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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 8 février 1991, n° 4813-90

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vachet

Défendeur :

SGSC (SARL), Maison Française de Distribution (SARL), Tinthouin Conseil (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Merlin

Conseillers :

Mme Sabatier, M. Jauffret

Avoués :

SCP Jullien- Lecharny, Me Bommart, SCP Merlé-Doron

Avocats :

Mes Maria, Masson, Rancon-Cavenel, Mercier.

TGI Nanterre, du 16 mai 1990

16 mai 1990

Faits et Procédures

Il ressort des pièces et des écritures non contestées des parties que la Société de Gestion de Services et de Commercialisation dite SGSC, ainsi qu'elle sera ci-après désignée, s'est vue consentir par la CPCAM du Val de Marne, l'exploitation publicitaire des versos des décomptes de règlement de prestations, destinés aux assurés sociaux;

La société SGSC a confié à la société Thinthouin Conseil la promotion et la commercialisation de ce support publicitaire aux termes d'un contrat comportant une clause de ducroire par laquelle la société Tinthouin Conseil la garantit du paiement des sommes qui lui seraient dues par les annonceurs;

Monsieur Vachet, attiré par ce nouveau support publicitaire a, le 30 mai 1988, passé commande pour deux "vagues publi-promotionnelles" de 500 000 décomptes de la CPCAM et ce pour le compte de la société Maison Française de Distribution ;

Monsieur Vachet a réglé 30 % à la commande et a refusé de régler le solde de la première campagne et a dénoncé la seconde campagne envisagée par courrier du 9 Septembre 1988 au motif que les publicités déjà diffusées n'avaient pas eu les retombées commerciales qui pouvaient légitimement être attendues;

Dans ce contexte, et par acte des 14 et 5 juillet 1989, la SGSC a fait assigner M. Vachet, la société Tinthouhin Conseil et la société Maison Française de Distribution dite MFD devant le Tribunal de grande instance de Nanterre pour avoir paiement de la somme de 229 890,74 F avec intérêts de droit à compter du 21 novembre 1988 et de la somme de 275 000 F avec intérêts de droit à compter du jugement, outre la somme de 15 000 F à titre de frais non taxables ; cette demande s été formulée à titre principal contre M. Vachet et la société MFD et en cas de défaillance à l'encontre de la société Tinthouin ;

Par jugement en date du 16 mai 1990, le tribunal a :

- condamné M. Vachet à payer à la société SCSC la somme de 229 890,74 F outre les intéréts au taux légal à compter de l'assignation,

- débouté la demanderesse du surplus de ses demandes à l'encontre de la société MFD,

- débouté la société MFD et M. Vachet de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné M. Vachet au paiement de la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné la société Tinthouin Conseil à garantir la société SGSC en cas de défaillance de M. Vachet,

- condamné M. Vachet à garantir la société Thinthouin Conseil de cette condamnation;

Appelant de cette décision, Monsieur Vachet demande à la Cour, en l'infirmant, de :

- débouter la société SGSC de toutes ses demandes,

- de la condamner à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- subsidiairement de condamner la société SGSC à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre la société MFD,

- désigner expert afin de déterminer si le support publicitaire était extrêmement performant et donner toutes indications à la cour sur les préjudices subis ;

La société SGSC conclut à la confirmation du jugement en sa condamnation principale et en ce qu'il s condamné la société Tinthouin Conseil à garantir éventuellement M. Vachet ;

Pour le surplus, elle conclut à l'infirmation et demande la somme de 229 890,74 F avec intérêts à compter du 21 novembre 1989, la condamnation de MFD in solidum avec M. Vachet, le paiement de la somme de 275 000 F à la charge des mêmes parties que pour la somme précédente à titre de dommages-intérets, pour résiliation fautive d'un second contrat ;

Elle demande enfin l'allocation de la somme de 20 000 F au titre des frais non taxables et la condamnation de la société Thinthouin à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son profit en cas de défaillance de M. Vachet ;

La société Thintouin Conseil conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant, sollicite la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

La société Maison Française de Distribution demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de lui allouer la somme de 30 000 F à titre de dommages intérêts à la charge de la société SGSC,

- de constater que le support publicitaire n'était pas extraordinairement performant,

- de condamner en conséquence solidairement, M. Vachet, la société SGSC et la société Tinthouin Conseil à lui payer la somme de 895 000 F pour préjudice subi outre la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- subsidiairement de désigner un expert ;

Par ordonnance en date du 26 juillet 1990 Monsieur le premier président de la présente cour a rejeté la demande de suspension de l'exécution provisoire formée par Monsieur Vachet.

Discussion et motifs de la décision

- Sur la demande en paiement de la société SGSC

Considérant qu'il ressort des pièces produites que le 10 juillet 1986 un contrat est intervenu entre la CFCAM du Val de Marne et la société SGSC aux termes duquel la CFCAM "autorise la SGSC à faire imprimer au verso des décomptes des règlement de prestations destinés aux assurés sociaux, des messages publicitaires pour le compte d'annonceurs dans la limite des 2/3 des décomptes produits... et ce pour une période d'essai prenant fin le 31 mars 1987 mais le contrat étant renouvelable;

Que la société SGSC passe alors contrat le 1er mars 1988 avec la société Tinthouin Conseil qui prend en charge "l'action promotionnelle et commerciale de l'exploitation publicitaire des versos des décomptes de règlements de prestations de sécurité sociale";

Qu'en contre partie de l'exclusivité qui lui est consentie la société Tinthouin Conseil se porte ducroire à l'égard de SGSC de l'exécution financière par l'annonceur des contrats qu'elle conclura" ;

Considérant qu'en mai 1988 Monsieur Tinthouin pour la société Tinthouin Conseil rencontre M. Vachet qui se présente comme " conseil en marketing direct international" et dirigeant d'une société Azur Diffusion, lequel décide de réserver une campagne publicitaire pour la société Maison Française de Distribution dont il s'avèrera qu'il est porteur de 2 800 parts sur 3 000 constituant le capital social ;

Que cet accord est matérialisé par une lettre de M. Vachet adressée à la société Thinthouin Conseil en date du 30 mai 1988 ;

Que M. Vachet adresse à la suite de ce courrier, un premier acompte de 97 845 F par un chèque tiré sur son compte personnel;

Considérant que 500 000 exemplaires de décomptes sont alors diffusés portant une publicité pour un appareil de photographie, et ce entre le 20 août et fin septembre 1988;

Considérant que le 9 septembre 1988 Monsieur Vachet écrit à la société Tinthouin Conseil dans les termes suivants :

"Suite à notre entretien de ce jour concernant mon client, la société MDF, je vous confirme qu'il nous est impossible de poursuivre la campagne CPCAM en cours sur la seconde vague prévue en octobre prochain et ce en raison des retombées catastrophiques de votre support publicitaire.. en conséquence nous vous demandons d'annuler la seconde campagne." ;

Considérant que par courrier en date du 12 septembre 1988 société Tinthouin Conseil répond à M. Vachet pour lui demander notamment d'attendre quelques jours encore avant d'arrêter un avis définitif sur les retombées de la campagne publicitaire et pour lui indiquer que sur son intervention, et à titre tout à fait exceptionnel, la SCSC a "accepté votre demande d'annulation de votre deuxième campagne tout en soulignant la difficulté extrême "dans laquelle cet accord nous met vis-à-vis de la CPCAM ne pouvant compte tenu des délais incompressibles. remplacer la campagne réservée" ;

Considérant que la facture du 30 septembre 1988 de 229 890 F 74 adressée par SGSC à M. Vachet est demeurée impayée ;

Considérant que par courrier en date du 20 octobre 1988 la société SGSC écrit à M. Vachet pour lui faire part de son étonnement face aux mauvais résultats de la campagne publicitaire menée pour MDF et précise :

"Eu égard aux excellentes relations que M. Tinthouin et le signataire de la présente ont avec M. Vachet, nous avons accepté de renoncer à l'exécution de la deuxième vague de 500 000 exemplaires pour laquelle nous avions un ordre ferme" ;

Considérant que ces pièces établissent clairement que la société SGSC a renoncé à titre commercial à la deuxième vague publicitaire et de ce fait ne saurait venir présentement demander aucune somme à quelque titre que ce soit du chef de cette opération; que les premiers juges l'ont à juste titre débouté des demandes formées sur ce fondement ;

Considérant qu'en ce qui concerne le solde réclamé pour la première campagne, Monsieur Vachet fait valoir que le support publicitaire n'a nullement répondu à l'attente normale qu'il pouvait en avoir et que tous les professionnels peuvent en attendre et ce contrairement aux affirmations de la société Tinthouin Conseil qui dans un courrier lui expose qu'il s'agit d'un "nouveau support extraordinairement performant" constituant un "évènement médiatique" ;

Considérant qu'il invoque les conclusions d'une étude faite à sa demande et à celle de MFD par M. Morisque qui reprend plus les correspondances et dires qui lui ont été remis qu'il ne se livre à une analyse rigoureuse et objective ;

Considérant qu'il convient de relever en premier lieu que la lettre de M. Tinthouin est en date du 12 avril 1988, date à laquelle M. Vachet, en pleine connaissance de cause, avait décidé de contracter ; qu'il est un professionnel très qualifié de la publicité à en croire le titre qu'il revendique, qu'il sait à ce titre plus que quiconque qu'une campagne publicitaire dépend du support mais aussi du produit diffusé et du contenu de la publicité ;qu'il n'est pas évident qu'une publicité faite en fin d'été pour un appareil photographique plus utilisé durant la période estivale n'est peut-être pas un choix marqué au sceau de l'efficacité;qu'il ne peut invoquer une quelconque tromperie, présentation mensongère du support publicitaire dont les caractéristiques, la diffusion, la certitude d'expédition et de réception, voire de consultation, sont évidentes ;

Considérant que dans ce contexte les premiers juges ont à juste titre rejeté l'argumentation de M. Vachet, qui seul a signé avec la société SGSC, et condamné M. Vachet au paiement du solde de la facture concernant la première campagne publicitaire ;

Que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

- Sur l'engagement de la société Tinthouin Conseil

Considérant qu'en vertu de la clause de ducroire sus-relatée et contenue dans la convention souscrite entre la société SGSC et la société Thintouin Conseil, cette dernière est indiscutablement tenue de garantir la société SGSC en cas de défaillance deM. Vachet; qu'au reste la société Tinthouin Conseil, consciente de ses engagements, conclut à la confirmation de la décision rendue en première instance ;

Que la cour confirme également ce chef de décision ;

- Sur les demandes formées par la société Maison Française de Distribution

Considérant que cette société demande l'allocation de la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts à la société SGSC;

Qu'elle demande encore la somme de 895 000 F à M. Vachet, la société SGSC et Monsieur Tinthouin à raison du préjudice financier subi du fait de la médiocrité de la campagne publicitaire ;

Considérant que la société MFD n'a aucun lien de droit avec tout autre intervenant que M. Vachet l'un de ses associés majoritaires ;

Considérant que les premiers juges ont avec pertinence admis la recevabilité d'une action de sa part, en responsabilité, à raison du contrat SCSC / Vachet, dont elle est la bénéficiaire mais ont tout aussi justement mis à sa charge la preuve d'une faute de la société SCSC et son lien de causalité avec le prétendu préjudice invoqué ;

Considérant que l'argumentation développée ci-dessus conserve ici toute sa pertinence, qu'aucune obligation de résultat ne liait la société SGSC à Monsieur Vachet,que pas plus M. Tinthouin n'était débiteur d'un tel engagement et que la société SGSC a parfaitement exécuté son contrat en mettant à disposition de MDF un support publicitaire aux qualités évidentes et bien connues de tous les intervenants dont elle a assuré la diffusion dans les délais et mesures fixées au contrat SCSC/Vachet ;

Considérant que l'avis de M. Morisque ainsi qu'il a été dit plus haut ne saurait être déterminant pas plus qu'il n'est sérieux pour la société MDF de vouloir soutenir et faire reconnaître que la mévente de son appareil de photographie est liée uniquement à la mauvaise qualité de la publicité alors qu'elle n'établit nullement la notoriété de son produit, sa qualité et sa large diffusion par d'autres relais de publicité ou de vente en une période peu propice à ce genre d'achat;

Considérant que la décision des premiers juges doit sur ce point être confirmée ;

Considérant que par voie de conséquence la demande subsidiaire de M. Vachet concernant la garantie de la société SCSC pour les condamnations dont il pourrait être tenu à l'égard de MDF est sans objet ;

Considérant que de la même manière, la société MDF ne justifie ni ne fonde sa demande de dommages, intérêts à l'encontre de la société Thinthouin Conseil qui elle aussi a rempli ses obligations contractuelles et au reste n'a nullement traité avec elle ni commis envers elle aucune faute ; que de la même manière elle ne saurait prospérer en sa demande formée contre M. Vachet alors que les rapports contractuels qui lient les parties sont simplement verbaux et qu'aucune faute n'est établie à l'égard de M. Vachet;

Qu'il n'y a lieu à expertise dans ce contexte;

- Sur les demandes formées au titre des frais irrépétibles

Considérant qu'à ce titre la SGSC demande la somme de 20 000 F à M. Vachet, que la société Thinthouin demande celle de 5 000F également à la charge de M. Vachet et la société MFD celle de 15 000 F;

Considérant que la demande de la société MDF qui succombe en toutes ses demandes doit être rejetée ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la société SGSC et de M. Tinthouin qui n'a jamais discuté son engagement les frais irrépétibles exposés; que la somme de 5 000 F doit être allouée à chacune de ces parties et mise à la charge de M. Vachet ;

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit M. Vachet en son appel principal et les intimés en leurs appels incidents ; Confirme le jugement du 16 mai 1990 en toutes ses dispositions ; Rejette toutes les demandes complémentaires formées devant la cour à l'exception de celles formées par la société SGSC, et la société Tinthouin au titre des frais non taxables ; Condamne M. Vachet à payer, en plus des sommes allouées à ce titre en première instance, la somme de cinq mille francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à la société SGSC d'une part et pareille somme à la société Conseil, d'autre part ; Condamne Monsieur Vachet in solidum avec la société MDF aux entiers dépens du présent arrêt et dit que Maitre Bommart et la SCP Keime et Gutin pourront recouvrer directement contre eux les frais exposés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.