Cass. crim., 22 mars 1995, n° 94-80.117
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon (faisant fonctions)
Rapporteur :
Mme Verdun
Avocat général :
M. Galand
Avocat :
Me Foussard.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par G Hervé, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, du 11 octobre 1993, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et à 80 000 F d'amende, et a ordonné des mesures de publication ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 32, 485, 486, 510, 512, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale ; en ce qu'il a déclaré Hervé G coupable du délit de publicité mensongère ;
Alors que la présence du ministère public s'impose à l'audience de lecture de l'arrêt ; que le présent arrêt a été rendu à l'audience publique du 11 octobre 1993 et prononcé par M. le président, en présence de Mme Hesry, greffier, sans que la présence du ministère public soit mentionnée ; que la cassation de l'arrêt doit être prononcée au regard des textes susvisés ;
Attendu que l'arrêt attaqué mentionne qu'il a été rendu à l'audience du 11 octobre 1993, en présence de M. Maitre, substitut du procureur général ; que, dès lors, le moyen, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ; en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hervé G coupable du délit de publicité mensongère, l'a condamné à la peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 80 000 F, et a ordonné la publication de la décision dans deux journaux ;
Aux motifs adoptés que la délégation de pouvoirs conférée à M. L n'entame pas la subordination du collaborateur à un supérieur hiérarchique pour la politique générale des ventes de l'entreprise ; que M. L dépend hiérarchiquement d'Hervé G, président- directeur général de la SA X, ce qui exclut qu'il soit responsable de la sincérité de la publicité et qu'il ait bénéficié de l'autonomie nécessaire pour en assumer la responsabilité (jugement p 3, in fine) ;
Aux motifs propres qu'Hervé G ne conteste pas qu'en matière de publicité mensongère, l'annonceur ne peut s'exonérer de sa responsabilité pénale qu'en démontrant qu'il s'est trouvé dans l'incapacité de contrôler personnellement la publicité litigieuse ; qu'en l'espèce, le magasin Y d'Agneaux est le seul que possède le prévenu, qui habite dans la même commune ; qu'il ne peut donc utilement prétendre que ses activités le mettaient dans l'impossibilité d'assurer personnellement le contrôle de la campagne de publicité qu'il avait lancée (arrêt p 3, antépénultième alinéa) ;
Alors que le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la commission de l'infraction de publicité mensongère, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale en apportant la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; que, faute d'avoir examiné la valeur et l'étendue de la délégation de pouvoirs du 2 mai 1989 au profit de M. L, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Vu lesdits articles ; - Attendu que, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans le cadre d'une campagne promotionnelle sur le matériel de bricolage, le "magasin Y" d'Agneaux a diffusé un dépliant publicitaire proposant à la vente divers articles dont certains se sont avérés indisponibles en magasin, et d'autres vendus à un prix supérieur à celui annoncé ; qu'Hervé G, président de la société d'exploitation du magasin, est poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur ;
Attendu que, pour écarter le moyen de défense du prévenu pris de l'existence d'une délégation de pouvoirs consentie le 2 mai 1989 au directeur du magasin concerné, la cour d'appel se borne à énoncer que le prévenu ne démontre pas qu'il se soit trouvé dans l'incapacité de contrôler personnellement la publicité litigieuse ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans examiner la valeur et l'étendue de la délégation de pouvoirs invoquée, la cour d'appel a méconnu le principe susénoncé ;que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs, casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la Cour d'appel de Caen, en date du 11 octobre 1993, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.