Cass. crim., 15 février 1982, n° 81-92.520
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Escande (faisant fonction)
Rapporteur :
M. Guérin
Avocat général :
M. de Sablet
Avocat :
SCP Waquet
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par G Bernard, la société anonyme X civilement responsable, contre un arrêt de la Cour d'appel d'Orléans (chambre correctionnelle) en date du 24 avril 1981 qui, sur renvoi après cassation a condamné le premier, pour complicité de publicité de nature à induire en erreur, à 10 000 F d'amende, a ordonné la cessation de la publicité ainsi que la publication de l'arrêt et a déclaré ladite société civilement responsable ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44, paragraphe II, alinéa 7 de la loi du 27 décembre 1973, 60, alinéa 3 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu G pour complicité de publicité mensongère par instructions et fourniture de moyens, sans constater la mauvaise foi du prévenu ;
"alors que l'article 44 susvisé de la loi du 27 décembre 1973 prévoit que la complicité de publicité mensongère est punissable dans les conditions du droit commun ; que la preuve de la mauvaise foi du complice doit donc être rapportée pour que celui-ci puisse être condamné ; que l'arrêt attaqué qui ne constate pas que ce prétendu complice avait connaissance du caractère mensonger de la publicité qu'il suggérait, est ainsi privé de base légale ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-I de la loi du 27 décembre 1973, 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu pour complicité de publicité mensongère ;
"au motif que l'usage du terme et de la marque "expert" dans les annonces publicitaires était de nature à faire croire au consommateur que l'annonceur possédait "une compétence exceptionnelle" que n'ont pas forcement tous les membres de X ;
"alors que, d'une part, ne constitue pas le délit de publicité mensongère le fait d'utiliser dans une publicité, le mot "expert", lequel ne comporte aucune définition légale et n'avait été employé que dans son acception usuelle de "personne possédant une certaine compétence due à son expérience professionnelle dans un certain domaine" ;
"alors que, d'autre part, la cour a admis en un autre motif que le terme "expert" signifiait seulement "habile, expérimenté, capable" et qu'elle a reconnu, comme l'y invitaient les conclusions du demandeur, que l'organisation de X permettait de réaliser une certaine sélection des vendeurs ; que la contradiction de motifs est donc flagrante et doit entraîner la cassation ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que la société anonyme X, dont G Bernard est le président, a acquis d'un groupe allemand de commerçants, la concession de l'usage en France de la marque "expert" ; qu'elle a autorisé les membres de la coopérative à utiliser cette marque pour l'exploitation de leur commerce d'appareils de radio, et de télévision ; que du 17 au 23 novembre 1977 D, commerçant à Mâcon et sociétaire de X, a fait paraître dans la presse locale une annonce intitulée " TV les sélections d'expert ", les 4 types de postes de télévision présentés portant à coté la mention "prix expert", ce terme étant imprimé en caractères identiques aux autres mentions ; que ladite publicité a été faite sur les instructions données par X ; que seul G, en sa qualité de président de la coopérative, a été cité devant le tribunal correctionnel, du chef de publicité de nature à induire en erreur, délit prévu et puni par l'article 44 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Attendu que, pour déclarer G coupable après disqualification, de complicité de ladite infraction commise par D à Mâcon et la société X civilement responsable, la cour d'appel, énonce, d'une part, que pour le public français, ce terme "expert" implique l'idée d'une compétence exceptionnelle que ceux-ci étaient tenus de justifier ;qu'il est précisé dans l'arrêt, que pour l'agrément des adhérents, seuls ont été pris en considération la surface de vente et l'engagement de réaliser un certain chiffre d'affaires ;que, dès lors, une telle publicité où figure, en dehors de toute enseigne ou marque, le mot "expert", a été de nature à induire le contractant en erreur sur la véritable qualité et les capacités de l'annonceur ;
Attendu qu'il est, d'autre part, précisé par les juges que, selon les propres déclarations du prévenu, toute la publicité faite à Mâcon, par D a été tirée du guide publicitaire fourni par la coopérative à chaque adhérent et que ce commerçant a suivi les instructions données par cet organisme pour sa publicité ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs qui caractérisent la complicité du délit de publicité de nature à induire en erreur retenue à la charge du demandeur, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs d'insuffisance et de contradiction formulés aux moyens lesquels, dès lors, doivent être rejetés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 44 II de la loi du 27 décembre 1973, 4 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué interdit l'utilisation du terme "expert" dans les textes publicitaires et celle de ce même terme en tant que marque, sans que, dans ce cas, ce terme soit inclus dans un cadre et précédé de la mention "marque" ;
"alors que, d'une part, la cour d'appel, qui n'était saisie que d'une poursuite pour publicité mensongère, ne pouvait, sans violer les droits de la défense, se prononcer sur le caractère prétendument déceptif d'une marque dont l'Institut national de la propriété industrielle n'avait pas refusé le dépôt ;
"alors que, d'autre part, la cour ne pouvait sans se contredire, admettre, comme elle l'a fait, que l'utilisation du terme "expert" à titre de marque ou d'enseigne n'était pas trompeuse et ensuite en entourer l'utilisation de conditions telles que celle-ci devenait pratiquement impossible ;
"alors, enfin, que l'article 44 II de la loi du 27 décembre 1973 ne prévoit, dans le cadre de l'instance en publicité mensongère, que l'interdiction de la publicité qui fait l'objet des poursuites ; qu'en interdisant globalement toute une catégorie de publicités, qui dépassait considérablement le cadre de la publicité incriminée, la Cour d'Orléans a outrepassé les pouvoirs qui lui étaient confères par le législateur et a violé le principe de la légalité des peines ;
Vu lesdits articles ; - Attendu qu'aucune peine autre que celle appliquée par la loi à la nature de l'infraction ne peut être prononcée ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que G a été déclaré coupable de complicité par instructions données du délit de publicité de nature à induire en erreur commis par D dans l'arrondissement de Mâcon ; qu'il a été condamné de ce chef à une peine d'amende et à la peine complémentaire de la publication de l'arrêt ; qu'en outre, la cour d'appel a selon ses termes " ordonné d'office la cessation de la publicité condamnée à savoir l'utilisation du terme "expert" dans les textes publicitaires et celle de ce même terme en tant que marque, sans que, dans ce cas, ce terme soit inclus dans un cadre et précédé de la mention marque pour supprimer toute équivoque sur la qualité ou la compétence des utilisateurs de cette marque " ;
Mais attendu qu'en ordonnant, en vertu des dispositions de l'alinéa 3 du paragraphe II de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 cette mesure visant toute une catégorie de publicités sans aucune restriction, alors que, d'une part, G n'était prévenu d'aucune infraction à la loi 64- 1360 du 31 décembre 1964 et que, d'autre part, la complicité retenue à sa charge ne concernait que le délit de publicité de nature à induire en erreur, commis par D dans l'arrondissement de Mâcon, la cour d'appel a méconnu les principes sus-énoncés et violé les textes vises au moyen ;que, des lors, la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, casse et annule par voie de retranchement l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans en date du 24 avril 1981, mais dans ses seules dispositions qui ont ordonne d'office la cessation de la publicité en cause, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; et en application de l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ; attendu qu'il ne reste plus rien à juger ; dit n'y avoir lieu à renvoi.