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Décisions

Cass. crim., 15 décembre 1992, n° 92-81.489

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zambeaux (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Guerder

Avocat général :

M. Monestié

Avocat :

M. Jacoupy

Cass. crim. n° 92-81.489

15 décembre 1992

LA COUR : - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 44-I de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mainlevée de la décision du juge d'instruction d'Angers, en date du 23 octobre 1991, ordonnant la cessation immédiate de la publicité en faveur du " boulanger authentique " et la saisie de ses supports ;

" aux motifs que si la dénomination " boulanger authentique " ne doit s'appliquer qu'au véritable boulanger, c'est-à-dire à celui qui fabrique sa pâte ou ses pâtes à pain, les pétrit et les cuit, et que les trois engagements pris par ces professionnels n'appellent aucune observation particulière, il ne peut en être de même de la publicité diffusée dans le cadre de cette campagne ; que cette publicité crée une confusion dans l'esprit d'un consommateur normalement attentif, puisqu'elle laisse supposer qu'il va acquérir une marchandise réalisée selon une technique ancienne (pétrissage plus lent et d'une durée plus courte), grâce à une farine de froment telle que celle utilisée autrefois par les boulangers, alors qu'il s'agit d'un produit banal et d'une qualité tout à fait ordinaire réalisée avec une farine également ordinaire ; que cette publicité est mensongère car elle ne peut prétendre que ces pains dits traditionnels ne sont fabriqués qu'avec de la farine de froment, de l'eau, du sel, de la levure et du levain c'est tout , alors qu'ils utilisent des produits améliorants et des additifs ; que si l'utilisation de ces produits est effectivement autorisée dans certaines limites, cette autorisation ne permet pas aux boulangers d'affirmer par le moyen d'un document publicitaire, lorsqu'ils recourent à ces produits ainsi que cela est démontré, que leurs pains sont naturels ce qui laisse supposer dans l'esprit du consommateur qu'ils ne font pas usage de ces additifs ; qu'enfin, il a été reconnu à l'audience par S que la Fédération ne disposait d'aucun pouvoir effectif pour vérifier a posteriori le respect des engagements réputés avoir été souscrits par chacun des boulangers qui a adhéré à cette charte, les membres de la Fédération pouvant se voir légitimement refuser l'accès du fournil par ce confrère ;

" alors, d'une part, que l'opération incriminée comportant deux supports : " La Charte du boulanger authentique " d'une part, un publi-reportage " Les boulangers authentiques s'engagent, sachez les reconnaître " d'autre part, la cour d'appel ne pouvait ordonner la saisie de ces deux supports alors que les énonciations par elle relevées comme étant de nature à induire le consommateur en erreur n'étaient contenues que dans le second de ces supports ;

" alors, d'autre part, que les engagements pris par les signataires de la Charte du boulanger authentique n'étaient pas de nature à induire le consommateur en erreur puisqu'ils correspondaient aux méthodes de travail effectivement en usage dans les boulangeries artisanales ;

" alors, enfin, que si un boulanger pouvait refuser l'accès de son fournil à un membre de la Fédération, cette circonstance n'interdisait pas à ladite Fédération d'exercer un contrôle sur le respect de la charte par les boulangers signataires et, en application du règlement intérieur, dont le demandeur se prévalait dans ses conclusions d'appel, de retirer à ceux qui n'en exécuteraient pas les obligations le label boulanger authentique ainsi que les moyens publicitaires mis à leur disposition " ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et de l'ordonnance qu'il confirme que la Fédération X, présidée par Raymond S, a entrepris, en avril 1991, une campagne de publicité invitant les consommateurs à s'approvisionner en pain " traditionnel " auprès des boulangers " authentiques ", affichant dans leurs vitrines la Charte du boulanger authentique, et s'engageant, d'une part à proposer chaque jour une ou plusieurs fabrications certifiées sur préfermentation de levain ou " poolish ", d'autre part à accomplir le cycle complet de fabrication avec pétrissage, fermentation, cuisson, dans le respect des règles d'hygiène, enfin à ne jamais présenter à la vente un pain traditionnel issu de la pâte surgelée ; qu'un article publicitaire, publié dans le journal Courrier de l'Ouest du 30 avril 1991, a été repris dans un prospectus diffusé en cent mille exemplaires, avec la liste de 256 boulangers du département signataires de la Charte ; que ce prospectus, intitulé " les boulangers authentiques s'engagent, sachez les reconnaître ", a vanté les mérites de la fabrication réalisée par les artisans affichant la Charte ;

Attendu qu'à la suite de cette publicité, les agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes ont effectué une enquête, auprès de dix boulangers " pris au hasard " parmi les signataires de la Charte, chez lesquels ils ont relevé divers manquements aux règles d'hygiène et de fabrication annoncées, et une infraction à l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 ; qu'au vu de leur procès-verbal, daté du 15 juillet 1991, le procureur de la République a requis, le 20 septembre 1991, une information contre Raymond S, du chef de publicité de nature à induire en erreur, ainsi que la cessation de la publicité incriminée ; que par ordonnance du 23 septembre 1991, le juge d'instruction a prescrit la cessation immédiate de la publicité jointe en copie, désignée comme " la Charte du boulanger authentique ", et la saisie de ses supports ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction, en date du 21 décembre 1991, refusant la mainlevée de cette mesure, la chambre d'accusation énonce, par les motifs reproduits au moyen, d'une part que la publicité incriminée crée une confusion dans l'esprit d'un consommateur normalement attentif, sur la méthode de fabrication du pain traditionnel, d'autre part qu'elle est mensongère, en ce qu'elle fait abstraction des additifs d'origine chimique ou végétale qui entrent dans la composition des pains présentés comme " naturels " ; que par motifs adoptés, les juges relèvent encore que, contrairement à ce qui est affirmé dans la Charte, le froid est utilisé pour le blocage des pâtes, et certaines règles d'hygiène ne sont pas respectées ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, desquelles il résulte que les divers supports de la campagne publicitaire incriminée, notamment la Charte et le prospectus annexés à l'ordonnance du 23 septembre 1991, étaient indissociables, et comportaient des allégations dont la sincérité et l'exactitude étaient sérieusement contestées, la chambre d'accusation, qui a en outre retenu que la Fédération X présidée par le demandeur ne disposait d'aucun pouvoir effectif de vérification du respect de leurs engagements par ses adhérents, a justifié sa décision sans encourir les griefs invoqués ;d'où il suit que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.