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Décisions

Cass. crim., 26 mars 1997, n° 95-85.620

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Ministère public, Comité national contre le tabagisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Verdun

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

SCP Rouvière, Boutet, Me Cossa

Paris, 13e ch., du 19 oct. 1995

19 octobre 1995

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par D Christian, la société anonyme C, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 19 octobre 1995, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné le premier à 150 000 F d'amende, a déclaré la seconde civilement responsable, et a prononcé sur les intérêts civils. - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société C a commercialisé, au mois de juin 1994, des briquets jetables sur lesquels était reproduit le nom d'une marque de cigarettes ; que Christian D, directeur général de cette société, a été condamné pour publicité illicite en faveur du tabac, sur le fondement de l'article L. 355-25 du Code de la santé publique ;

En cet état ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du Code pénal, L. 355-25, L. 355-26 du Code de la santé publique, 2, 12 de la loi du 9 juillet 1976, dans sa rédaction issue de la loi du 10 janvier 1991, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale, violation du principe de la légalité des infractions et des peines, de la règle de l'interprétation restrictive de la loi pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian D, directeur général de la société C, coupable de publicité illicite en faveur du tabac et l'a, en répression, condamné à une amende de 150 000 F ainsi qu'à des réparations civiles au bénéfice du CNCT, tout en déclarant la société C civilement responsable ;

" aux motifs que l'article 2 de la loi du 9 juillet 1976, dans sa rédaction issue de la loi du 10 janvier 1991, devenu l'article L. 355-25 du Code de la santé publique, interdit toute propagande ou publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou des produits du tabac ; que la publicité est un acte de communication impersonnel par lequel un annonceur entend susciter ou développer la demande d'un produit, quel qu'en soit le support ; qu'ainsi un briquet peut servir de support à une publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ou d'un produit du tabac ; que le législateur a défini la propagande ou publicité indirecte comme étant celle faite en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac ou un produit du tabac ; qu'il n'est pas reproché à Christian D un acte de publicité ou de propagande en faveur d'un produit autre qu'un produit du tabac, mais bien en faveur d'une marque de cigarettes, le mot " Marlboro " évoquant nécessairement une marque de cigarettes connue et non un quelconque bien ou service ; qu'en effet cette marque est connue avant tout comme une marque de cigarettes et qu'au surplus le mot " Marlboro " était imprimé sur les briquets commercialisés par la société C avec le graphisme utilisé par la marque de cigarettes du même nom ; que cette utilisation d'une marque de tabac incite bien évidemment à la consommation de ce produit ; qu'il s'agit donc d'un acte de publicité directe en faveur d'un produit du tabac, entrant dans le champ d'application de l'article L. 355-25 du Code de la santé publique ; que l'exception prévue par l'article 3, alinéa 2, de la loi est vainement soutenue par le prévenu et la société C puisque, d'une part, cette dérogation est limitée à la publicité indirecte et, d'autre part, qu'il existe un lien financier entre la société C et la société productrice des cigarettes Marlboro, comme le reconnaissent les intéressés eux-mêmes ; qu'ainsi l'infraction est caractérisée dans tous ses éléments et que le jugement doit être confirmé ;

" alors que ne saurait constituer une publicité directe en faveur d'un produit du tabac, en l'occurrence une marque de cigarettes, le fait de mettre en vente, exclusivement dans l'enceinte des débits de tabac, et sans aucune publicité, des briquets sur une face desquels a été apposé le mot " Marlboro " ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel, qui, de surcroît, s'est abstenue de rechercher si la société C était intéressée aux effets de cette publicité, a violé les textes visés au moyen " ;

Attendu que, pour caractériser l'infraction, la juridiction du second degré énonce que la commercialisation de briquets qui, par le rappel d'une marque de cigarettes connue, incitent à la consommation de ce produit constitue un acte de publicité illicite en faveur du tabac; Qu'en l'état de ces seuls motifs, et dès lors que la publicité indirecte ainsi réalisée ne relève pas du champ d'application de l'exception prévue par l'article L. 355-26, alinéa 2, du Code de la santé publique, laquelle ne s'applique pas aux produits distribués, à des fins publicitaires, sous la marque d'un produit du tabac, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Qu'en effet toute diffusion d'objets participant à la promotion du tabac ou des produits du tabac pour inciter à l'achat constitue, quel qu'en soit l'auteur, une publicité ou une propagande interdite par l'article L. 355-25 du Code de la santé publique; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 59, 60 du Code pénal, 121- 6, 121-7 du nouveau Code pénal, L. 355-25, L. 355-26 du Code de la santé publique, 2, 12 de la loi du 9 juillet 1976 dans sa rédaction issue de la loi du 10 janvier 1991, 388, 512, 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian D, directeur général de la société C, coupable de publicité illicite en faveur du tabac et l'a, en répression, condamné à une amende de 150 000 F, ainsi qu'à des réparations civiles au bénéfice du CNCT, tout en déclarant la société C civilement responsable ;

" alors, d'une part, que la juridiction répressive ayant été saisie, par citation directe de faits qualifiés de complicité de publicité illicite en faveur du tabac, qualification retenue par les premiers juges, la cour d'appel ne pouvait confirmer le jugement, tout en modifiant la qualification retenue pour condamner le prévenu comme auteur principal du délit, sans que celui-ci ait expressément accepté d'être jugé en cette qualité ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a excédé les limites de sa saisine, a violé les textes visés au moyen ;

" alors, d'autre part, qu'en supposant que la cour d'appel ait pu requalifier les poursuites elle ne pouvait cependant condamner Christian D sans constater à sa charge l'existence d'un fait personnel dans les conditions du droit commun ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision en prononçant à son encontre une condamnation fondée sur le seul fait d'une mise en vente du briquet litigieux et sans constater notamment l'existence de l'élément intentionnel de l'infraction " ;

Attendu que, pour condamner Christian D non comme complice mais comme auteur principal du délit poursuivi, les juges du second degré retiennent que la société qu'il dirige a assuré la commercialisation, sous la marque d'un produit du tabac, de briquets fabriqués par une société du même groupe, titulaire d'une licence de marque concédée par un producteur de tabac ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, caractérisant le fait personnel du prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision sans excéder les limites de sa saisine ; Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.