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Décisions

Cass. crim., 22 août 1994, n° 93-82.966

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gondre (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. de Mordant de Massiac

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocat :

Me Choucroy

TGI Nanterre, 15e ch. corr., du 2 juin 1…

2 juin 1992

LA COUR : Statuant sur le pourvoi formé par M Patrick, la société anonyme X, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 1993, qui, pour vente de denrée alimentaire falsifiée, tromperie et publicité mensongère, a condamné le premier à 50 000 F d'amende et a déclaré la seconde civilement responsable ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 44-1, 44-II alinéas 7, 8, 9 et 10 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1 de la loi du 1er août 1905, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de publicité mensongère portant sur le produit Z et la société X civilement responsable ;

" aux motifs que l'infraction incriminée est établie, d'une part, parce que l'étiquette et la fiche de présentation informant le consommateur mentionnent des teneurs, selon le bulletin d'analyse de : - 3, 90 % en protides ; + 34 et 47 % en glucides, 90 % en lipides (1 gr. annoncé, 0, 10 gr. trouvé à l'analyse), d'autre part, la présentation de Z laisse croire qu'il s'agit d'un produit diététique de l'effort, et hyperprotidique, alors que la consommation de Z ne correspond pas à ce type de produits diététiques de l'effort ;

" que la répression des fraudes, compte tenu des compositions exposées en l'arrêté ministériel du 20 juillet 1977 portant application du décret 65-75 du 24 janvier 1965 remplacé par le décret 81-574 du 15 mai 1981 qui définit plusieurs catégories de produits diététiques ou de régime et notamment les produits diététiques de l'effort définis comme " des produits présentés comme répondant aux besoins nécessités par un effort physique particulier ou effectué dans des circonstances spéciales " (article 49), a déterminé, par comparaison des teneurs prévues aux articles 50 et 51 avec les teneurs ou pourcentages annoncés dans Z, qu'il n'était pas un produit :

- équilibré de l'effort :

" ni dans la répartition de la valeur calorique par protides glucides et lipides (proportion de protides très supérieure à la norme, celle des glucides et lipides très inférieure à la même norme),

" ni dans la teneur en vitamines B1, B6 et C et en minéraux calcium et magnésium,

" ni un produit de l'effort apportant glucides ou lipides, le pourcentage annoncé de glucides et lipides étant très inférieur au pourcentage fixé en l'article 51 ;

"que Z est simplement un produit hyperprotidique comportant cette dénomination et contenant essentiellement des protides ;

" que la répression des fraudes fait remarquer que cependant Z est présenté comme un produit diététique de l'effort répondant aux besoins particuliers des sportifs et permettant d'accroître la masse musculaire ;

" que le produit incriminé est mis en vente principalement dans les salles de sport ;

" qu'il est établi que les composants de Z ne sont pas dans leur proportion ceux d'un produit diététique de l'effort, alors que la documentation sur Z présente ce produit comme ayant ce but ;

" qu'enfin, le délit visé se devrait d'être analysé et retenu au regard de la perception, dont est capable le consommateur visé, des informations qui lui sont données au regard de sa capacité et de sa connaissance de la matière ; que l'infraction, dès lors que ces éléments constitutifs sont établis, existe quelle que soit la perception inconnue et variable des citoyens ciblés, aux capacités et connaissances diverses ;

" qu'en l'espèce, en tant que directeur général, le demandeur connaissait le produit lui-même et sa non-conformité, par sa composition, au but et destination que ce produit se proposait d'atteindre ;

" alors qu'il ne suffit pas qu'une publicité contienne " une information inexacte " pour qu'elle soit considérée comme tombant sous le coup de l'interdiction, il faut encore qu'elle soit de nature à induire en erreur le consommateur ciblé par la publicité ; qu'en l'espèce, en retenant comme élément constitutif du délit de publicité mensongère que celui-ci existe quelle que soit la perception inconnue et variable des citoyens ciblés, aux capacités et connaissances diverses, sans rechercher précisément si la clientèle très ciblée (hôpitaux, magasins de sport, salles de sport) du produit Z pouvait être induite en erreur, l'arrêt attaqué a violé, par fausse application, l'article susvisé " ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 3 alinéa 1, 1 et 2 de la loi du 1er août 1905, 11-6, 7 et 6 de la même loi, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir vendu des produits falsifiés, en l'espèce, en commercialisant des produits contenant de l'aspartam et a déclaré la société X civilement responsable ;

" aux motifs que la falsification consiste à modifier la composition d'une denrée alimentaire soit en ajoutant, soit en retranchant une substance, en violation d'un règlement ;

" que l'article 1 de l'arrêté interministériel du 11 mars 1988 sur l'emploi d'édulcorant n'autorise l'aspartam que dans un nombre limité d'aliments ;

" que la falsification est répréhensible, même au cas où elle serait connue du consommateur ;

" que la substance visée est l'aspartam, édulcorant obtenu à partir de deux acides aminés, qui se présente sous forme de poudre blanche, au pouvoir sucrant très élevé, mais à faible teneur énergétique ;

" que l'aspartam peut être utilisé dans deux catégories de produits destinés à une alimentation particulière :

- les aliments de régime hypoglucidique,

- les aliments de régime hypocalorique,

" que A n'est pas un aliment de régime hypocalorique, et est au contraire hautement calorique ; qu'il ne s'agit pas davantage d'un produit de consommation courante, où l'emploi d'édulcorant n'est pas prohibé par l'arrêté du 11 mars 1988, tels que les boissons sans alcool et préparations correspondantes (soit à base de jus de fruits, soit à base d'extraits végétaux ou d'arômes et apportant au plus 50 kcal. par litre), laits fermentés et fromages frais, desserts lactés et crèmes desserts, glaces et sorbets, produits de confiserie, gommes à mâcher ;

" qu'en particulier, A n'a pas le caractère de préparation pour boisson apportant au plus 50 kcal. par litre ; qu'il peut être mélangé à toutes sortes d'aliments (lait, yaourt, fromage blanc) ; qu'il n'est pas composé à base d'extraits végétaux ou d'arômes ; qu'il apporte (lorsqu'il est mélangé à un liquide) 360 kcal. par litre ;

" que l'adjonction d'aspartam, établie pour A, a été faite en violation des textes susvisés fondant la prévention ;

" que le demandeur connaissait ladite adjonction constitutive d'une falsification ;

" alors que le délit de falsification suppose que soit constatée une intention frauduleuse ; que, si les juges du fond ont tout pouvoir pour reconnaître l'existence de la mauvaise foi, leur appréciation à cet égard n'est souveraine que si elle n'est pas contredite par des faits qu'ils ont eux-mêmes constatés, et par les conséquences légales que ces faits comportent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pu, sans se contredire, d'un côté, faire état de projet de réglementation communautaire tendant à uniformiser les législations des pays membres de la CEE et autorisant l'emploi d'aspartam dans les compléments alimentaires, préparations diététiques, circonstances propres à écarter toute intention frauduleuse, comme toute responsabilité, et, d'un autre côté, retenir le demandeur dans les liens de la prévention sans caractériser l'intention frauduleuse " ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1, 6 et 7 de la loi du 1er août 1905 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de tromperie sur la composition du produit Y et a dit que la société X doit être déclarée civilement responsable ;

" aux motifs que le produit Y n'aurait ni la composition, ni les propriétés d'un aliment pouvant se substituer à un ou plusieurs repas dans le cadre d'un régime amaigrissant ;

" qu'il s'agit d'un produit pour régime hypocalorique (contenant de l'aspartam, autorisé) ;

" que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes fait état de ce que Y manquerait de 6,72 g de protides pour 1 000 calories : qu'il manquerait donc 9, 6 % de protides et serait trop riche en vitamines ;

" que, dans l'étiquetage et dans la fiche de présentation, Y est présenté comme " produit de régime hypocalorique équilibré pour personnes actives " et " substitut de repas pour régime amaigrissant " ;

" que Y entre dans la catégorie de produits destinés aux régimes hypocaloriques, définie en l'article 32-2 de l'arrêté ministériel du 20 juillet 1977, comme " aliments équilibrés à 1 000 kcal. maximum et convenant aux régimes de l'amaigrissement en tant que substitut d'un ou de plusieurs repas de la journée " ;

" que la composition de l'aliment équilibré est fixée à l'article 34 de l'arrêté précité ;

" qu'il a été relevé que les teneurs annoncées dans Y (pour 444 kcal, ramené à 1 000 kcal.) par rapport au produit équilibré, selon teneurs réglementaires pour 1 000 kcal, étaient :

- protides : 63, 8 g au lieu de 70 à 90 g

- vitamine A : 7506 ui au lieu de 2000 à 3000 ui

- vitamine B2 : 2, 5 mg au lieu de 1 à 2 mg

- vitamine C : 100, 12 mg au lieu de 60 à 90 mg ;

" qu'il a été conclu que Y n'avait pas la composition d'un aliment équilibré pouvant se substituer à un ou plusieurs repas dans le cadre d'un régime amaigrissant, alors qu'il est présenté comme tel ;

" qu'un déficit de 9, 6 % de protides sur 1 000 calories par jour dans un produit qui peut être utilisé comme aliment " exclusif " n'est pas indifférent dans la gestion de son amaigrissement, et par conséquent de sa santé, par le consommateur, question expressément réservée par le traité CEE ; qu'il y a lieu de considérer qu'il y a tromperie sur la composition à raison du déficit en protides dans Y ;

" alors que la tromperie sur les qualités de la chose vendue, pour être punissable au sens de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, doit résulter d'une intention frauduleuse et porter sur les qualités substantielles du produit vendu ; qu'il appartient au juge de constater les circonstances d'où se déduit la mauvaise foi du prévenu et de préciser les qualités substantielles sur lesquelles le consommateur a été trompé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'intention coupable, a privé sa décision de toute base légale " ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Patrick M, directeur général de la société anonyme X qui distribuait en France des produits de régime pour culturistes, de fabrication allemande, a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement des articles 1 et 3 de la loi du 1er août 1905, pour avoir commercialisé un produit de régime hypocalorique " Y " dont la composition ne répondait pas aux exigences de la réglementation concernant de tels produits ainsi qu'un produit de régime hyperprotidique " A " contenant un édulcorant non autorisé, et sur le fondement de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, pour avoir présenté un troisième produit " Z ", sous un étiquetage accréditant l'idée qu'il s'agissait d'un produit diététique de l'effort alors que celui-ci n'en avait pas les caractéristiques essentielles ;

Attendu que pour déclarer le prévenu coupable des faits visés à la prévention, la cour d'appel énonce que le produit commercialisé sous le nom Y, bien que pourvu de qualités hypocaloriques, n'était pas, faute d'être suffisamment équilibré, un aliment pouvant se substituer à un ou plusieurs repas dans le cadre d'un régime amaigrissant et qu'il y a eu, de ce fait, tromperie à l'avoir présenté comme tel ; que le produit répondant au nom de A, en ce qu'il se présentait sous la forme d'un aliment hyperprotidique, n'était pas au nombre des produits, limitativement prévus par la réglementation, dans lesquels l'adjonction d'aspartam était autorisée et que sa commercialisation avec un tel additif était donc répréhensible ; qu'enfin, en ce qui concerne le produit Z, la composition de celui-ci ne correspondant pas à celle que la réglementation donnait des produits diététiques de l'effort, tout étiquetage ou document commercial le présentant comme tel entrait nécessairement, quel que soit le consommateur atteint, dans le champ d'application de la loi interdisant toute forme de publicité de nature à induire le consommateur en erreur ; que les juges ajoutent qu'en tant que directeur général, Patrick M connaissait les produits et la non-conformité de leur composition au but et à la destination que ces produits se proposaient d'atteindre et que les infractions étaient donc établies en tous leurs éléments constitutifs ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a caractérisé sans insuffisance les délits dont elle a reconnu le prévenu coupable ;

Que les moyens qui, sous le couvert de défaut ou de contradiction de motifs, se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus devant eux, ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.