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Décisions

Cass. crim., 12 octobre 1994, n° 93-84.197

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Jorda

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

TGI Nanterre, 15e ch., du 1er déc. 1992

1 décembre 1992

LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par C Patrick, la société Banque X, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 8 juillet 1993, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 100 000 F d'amende et à des réparations civiles, a ordonné la publication de la décision, et a déclaré la seconde civilement responsable; - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-1 et 44-2 de la loi du 27 décembre 1973, 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance de motifs et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick C coupable de publicité de nature à induire en erreur, et l'a condamné à une amende de 100 000 F et à la publication de la décision par extraits et à des indemnités envers les parties civiles;

"aux motifs que selon le procès-verbal de délit établi par les services de la répression des fraudes, une affiche comportait des mentions présentées de façon très diverses: la mention "placement à" en lettres rouges et en caractères de 13 cm, la mention "27 %" également en lettres rouges et en caractères de 50 cm, la mention " gagnez 27 % sans risque " en lettres noires sur blanc d'une hauteur de 9,5 cm; qu'enfin la mention "en 3 ans" à laquelle renvoyait la précédente mention au moyen d'un astérisque, était, quant à elle, inscrite en caractères de 4 cm et demi, dans le cadre inférieur gauche et dans une couleur blanche striée de lignes noires lui donnant l'apparence du gris; que la mention de renvoi à la durée de trois ans, exprimée, par rapport aux autres mentions, en très petits caractères, à un endroit et selon une couleur peu remarquable et même, pour un automobiliste, illisible, faisait courir aux lecteurs - et en conséquence aux consommateurs - le risque d'être induits en erreur; que la publicité litigieuse s'adressait à un consommateur moyen qui, n'étant pas nécessairement au fait des questions de placement de capitaux, pouvait penser que le pourcentage d'intérêt annoncé lui serait servi annuellement; qu'il importe peu d'un taux de 27 % sur un an soit inconcevable, ni qu'aucun consommateur ne se soit plaint; qu'il suffit en effet de constater que par son caractère équivoque et ambigu ladite publicité pouvait induire en erreur le large public auquel elle s'adressait; que de même, il importe peu que ladite publicité ait recueilli l'avis favorable du BVP ou l'aval de la COB, ces avis concernant un film publicitaire ainsi qu'une fiche de souscription et une note d'information, tous éléments qui même s'ils reprenaient à l'identique les éléments de l'affiche ne peuvent être appréciés de la même façon que celle dont cette dernière pouvait être perçue par le public; que dès le 12 février 1992, la COB appelait l'attention sur la nécessité de mentionner dans les messages publicitaires le taux de rendement actuariel annuel brut garanti et précisait que toute autre information relative à la rémunération garantie devait figurer en caractères moins apparents sur les supports écrits et être exprimés en termes plus discrets sur tout autre support;

"alors, d'une part, que la disproportion des mentions de la publicité litigieuse entre le taux d'intérêt servi et la durée sur laquelle ce taux était garanti, dès lors que cette dernière était visible à l'oeil nu et dans la mesure où l'astérisque qui y renvoyait suivait immédiatement l'indication du taux de 27 % et figurait dans la même typographie que ce dernier, ne pouvait en l'espèce induire en erreur un consommateur moyen, normalement intelligent, instruit et attentif, dont le sens critique n'a pas été pris en compte par l'arrêt qui l'a dispensé, dans son appréciation, de tout effort d'attention ou de réflexion et qui, de ce chef, n'est pas légalement justifié;

"alors, d'autre part, que le consommateur était d'autant moins susceptible d'être induit en erreur par le contenu et la présentation de l'affiche incriminée assurant la promotion d'un fond commun de placement à taux minimum garanti à moyen terme, qu'à l'époque considérée, un très grand nombre d'établissements financiers avaient également promu ce même produit à un taux d'ailleurs moins élevé, de sorte que le consommateur devant être replacé dans le contexte publicitaire contemporain de la période à laquelle la publicité critiquée a été diffusée ne pouvait être induit en erreur, tant par le contenu que par la présentation du message publicitaire, qui se fondaient dans un environnement publicitaire global qu'il appartenait à l'arrêt de prendre en compte;

"et alors, enfin que la publicité incriminée était d'autant moins susceptible d'induire son lecteur en erreur, en l'état de l'avis favorable donné par le bureau de vérification de la publicité sur les éléments de l'affiche litigieuse, et nonobstant la recommandation de la COB du 12 février 1992, intervenue précisément dans le cadre d'un contexte publicitaire global de promotion envers le consommateur par les établissements financiers des mérites d'un fond commun de placement à taux minimum garanti à moyen terme, appelant l'attention des annonceurs sur la nécessité de mentionner le taux de rendement actuel annuel brut garanti, intervenue posociétérieurement à la promotion critiquée du 20 janvier au 6 février 1992 du produit financier "H Performance";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié l'allocation au profit des parties civiles des indemnités propres à réparer le préjudice découlant de cette infraction; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-1 et 44-2 de la loi du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 5 janvier 1988, 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance de motifs et manque de base légale;

"en ce que ni l'arrêt attaqué ni le jugement qu'il confirme, qui ont reçu les associations UFC 92, UFCS et ORGECO en leurs constitutions de partie civile du chef de publicité de nature à induire en erreur, et condamné Patrick C à payer à chacune d'elles la somme de 2 500 F à titre de dommages-intérêts, et la somme de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ne constatent l'agrément de ces associations pour agir à cette fin au sens de l'article 1er de la loi du 5 janvier 1988 relative aux actions en justice des associations agréées de consommateurs ";

Attendu qu'à aucun moment de la procédure le prévenu n'a contesté la qualité pour intervenir comme parties civiles des associations "Union des consommateurs des Hauts-de-Seine", "Union féminine civique et sociale", " Organisation générale des consommateurs";

Que le moyen, mélangé de fait et nouveau, est, comme tel, irrecevable;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette les pourvois.