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Décisions

Cass. crim., 14 février 1996, n° 95-80.913

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Mistral

Avocat général :

M. Libouban

Avocats :

SCP Ryziger, Bouzidi

TGI Paris, 31e ch., du 21 mars 1994

21 mars 1994

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par L Catherine, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 7 décembre 1994, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à 10 000 F d'amende avec sursis, et a ordonné la publication de la décision. - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et L. 121-5 du Code de la consommation, 115 de la loi du 24 juillet 1966, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

"en ce que la décision attaquée a déclaré la demanderesse coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ;

"aux motifs qu'elle est directeur général de la société X au nom de laquelle une publicité mensongère ou de nature à induire en erreur aurait été faite, et qu'elle est titulaire d'une délégation de pouvoirs ;

"alors qu'aux termes de l'article L. 121-5 du Code de la consommation, si le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants ; que ce texte n'implique pas que tout mandataire social d'une personne morale puisse être poursuivi ; qu'en ce qui concerne les sociétés anonymes, il fait peser sur le président du conseil d'administration une présomption de responsabilité, dont celui-ci peut se décharger en démontrant qu'il a conféré à toute autre personne une délégation aux fins d'effectuer une campagne de publicité donnée ; que le fait qu'un directeur général dispose d'une délégation générale de pouvoirs en vertu de l'article 115 de la loi du 24 juillet 1966, ne le rend pas automatiquement responsable des infractions à l'article L. 121-1 du Code de la consommation ; qu'il n'en est autrement que s'il a participé à la commission de l'infraction, notamment en prenant part à l'animation de la campagne incriminée ; qu'en l'espèce actuelle, la décision attaquée qui constate simplement que Catherine L était directeur général de la société X et titulaire d'une délégation générale de pouvoirs n'a pas caractérisé la responsabilité pénale de celle-ci" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

"en ce que la décision attaquée a déclaré la demanderesse coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur le consommateur ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que la société X, dont elle est directeur général, a fait diffuser à des lectrices potentielles 2 séries de documents publicitaires élaborés sur le même principe appelés "package" "grid" ou "loto grid" qui comportaient, principalement, outre un bulletin de participation à cette loterie, en ce qui concerne le package grid, une lettre d'accompagnement indiquant " le jack-pot " vous permet de gagner un ou plusieurs livres inédits. En nous retournant cette carte, non seulement vous recevrez aussitôt vos livres gratuits mais une carte jack-pot et une enveloppe réponse contenant au dos les mentions suivantes : "à tout moment vous restez libre de retourner votre colis et de suspendre ainsi votre collecte" ou si après avoir reçu vos romans gratuits, vous ne désirez pas recevoir d'autres livres, il suffira de nous le faire savoir par simple lettre ; en ce qui concerne le "loto grid", une lettre d'accompagnement indiquant : " vous pouvez aussi gagner des cadeaux et des livres. Pour cela regardez votre billet cadeau n° 5. Bien sûr le fait de recevoir un ou plusieurs livres ne vous engage à rien. Vos livres gratuits vous sont définitivement acquis. Si vous n'étiez pas entièrement séduite, il vous suffirait de nous le faire savoir par un petit courrier et nous annulerions nos envois" et un billet cadeau n° 5 répétant la formule "le fait de recevoir vos cadeaux ne vous engage à rien" et précisant au dos, en petits caractères : "à la réception de vos livres gratuits, si vous ne souhaitez pas en recevoir d'autres, il vous suffit de cocher cette case ", et une enveloppe réponse rappelant : "si après avoir reçu vos romans gratuits, vous ne désirez pas recevoir d'autres livres, il vous suffira de nous le faire savoir par simple lettre" ; qu'ainsi, d'une lecture exhaustive de 3 des 4 ou 7 documents contenus dans chaque envoi, il ressort que le seul fait pour une consommatrice de retourner le bulletin "jack-pot" ou billet cadeau lui permettant de recevoir des livres gratuits, entraînait l' envoi systématique de livres payants à son domicile ; qu'elle se retrouvait abonnée et donc engagée sans qu'il y ait eu signature d'un quelconque bon de commande et qu'une démarche supplémentaire distincte, cocher une case placée à un endroit particulièrement peu visible, ou écrire à la société, était nécessaire pour se dégager de ses obligations ; qu'il apparaît dès lors que l'affirmation qui ponctue régulièrement le message publicitaire, le fait de recevoir vos cadeaux ne vous engage à rien, était fausse ;

"et aux motifs propres que le consommateur moyen était susceptible d'être induit en erreur ; qu'en effet, à défaut d'une lecture très attentive des multiples documents à lui nominativement adressés il se retrouvait abonné et donc engagé sans avoir signé le moindre bon de commande et sans réaliser aucune démarche distincte cocher une case située à un endroit peu visible, écrire à la société ou renvoyer les livres était nécessaire pour se dégager de ses obligations ;

"alors, d'une part, qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que les destinataires des documents publicitaires étaient avisés que si après avoir reçu les documents gratuits ils ne désiraient pas recevoir d'autres lettres, il suffirait de le faire savoir par simple lettre, et qu'en outre, en ce qui concerne le "loto grid" une case spéciale permettait, dès l'origine, de ne pas recevoir d'autres livres ; que, les juges du fond n'ont pas constaté qu'en cas de courrier refusant de recevoir des livres, au cas où la case n° 5 aurait été cochée, des livres aient été envoyés ; que les juges du fond n'ont donc pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations en considérant que le consommateur moyen pouvait être induit en erreur ;

"alors, d'autre part, que si la décision attaquée a par adoption des motifs des premiers juges considéré que le billet cadeau n° 5 joint au loto grid contenait au dos en petits caractères "à la réception de vos livres gratuits, si vous ne souhaitez pas en recevoir d'autres, il vous suffit de cocher cette case", les juges du fond n'ont pas constaté que les caractères s'ils étaient petits n'aient pas été lisibles ; que si les juges du second degré ont précisé que la case à cocher était située à un endroit peu visible, ils n'ont pas autrement précisé leur pensée sur ce point, de telle sorte que leur décision est insuffisamment motivée" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, de l'article R. 40-12° du Code pénal, subsidiairement de l'article R. 635-2 du nouveau Code pénal, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :

"en ce que la décision attaquée a déclaré la demanderesse coupable de publicités mensongères ;

"aux motifs adoptés des premiers juges qu'il résulte d'une lecture exhaustive de 3 des 4 ou 7 documents contenus dans chaque envoi que le seul fait pour une consommatrice de retourner le bulletin ("jack-pot" billet cadeau) lui permettant de recevoir des livres gratuits entraînait l'envoi systématique de livres payants à son domicile ; qu'elle se retrouvait abonnée et donc engagées sans qu'il y ait une signature d'un quelconque bon de commande, et qu'une démarche supplémentaire distincte cocher une case placée à un endroit particulièrement peu visible ou écrire à la société était nécessaire pour se dégager de ses obligations ;

"et aux motifs propres que le consommateur, à défaut d'une lecture très attentive des multiples documents à lui nominativement adressés se retrouvait abonné et donc engagé sans avoir signé le moindre bon de commande et sans réaliser aucune démarche distincte cocher une case située à un endroit peu visible, écrire à la société ou renvoyer les livres était nécessaire pour se dégager de ses obligations ;

"alors que les faits constatés par la décision attaquée constituent non le délit de publicité mensongère, mais la contravention de vente forcée prévue par l'article R. 40-12° du Code pénal et par l'article R. 635-2 du nouveau Code pénal consistant à envoyer un objet accompagné d'une correspondance indiquant qu'il peut être accepté contre versement d'un prix fixé ou renvoyé à son expéditeur, même si ce renvoi peut être fait sans frais pour le destinataire";

Les moyens étant réunis; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société X, dont Catherine L est directeur général, a offert à des lecteurs éventuels l'envoi de livres à titre gratuit; que, selon les documents publicitaires, le cadeau reçu n'engageait pas le destinataire; que d'autres mentions de ces documents, toutefois, invitaient le consommateur à faire connaître, en cochant une case ou en écrivant, qu'il ne souhaitait pas recevoir de la société d'autres livres, lesquels, faute de ce refus, lui étaient adressés contre paiement; que Catherine L est poursuivie pour publicité de nature à induire en erreur ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de ce délit, les juges du second degré, par motifs propres ou adoptés, relèvent que "la présentation ambiguë des documents publicitaires était de nature à induire le consommateur moyen en erreur";qu'ils retiennent "que celui-ci se trouvait abonné, sans avoir signé le moindre bon de commande et sans réaliser qu'une démarche distincte était nécessaire pour se dégager de ses obligation";qu'ils en déduisent" que l'affirmation qui ponctue régulièrement le message publicitaire le fait de recevoir vos cadeaux ne vous engage à rien était fausse";qu'ils ajoutent que Catherine L, en sa qualité de directeur général de la société, a organisé la campagne publicitaire;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, caractérisant, sans insuffisance, tant le délit poursuivi que la responsabilité pénale de la prévenue au regard de l'article L. 121-5 du Code de la consommation, la cour d'appel, qui n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens, n'a pas encouru les griefs allégués ;d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.