Cass. crim., 5 janvier 1994, n° 92-82.238
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Jorda
Avocat général :
M. Amiel
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par R Yves, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 19 mars 1992, qui l'a condamné, pour publicité de nature à induire en erreur, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 F d'amende, a ordonné la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 31, 32, 34, 39 et 192 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué ne constate pas la présence du ministère public à l'audience du 19 mars 1992 au cours de laquelle il a été prononcé ;
" alors que le ministère public fait partie essentielle et intégrante des juridictions répressives qui ne peuvent procéder au jugement des affaires qu'en sa présence et avec son concours ; qu'à défaut de cette constatation essentielle, l'arrêt attaqué ne répond pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
Attendu que l'arrêt attaqué, rédigé en un seul contexte, mentionne que la cause ayant été appelée et débattue le 5 mars 1992, le président a avisé les parties du prononcé de l'arrêt le 19 mars 1992, date à laquelle la cour d'appel a statué dans une composition où figure Melle Métailler substitut du procureur général ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves R coupable de publicité mensongère ;
" aux motifs qu'Yves R a passé une annonce offrant à la vente un véhicule et mentionnant un kilométrage de 116 000 kilomètres ne correspondant pas à celui effectivement parcouru, soit 154 145 kilomètres ; que le consommateur n'a pu se rendre compte des faits qu'une fois la remise des documents nécessaires à la réimmatriculation du véhicule ;
" alors, d'une part, que la tromperie doit porter sur une qualité substantielle du bien proposé ; que la simple inexactitude, d'uneportée au demeurant assez limitée, relative au kilométrage parcouru par un véhicule d'occasion n'est pas constitutive du délit de publicité mensongère dès lors qu'il ne s'agit que d'un élément accessoire du bien proposé à la vente dont le prix est déterminé par la seule référence à l'année du modèle vendu qui était en l'espèce exactement indiquée dans l'annonce litigieuse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a donc pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que l'auteur du message publicitaire doit, en connaissance de cause, articuler des allégations susceptibles d'induire le public en erreur sur la nature du bien vendu ; qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que le prévenu a remis à l'acheteur une fiche de contrôle technique portant le kilométrage réel du véhicule vendu, établissant ainsi que l'inexactitude de l'annonce n'était que le fruit d'une simple erreur, exclusive de toute intention de tromper le lecteur ; qu'ainsi, le délit de publicité mensongère n'est pas légalement constitué.
Attendu que, pour condamner Yves R du chef de publicité de nature à induire en erreur, la juridiction du second degré, après avoir relevé que le prévenu avait fait paraître une annonce proposant la vente d'un véhicule ayant parcouru 116 000 kilomètres, retient qu'en réalité, ce véhicule avait roulé 154 145 kilomètreset que l'annonce du prévenu avait été "publiée à son initiative" ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;que, le délit de publicité de nature à induire en erreur étant instantané, et n'exigeant pas la mauvaise foi de son auteur, une fois la publicité effectuée, la publication d'information rétablissant la réalité est sans effet sur l'existence de l'infraction ;d'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 2 et 3 du Code de procédure pénale, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Yves R à payer les sommes de 3 500 F de dommages et intérêts et de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, chacune, à l'Union fédérale des consommateurs de la Drôme et à la Fédération départementale des associations familiales et rurales ;
" alors que, ni l'arrêt confirmatif attaqué, ni la décision des premiers juges, ne portent le moindre motif propre à justifier de la recevabilité de l'action exercée par ces associations, et notamment à caractériser l'existence d'un préjudice dont elles pourraient ainsi demander réparation" ;
Attendu que l'arrêt attaqué énonce qu'un consommateur, Alain Nivon, a été trompé par la publicité parue ; qu'en cet état, la cour d'appel a accordé à bon droit des réparations civiles à l'Union Fédérale des Consommateurs de la Drôme et à la Fédération départementale des associations familiales et rurales de ce département, dès lors que l'article 1er de la loi du 5 janvier 1988, devenu l'article L 421-1 du Code de la consommation, admet les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statuaire explicite la défense des intérêts des consommateurs, qui sont agréées à cette fin, à poursuivre la réparation du préjudice même indirect causé par une infraction à l'intérêt collectif des consommateurs ;que tel est le cas en l'espèce ;d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.