée par l'arrêt attaqué, n'était pas nulle, compte tenu des conditions d'élevage (les veaux léchant leurs chaînes ou des ferrures de portes, conclusions d'appel, p. 12, alinéa 4), les juges du fond ont, une fois encore, privé leur décision de base légale au regard des règles susvisées" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les faits dont elle a déclaré les prévenus responsables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.