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Décisions

Cass. crim., 2 mai 2001, n° 00-86.225

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

Mme Fromont

Avocat :

Me Balat.

Bordeaux, ch. corr., du 13 juin 2000

13 juin 2000

LA COUR : Statuant sur le pourvoi formé par D Gilles, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 13 juin 2000, qui, pour tromperie, l'a condamné à 50 000 F d'amende et à une mesure de publication ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L.213-1, L.216-2 et L.216-3 du Code de la consommation, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré Gilles D coupable d'avoir, à La Réole et Bordeaux, de novembre 1996 à février 1997, trompé sa clientèle sur la nature et l'origine des agneaux et sur l'identité des agneaux par la livraison d'une marchandise autre que celle ayant fait l'objet d'un contrat et de l'avoir en répression condamné à une amende de 50 000 F ;

"aux motifs que l'Association Régionale des Eleveurs Ovins Lait et Viande d'Aquitaine (AREOVLA) a créé un GIE le 19 octobre 1994, a déposé la marque "Agneau Pauillac" le 26 juillet 1985 et a formé, en mai 1996, une demande d'indication géographique protégée pour la dénomination "agneau de Pauillac" prenant en compte la description du produit et la délimitation d'une aire géographique constituée des départements de la Gironde, des Landes, de la Dordogne, du Lot-et-Garonne, de la Corrèze, du Lot, et du Tarn-et-Garonne ; que dans le cadre de l'enquête effectuée à la suite de cette demande par la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation, Gilles D, Président-Directeur Général de la SA D chargée de procéder à l'abattage et à la commercialisation de l'agneau de Pauillac produit par les membres du GIE, a reconnu qu'il était obligé de compléter la filière agneau de Pauillac par d'autres producteurs non affiliés et non adhérents et a admis que la filière était déficitaire en approvisionnement le dernier trimestre de l'année ; que les investigations comptables menées par la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation auprès de la Société D ont révélé, pour la période comprise entre novembre 1996 et février 1997, l'achat de 3 621 bêtes au GIE et la revente de 8 198 bêtes, mettant en évidence des approvisionnements extérieurs à hauteur de 126 % ; qu'au nombre des approvisionnements extérieurs au GIE figurent 350 agneaux provenant du GAEC d'Istres dans les Bouches-du-Rhône ; qu'en revendant ces agneaux sous l'appellation "agneau de Pauillac" alors qu'ils n'étaient pas produits dans cette région ni dans la zone géographique protégée, au demeurant non encore en vigueur, Gilles D a bien commis l'infraction qui lui est reprochée, laquelle est matérialisée non pas par le fait que cette viande ne correspondrait pas aux critères invoqués pour des agneaux devant recevoir cette appellation, ce que la procédure n'établit pas, mais par le fait qu'il a vendu en connaissance de cause une marchandise à laquelle il a attribué par l'adjonction de la préposition "de" une origine différente de l'origine réelle alors que ce critère est pour certains acheteurs une cause déterminante de la transaction ; qu'en conséquence, et pour les motifs sus-indiqués, il sied de confirmer la décision déféré sur la déclaration de culpabilité ;

"alors, d'une part, que la tromperie sur l'origine n'est réprimée que dans la mesure où la désignation de cette origine est considérée comme la cause principale de la vente ; qu'en l'espèce, Gilles D faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la notion "d'Agneau de Pauillac" ne correspondait pas à une origine géographique mais simplement à un mode traditionnel d'élevage, auquel répondaient tous les agneaux commercialisés par sa société, de sorte que la désignation de cette origine géographique ne pouvait être considérée comme la cause principale de la vente aux yeux des consommateurs ; que par ailleurs, la cour d'appel a reconnu qu'il n'était pas établi que la viande litigieuse ne correspondrait pas aux critères invoqués pour des agneaux devant recevoir l'appellation "Agneau de Pauillac" ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que le prévenu aurait attribué aux agneaux vendus une origine différente de leur origine réelle par l'adjonction de la préposition "de", et que le critère de l'origine géographique serait pour certains acheteurs une cause déterminante de la transaction, pour en déduire qu'était caractérisé le délit de tromperie sur l'origine, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de Gilles D qui démontrait que la dénomination "Agneau de Pauillac" était uniquement liée au respect d'un mode partiCr d'élevage, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"et alors, d'autre part, que le délit de tromperie étant une infraction intentionnelle, il appartient aux juges du fond de constater la mauvaise foi du prévenu ; qu'en l'espèce, pour déclarer le demandeur coupable de tromperie sur l'origine, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'il avait vendu en connaissance de cause une marchandise à laquelle il avait attribué par l'adjonction de la préposition "de" une origine différente de l'origine réelle et que le critère de l'origine géographique était pour certains acheteurs une cause déterminante de la transaction ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions d'appel de Gilles D, qui faisait notamment valoir que les agneaux achetés et élevés par lui répondaient aux critères de qualité fixés par le GIE Agneau de Pauillac et qu'il n'avait ainsi nullement eu l'intention de tromper les consommateurs en procédant à l'achat d'agneaux qui étaient en toute hypothèse soumis aux mêmes conditions d'élevage, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est règulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.