Cass. crim., 28 septembre 1994, n° 92-84.302
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Procureur général près la Cour d'appel de Lyon, UFC de la Loire - Que choisir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Souppe (faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Verdun
Avocat général :
M. Amiel
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Me Capron.
Cassation et cassation partielle sur les pourvois formés par le procureur général près la cour d'appel de Lyon, l'Union fédérale des consommateurs de la Loire (UFCL) Que Choisir ?, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 1er juillet 1992, qui, dans les poursuites exercées contre Martine Y, épouse Z, pour publicité de nature à induire en erreur et contraventions aux dispositions des articles 6 de la loi du 23 juin 1989, 1 et 4 du décret du 16 mai 1990, a prononcé la relaxe de la prévenue.
LA COUR : - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation du procureur général pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs :
" en ce que la cour d'appel a renvoyé la prévenue des fins de la poursuites ;
" aux motifs que la publicité incriminée, qui annonce " pour la première fois une agence matrimoniale est accessible à partir de 900 F ", ne constitue pas une allégation ou une indication ou une présentation fausse ou de nature à induire en erreur ;
" alors, d'une part, que cette annonce s'appliquait en réalité, sans le préciser, à la possibilité d'accéder à un fichier Minitel dont la consultation est un service payant, ce qui interdisait de considérer qu'un service quelconque était offert " à partir de 900 F ", hormis un autre service payant ;
" et alors, d'autre part, que la circonstance que la redevance Minitel ne profitait pas à la prévenue était inopérante comme portant sur un élément étranger aux éléments constitutifs de la publicité mensongère " ;
Et sur le premier moyen proposé par la partie civile, pris dans les mêmes termes ; - Les moyens étant réunis ; - Vu lesdits articles, ensemble l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, devenu l'article L 121-1 du Code de la consommation ; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Martine Z, qui exploite en franchise une agence matrimoniale " X " à Saint-Étienne, a fait paraître, le 6 novembre 1990, une publicité annonçant " Pour la première fois une agence matrimoniale est accessible à partir de 900 F " ; que l'enquête a révélé que le contrat ainsi proposé permettait aux bénéficiaires d'accéder pendant 1 mois, par un service télématique, au fichier régional et national " X ", à l'aide d'un code et d'un mot de passe, et moyennant le versement d'une redevance au centre serveur ; qu'à la suite de ces faits, Martine Z, poursuivie pour publicité de nature à induire en erreur, notamment sur le prix du service offert, a été condamnée par les premiers juges ;
Attendu que, pourinfirmer cette décision et relaxer la prévenue des fins de la poursuite, la cour d'appel relève que les sommes provenant de la redevance d'utilisation du Minitel ne profitent pas à " X " mais seulement aux sociétés qui ont conçu et réalisé le service d'information télématique, et qui en assurent le fonctionnement et la maintenance ;qu'elle ajoute que, l'expression " à partir de 900 F " employée dans la publicité impliquant qu'il s'agissait d'un coût plancher auquel pouvait s'adjoindre, le cas échéant, d'autres frais, la publicité incriminée n'était pas de nature à induire en erreur les clients éventuels sur le prix du service proposé ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, tout en relevant, par ailleurs, que l'utilisation corrélative de la messagerie télématique à laquelle le contrat proposé donnait accès emportait nécessairement le versement d'une redevance complémentaire dont l'annonce ne précisait ni l'existence ni le montant, la cour d'appel, qui ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, affirmer que la publicité litigieuse n'était pas de nature à induire en erreur les clients éventuels sur le prix des services proposés, a privé sa décision de base légale ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen proposé par la partie civile et pris de la violation des articles 6-III, alinéa 2, de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989, 1 et 44° du décret n° 90-422 du 16 mai 1990, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé la prévenue du chef de contravention aux dispositions légales et réglementaires précitées ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne l'annonce personnalisée, le client est libre de refuser d'y faire figurer des mentions légales, celles-ci pouvant ne comporter que les qualités de la personne recherchée, telles que définies au paragraphe III de la loi ; que pour subtile qu'elle soit, la distinction faite par l'article 4 du décret entre les exigences relatives à l'annexe du contrat et celles relatives à l'annonce personnalisée est logique ; qu'en l'espèce, certaines annonces précisaient toutefois telle ou telle caractéristique particulière de la personne recherchée ;
" alors qu'aux termes des articles 6-III, alinéa 2, de la loi, 1 et 44° du décret précité, l'annonce personnalisée diffusée par l'intermédiaire d'un professionnel pour proposer des rencontres en vue de la réalisation d'un mariage ou d'une union stable doit préciser le sexe, l'âge, la situation de famille, le secteur d'activité professionnel et la région de résidence de la personne concernée ainsi que les qualités de la personne recherchée par elle ; que la cour d'appel, qui, tout en constatant la non-conformité des annonces aux prescriptions réglementaires, énonce que le client est libre d'accepter ou de refuser d'y faire figurer les mentions précitées, en se fondant sur une distinction inexistante entre l'annexe du contrat et les mentions obligatoires de l'annonce, viole l'ensemble de ces dispositions " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 6-IV de la loi du 23 juin 1989 ; - Attendu que, aux termes de l'article 44° du décret du 16 mai 1990, est punissable des peines d'amende prévues pour les contraventions de la 5e classe le professionnel qui diffuse une annonce personnalisée, pour proposer des rencontres en vue de la réalisation d'un mariage ou d'une union stable, non conforme aux prescriptions du III de l'article 6 de la loi du 23 juin 1989 ;
Attendu que Martine Z, poursuivie sur le fondement des articles 6-III de la loi du 23 juin 1989, 1 et 44° du décret du 16 mai 1990, pour avoir diffusé des annonces matrimoniales ne comportant pas la catégorie d'âge, la situation familiale et professionnelle, la région de résidence et les qualités essentielles de la personne recherchée par le client, a été condamnée en première instance ;
Attendu que, pour infirmer cette décision et relaxer la prévenue, les juges d'appel énoncent qu'il résulte du rapprochement des textes servant de base aux poursuites que seule est punissable la diffusion d'une annonce personnalisée ne mentionnant pas les qualités essentielles de la personne recherchée, telles que visées au paragraphe III de l'article 6 de la loi du 23 juin 1989 ; qu'ils ajoutent que, certaines des annonces comportant telle ou telle qualité estimée essentielle par le client, les infractions reprochées ne sont pas constituées ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que selon l'article 1er du décret du 16 mai 1990, pris pour l'application de l'article 6-III de la loi précitée, toute annonce personnalisée diffusée par l'intermédiaire d'un professionnel doit mentionner la catégorie d'âge, la région de résidence, la situation familiale et professionnelle ainsi que les autres qualités estimées essentielles par le cocontractant du professionnel, de la personne recherchée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte sus-rappelé ;
Que la cassation est, donc, derechef encourue ;
Par ces motifs : casse et annule, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Lyon, en date du 1er juillet 1992 : 1° en toutes ses dispositions pénales et civiles relatives aux poursuites du chef de publicité de nature à induire en erreur ; 2° en ses seules dispositions civiles relatives aux poursuites pour contraventions aux dispositions des articles 6 de la loi du 23 juin 1989, 1 et 4 du décret du 16 mai 1990 commises postérieurement à l'entrée en vigueur de ce dernier texte, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée : renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Grenoble.