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Décisions

Cass. crim., 17 janvier 1996, n° 95-82.516

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Comité national contre le tabagisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Verdun

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

Mes Choucroy, Cossa

TGI Paris, 31e ch., du 25 oct 1994

25 octobre 1994

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par F Guy, la société T, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 12 avril 1995, qui, dans les poursuites exercées contre le premier pour publicité illicite en faveur du tabac, l'a condamné à 50 000 F d'amende, a déclaré la seconde civilement responsable, et a prononcé sur les intérêts civils. - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société T a organisé un concours gratuit dont les participants devaient, au moyen d'un bulletin distribué dans les bureaux de tabac, répondre à des questions relatives à des routes américaines figurant, en croquis, sur les paquets d'une marque de cigarettes ; que Guy F, dirigeant de cette société, a été cité pour publicité illicite en faveur du tabac, en application notamment des dispositions des articles 2 et 3 de la loi du 9 juillet 1975, modifiée, devenus les articles L. 355-25 et L. 355-26 du Code de la santé publique ;

En cet état ; - Sur le premier moyen de cassation : (sans intérêt) ;

Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des article 1, 2, 8, 12, 15 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976, L. 121-36 et suivants du Code de la consommation, L. 355-25 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de publicité illicite en faveur du tabac et a déclaré la société T civilement responsable de son préposé ;

"aux motifs qu'il est constant que la société T, dont Guy F est le Président-directeur général, a conçu et fait éditer les prospectus litigieux mis à la disposition du public dans les débits de tabac et a facturé ses honoraires à la société RJ R TGmbh ; que ces prospectus destinés à circuler ne peuvent être assimilés aux affichettes mentionnées à l'article 2 alinéa 2 de la loi anti-tabac ; que, vainement, le prévenu soutient que le jeu de loterie était régulier au regard des dispositions de la loi du 21 mai 1836 et des articles L. 121-36 et suivants du Code de la consommation dès lors que le comité national contre le tabagisme dénonce exclusivement des faits de publicité illicite en faveur du tabac ; que la Cour observe, que s'il était effectivement possible aux consommateurs intéressés de répondre aux questions posées sans avoir à examiner les paquets de cigarettes W, il est toutefois manifeste que les prospectus litigieux incitaient fortement, par leur libellé, tous les lecteurs voulant gagner un " fabuleux voyage " à rechercher les paquets de cigarettes comportant une illustration des routes américaines concernées, c'est-à-dire ceux de la marque W et, par là même, à les acheter pour pouvoir utilement consulter les croquis figurant exclusivement au verso ; que la Cour est d'ailleurs convaincue que c'était le seul but de ce jeu de loterie qui dissimulait en réalité une opération de promotion commanditée et payée par la société R en faveur de produits du tabac ; qu'au demeurant, les précautions prises par Guy F pour ne pas faire figurer la marque W sur les prospectus critiqués, loin de l'exonérer de toute responsabilité, démontrent, bien au contraire, qu'il avait pleinement conscience du caractère illicite de ses agissements et cherchait ainsi à les déguiser ";

"alors que, d'une part, seule est interdite la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir dans un chef péremptoire de ses conclusions d'appel laissé sans réponse, que la société T avait pris toutes les précautions nécessaires afin de ne pas évoquer " par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif le tabac ou un produit du tabac " ; que le seul fait d'avoir indiqué aux consommateurs que l'on pouvait regarder des paquets de cigarettes ne constitue pas une incitation à l'achat d'autant moins que les questions posées étaient très simples et que chacun pouvait y répondre sans avoir à prendre connaissance des paquets de cigarettes W ou de toute autre marque " ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pu sans se contredire, retenir, tout à la fois, qu'il était effectivement possible aux consommateurs de répondre aux questions posées sans avoir à examiner les paquets de cigarettes W et retenir l'exposant dans les liens de la prévention du chef de publicité illicite en faveur du tabac, une telle circonstance excluant toute publicité directe ou indirecte " ;

Attendu que, pour déclarer Guy F coupable de publicité illicite en faveur du tabac, les juges du second degré relèvent que le concours incriminé, commandité par la société d'exploitation d'une marque de tabac, avait pour seul objet d'inciter les éventuels participants à consulter, voire à acheter les paquets de cigarettes de cette marque, sur lesquels figuraient les réponses aux questions posées; qu'ils ajoutent que, malgré les précautions prises pour de ne pas faire apparaître le nom de la marque sur les bulletins de participation, le prévenu, conscient de l'illicéité de la publicité ainsi réalisée, n'a cherché qu'à la déguiser;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance et de contradiction, et procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.