CJCE, 19 septembre 2000, n° C-156/98
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
République fédérale d'Allemagne
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rodríguez Iglesias
Rapporteur :
M. Wathelet
Avocat général :
M. Saggio
Juges :
MM. Sevón, Kapteyn, Gulmann, Puissochet, Jann, Skouris, Ragnemalm
LA COUR,
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 24 avril 1998, la République fédérale d'Allemagne a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, premier alinéa, CE), demandé l'annulation de la décision 98-476-CE de la Commission, du 21 janvier 1998, concernant les allégements fiscaux accordés en vertu de l'article 52, paragraphe 8, de la loi allemande relative à l'impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz) (JO L 212, p. 50, ci-après la "décision attaquée").
Le cadre juridique et factuel
La réglementation communautaire
2. L'article 52, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 43, premier alinéa, CE) dispose:
"Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont progressivement supprimées au cours de la période de transition. Cette suppression progressive s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre."
3. L'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE) prévoit:
"Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions."
4. Aux termes de l'article 92, paragraphe 2, du traité:
"Sont compatibles avec le marché commun:
...
c) les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la république fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division."
5. Selon l'article 92, paragraphe 3, du traité:
"Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:
a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi,
...
c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. ...
..."
6. Selon le point 6 de la communication 88-C 212-02 de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92 paragraphe 3 sous a) et c) aux aides régionales (JO C 212, p. 2, ci-après la "communication de 1988"), les aides au fonctionnement ne peuvent être octroyées qu'à titre exceptionnel et à certaines conditions, dans des régions éligibles au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité.
7. Selon la communication 96-C 68-06 de la Commission relative aux aides de minimis (JO C 68, p. 9, ci-après la "communication de minimis"), communication qui modifie l'encadrement communautaire des aides aux petites et moyennes entreprises résultant de la communication 92-C 213-02 de la Commission, du 20 mai 1992 (JO C 213, p. 2), l'article 92, paragraphe 1, du traité peut être considéré comme inapplicable aux aides dont le montant ne dépasse pas un plafond de 100 000 écus sur une période de trois ans débutant à la date de la première aide de minimis. Cette règle ne s'applique pas aux secteurs couverts par le traité CECA, à la construction navale, au secteur des transports et aux aides octroyées pour des dépenses relatives à l'activité de l'agriculture ou de la pêche.
La législation nationale
8. L'article 6 b de l'Einkommensteuergesetz (ci-après l'"EStG") permet aux personnes physiques résidant en Allemagne et aux personnes morales dont le siège social se trouve dans cet État membre de transférer dans certains réinvestissements les réserves latentes qui se seraient formées pendant une période d'au moins six ans dans certains biens du capital immobilisé et qui se seraient révélées à l'occasion d'une aliénation à titre onéreux de ces biens. En cas de vente de parts de sociétés de capitaux faisant partie du capital d'exploitation, l'article 6 b, paragraphe 1, deuxième phrase, de l'EStG permet de déduire l'éventuel bénéfice de cette vente lors, notamment, de l'achat de parts de sociétés de capitaux, à condition que cette acquisition soit faite par une société de participation au sens de la loi allemande sur les sociétés de participation du 17 décembre 1986. Ces sociétés de participation peuvent déduire du coût d'acquisition de nouvelles parts de sociétés de capitaux 100 % des gains obtenus lors de la vente de parts de sociétés de capitaux.
9. Les possibilités aménagées par l'article 6 b de l'EStG de reporter les réserves latentes ont été élargies dans la loi fiscale annuelle de 1996 par l'introduction de l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG. Cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 1996, prévoit, pour les exercices 1996, 1997 et 1998, une extension de l'allégement fiscal inscrit à l'article 6 b de l'EStG. Le bénéfice de la cession peut ainsi être déduit des coûts d'acquisition de nouvelles parts de sociétés de capitaux jusqu'à concurrence de 100 %, pour autant que cette acquisition soit liée à une augmentation de capital ou à la constitution de nouvelles sociétés de capitaux, que celles-ci aient leur siège social ainsi que leur direction dans les nouveaux Länder ou à Berlin et qu'elles comptent au plus 250 salariés sous contrat de travail à la date de l'acquisition des participations; la déduction peut également être opérée si elles sont constituées en la forme de sociétés de participation dont l'objet social exclusif est, d'après les statuts ou le contrat de société, la prise de participations limitées dans le temps ou la gestion et la vente desdites participations dans des entreprises qui, au moment de l'acquisition des participations, emploient au plus 250 salariés et ont leur siège social et leur direction dans les nouveaux Länder ou à Berlin.
La décision attaquée
10. Par lettre du 13 octobre 1995, le Gouvernement allemand, à la suite de la demande expresse de la Commission, a notifié à cette dernière l'introduction de l'article 52, paragraphe 8, dans l'EStG.
11. Par décision du 26 février 1997, la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE) en ce qui concerne la modification du régime fiscal défini à l'article 6 b de l'EStG par l'article 52, paragraphe 8, de celui-ci. À l'issue de cette procédure, la Commission a adopté la décision attaquée.
12. Il résulte du point IV des motifs de la décision attaquée que la Commission a considéré que l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG bénéficiait indirectement aux entreprises situées dans les nouveaux Länder et à Berlin-Ouest, visées par cette disposition. Selon le même point IV, sixième alinéa, des motifs de la décision attaquée, "L'avantage économique réside dans le fait que, par rapport à la situation juridique antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG, la demande de participations dans les entreprises bénéficiant indirectement du régime s'accroît; il s'ensuit que les investisseurs (bénéficiaires directs) sont disposés à prendre des participations dans des entreprises des nouveaux Länder et de Berlin, à des conditions qui sont plus avantageuses pour ces dernières qu'en l'absence de la mesure en question. Il en résultera une augmentation du volume des participations dans les entreprises en question et/ou une amélioration des conditions contractuelles (prix de la participation par rapport à sa valeur nominale, durée et rémunération de celle-ci, etc.) fixées pour ces prises de participation en faveur des entreprises en question".
13. Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée:
"L'allégement fiscal consenti par l'Allemagne en vertu de l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG en faveur des entreprises qui n'emploient pas plus de 250 salariés et dont le siège social et la direction se trouvent dans les nouveaux Länder ou à Berlin-Ouest constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE."
14. L'article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée dispose:
"Les aides éventuellement déjà versées au titre du régime d'aide visé à l'article 1er, paragraphe 1, sont illégales, étant donné qu'elles ont été versées avant que la Commission ait pris une décision."
15. L'article 2, paragraphe 2, oblige la République fédérale d'Allemagne à veiller à ce que les aides versées illégalement soient remboursées.
Les moyens invoqués par la République fédérale d'Allemagne et l'appréciation de la Cour
16. Le Gouvernement allemand invoque six moyens à l'appui de sa demande en annulation. Les deux premiers sont fondés sur une prétendue violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) par la décision attaquée et sur l'erreur de droit qu'aurait commise la Commission dans l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. À titre subsidiaire, sont allégués le non-respect de la règle de minimis, l'absence de prise en considération de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, l'exercice prétendument incorrect du pouvoir d'appréciation de la Commission dans le cadre de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), du traité et la méconnaissance par cette dernière de l'article 52 du traité.
Sur l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité
17. Par son deuxième moyen, qu'il convient d'examiner en premier lieu, le Gouvernement allemand conteste le bien-fondé de la décision attaquée au motif que l'avantage fiscal qu'instaure l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG ne remplit pas toutes les conditions matérielles prévues à l'article 92, paragraphe 1, du traité. Dans le cadre de ce moyen, il examine la durée de l'avantage fiscal octroyé, l'absence d'un transfert de ressources de source étatique, l'existence d'une distorsion éventuelle de concurrence et l'effet de ladite disposition nationale sur les échanges entre États membres.
18. Tout d'abord, le Gouvernement allemand fait valoir que l'allégement fiscal n'est que temporaire. Le bénéfice de la vente des actions ne peut être déduit du coût d'acquisition de nouveaux biens économiques que dans la mesure où le coût réel de ceux-ci excède le montant du bénéfice ayant fait l'objet de la déduction. Il en résulterait, selon lui, qu'une telle acquisition d'un nouveau bien économique entraîne par elle-même la création de réserves latentes, qui devront par la suite être révélées et imposées.
19. Ensuite, le Gouvernement allemand soutient que le fait qu'un avantage économique soit octroyé à une entreprise ne suffit pas, en l'absence d'un transfert de ressources de source étatique, pour établir l'existence d'une aide. Or, l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG n'impliquerait aucun transfert de la sorte, l'investisseur bénéficiant de l'allégement fiscal prévu par cette disposition n'ayant aucune raison de transférer une partie de cet avantage à l'entreprise dans laquelle il investit.
20. En outre, la présente affaire se différencierait de la situation examinée dans l'arrêt du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission (67-85, 68-85 et 70-85, Rec. p. 219), affaire dans laquelle l'État ou des organismes publics avaient la capacité de déterminer le comportement de tiers jusqu'au moment où le bénéficiaire indirect obtenait définitivement un avantage. En effet, en l'espèce, la décision d'un investisseur privé de réinvestir le bénéfice de sa vente dans une prise de participations dans une société de capitaux ou une société de participation est entièrement autonome, même si l'allégement fiscal prévu à l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG l'encourage à agir de la sorte.
21. Enfin, le Gouvernement allemand fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission se contente, à tort, d'invoquer l'impossibilité d'exclure les risques, d'une part, d'une distorsion de concurrence et, d'autre part, d'un effet sur les échanges entre États membres.
22. Il convient de relever en premier lieu qu'il est constant que l'allégement fiscal dont bénéficient les assujettis, qui vendent certains biens économiques et peuvent déduire le bénéfice en résultant en cas d'acquisition d'autres biens économiques, leur confère un avantage qui, en tant que mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques, ne constitue pas, au sens des dispositions pertinentes du traité, une aide auxdits assujettis.
23. Il convient également de rappeler que la décision attaquée ne qualifie d'aide d'État l'allégement fiscal accordé par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG qu'en tant qu'il avantage certaines entreprises situées dans les nouveaux Länder et à Berlin-Ouest, ce qui lui enlève son caractère de mesure générale de politique fiscale ou économique.
24. Indépendamment du fait qu'un simple report d'impôts peut également constituer une aide d'État (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1999, DM Transport, C-256-97, Rec. p. I-3913), l'argument du Gouvernement allemand, selon lequel l'avantage octroyé par l'allégement fiscal n'est que temporaire, ne saurait affecter la validité de la décision attaquée, étant donné que cet argument ne vise que les avantages accordés aux investisseurs et non ceux accordés aux entreprises visées, situées dans les nouveaux Länder et à Berlin-Ouest.
25. Il importe de relever en deuxième lieu que l'article 92, paragraphe 1, du traité déclare incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Sont notamment considérées comme aides les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (voir, notamment, arrêts du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C-387-92, Rec. p. I-877, point 13, et du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75-97, Rec. p. I-3671, point 23).
26. En l'espèce, il convient de constater que l'avantage indirectement accordé aux entreprises visées à l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG trouve son origine dans la renonciation par l'État membre aux recettes fiscales qu'il aurait normalement perçues,dans la mesure où c'est cette renonciation qui a donné aux investisseurs la possibilité de prendre des participations dans ces entreprises à des conditions fiscalement plus avantageuses.
27. L'interposition d'une décision autonome de la part des investisseurs n'a pas pour effet de supprimer le lien existant entre l'allégement fiscal et l'avantage dont bénéficient les entreprises concernées, dès lors que, en termes économiques, la modification des conditions de marché qui génère ledit avantage est la résultante de la perte de ressources fiscales dans le chef des pouvoirs publics.
28. Il s'ensuit que la Commission a considéré, à juste titre, que l'allégement fiscal comportait un transfert de ressources étatiques.
29. En troisième lieu, en ce qui concerne le risque d'une distorsion de concurrence, il convient de constater que le Gouvernement allemand n'a pas établi le caractère erroné de l'appréciation de la Commission selon laquelle l'effet de l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG est d'alléger les coûts des entreprises concernées de certaines charges de financement.
30. Or, les aides au fonctionnement, à savoir les aides qui, comme celle qui résulte de l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG, visent à libérer une entreprise des coûts qu'elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, faussent en principe les conditions de concurrence (voir, à cet égard, arrêts du 14 février 1990, France/Commission, dit "Boussac Saint-Frères", C-301-87, Rec. p. I-307, et du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C-86-89, Rec. p. I-3891).
31. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a considéré que l'aide instaurée par la mesure litigieuse menaçait de fausser la concurrence.
32. Quant aux effets de la mesure litigieuse sur les échanges entre États membres, selon une jurisprudence constante, l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit "Tubemeuse", C-142-87, Rec. p. I-959, point 43, et du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278-92 à C-280-92, Rec. p. I-4103, points 40 à 42).
33. En effet, lorsqu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide (arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, point 11, et du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303-88, Rec. p. I-1433, point 17).
34. Tel est le cas en l'espèce puisque toute autre entreprise que celles visées par la mesure litigieuse ne peut accroître ses fonds propres qu'à des conditions moins favorables, qu'elle soit établie en Allemagne ou dans un autre État membre.
35. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a considéré que l'aide instaurée par la mesure litigieuse affectait les échanges entre États membres.
36. Dans ces conditions, le deuxième moyen invoqué par la République fédérale d'Allemagne doit être rejeté.
Sur le principe de minimis
37. Par son troisième moyen, le Gouvernement allemand fait valoir, à titre subsidiaire, que la Commission a violé le droit communautaire en n'appliquant pas dans l'affaire en cause le principe dit "de minimis".
38. Le Gouvernement allemand soutient que, en raison de l'impossibilité de mesurer l'avantage économique supposé, la Commission ne pouvait rejeter l'application du principe de minimis en se fondant sur le fait qu'il n'y avait pas eu d'engagement de la République fédérale d'Allemagne d'appliquer les règles établies par la communication de minimis. En effet, la mesure en cause ne se prêtrait pas à l'application des règles de cette communication, ce qui rendrait impossible un tel engagement. Par ailleurs, la Commission aurait dû considérer que cette communication n'était que la concrétisation du principe général selon lequel des aides d'importance minime ne doivent pas être considérées comme des aides incompatibles avec le marché commun.
39. Il convient de rappeler, d'une part, que l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas qu'une aide, dans la mesure où elle remplit les conditions prévues à l'article 92, paragraphe 1, du traité, soit incompatible avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt Tubemeuse, précité, point 43).
40. Il y a lieu de relever, d'autre part, que l'aide instaurée par la mesure litigieuse ne respecte pas les exigences de la communication de minimis, notamment, parce que rien ne garantit que le seuil de 100 000 écus fixé par cette dernière ne sera pas franchi et que ladite mesure n'exclut pas un cumul avec d'autres aides étatiques.
41. La Commission était, dès lors, en droit de considérer que, en l'espèce, la règle énoncée dans la communication de minimis ne pouvait trouver à s'appliquer.
42. Il s'ensuit que le troisième moyen du Gouvernement allemand doit être rejeté.
Sur l'application de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité
43. Par son quatrième moyen, le Gouvernement allemand fait valoir, à titre subsidiaire, que, même si l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG constituait une aide d'État, cette disposition entrait dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.
44. Il souligne, à cet égard, que, même après la réunification de l'Allemagne, cette disposition est toujours d'application. Or, dans le cadre de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, disposition qui ne confère aucun pouvoir d'appréciation à la Commission, cette dernière devrait se limiter à vérifier que les conditions d'application de la dérogation sont réunies.
45. Le Gouvernement allemand soutient que l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG remplit ces conditions dans la mesure où cette disposition est nécessaire pour compenser les désavantages économiques subis par les petites et moyennes entreprises privées dans l'ex-Allemagne de l'Est en raison de la division de l'Allemagne. En effet, lors de la réunification de cette dernière, les promoteurs de telles entreprises dans les nouveaux Länder n'étaient pas en mesure de trouver le capital nécessaire à la création de celles-ci.
46. À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, sont compatibles avec le marché commun "les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division".
47. Après la réunification de l'Allemagne, cette disposition n'a été abrogée ni par le traité sur l'Union européenne, ni par le traité d'Amsterdam.
48. Eu égard à la portée objective des règles du droit communautaire, dont il convient de sauvegarder l'autorité et l'effet utile, il ne saurait dès lors être présumé que cette disposition est devenue sans objet depuis la réunification de l'Allemagne.
49. Il convient toutefois de relever que, s'agissant d'une dérogation au principe général d'incompatibilité des aides d'État avec le marché commun, énoncé à l'article 92, paragraphe 1, du traité, l'article 92, paragraphe 2, sous c), de celui-ci doit faire l'objet d'une interprétation stricte.
50. En outre, ainsi que la Cour l'a jugé, il y a lieu, pour l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292-82, Rec. p. 3781, point 12, et du 21 février 1984, St. Nikolaus Brennerei und Likörfabrik, 337-82, Rec. p. 1051, point 10).
51. Par ailleurs, si, à la suite de la réunification de l'Allemagne, l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité a vocation à s'appliquer aux nouveaux Länder, cette application ne peut se concevoir que dans les mêmes conditions que celles qui étaient applicables dans les anciens Länder pour la période antérieure à la date de cette réunification.
52. À cet égard, les termes "division de l'Allemagne" se réfèrent, historiquement, à l'établissement en 1948 de la ligne de partage entre les deux zones occupées. Dès lors, les "désavantages économiques causés par cette division" ne sauraient viser que les désavantages économiques provoqués dans certaines régions allemandes par l'isolement qu'a engendré l'établissement de cette frontière physique, tels que la rupture de voies de communication ou la perte de débouchés faisant suite à l'interruption des relations commerciales entre les deux parties du territoire allemand.
53. En revanche, la conception du Gouvernement allemand, selon laquelle l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité permettrait de compenser intégralement le retard économique, tout incontestable qu'il soit, dont souffrent les nouveaux Länder, méconnaîtrait tant le caractère dérogatoire de cette disposition que son contexte et les objectifs qu'elle poursuit.
54. En effet, les désavantages économiques dont souffrent globalement les nouveaux Länder n'ont pas été causés directement par la division géographique de l'Allemagne, au sens de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.
55. Force est de constater, dès lors, que les différences de développement entre les anciens et les nouveaux Länder s'expliquent par d'autres causes que la coupure géographique résultant de la division de l'Allemagne et notamment, par les régimes politico-économiques différents mis en place dans chaque partie de l'Allemagne.
56. Or, le Gouvernement allemand n'ayant pas établi que la mesure litigieuse était nécessaire pour compenser un désavantage économique causé par la division de l'Allemagne, entendue comme il est précisé au point 52 du présent arrêt, aucune violation de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité n'est établie.
57. Dans ces conditions, le quatrième moyen du Gouvernement allemand ne saurait être accueilli.
Sur l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), du traité
58. À titre également subsidiaire, le Gouvernement allemand soutient, par son cinquième moyen, que, dans l'hypothèse où l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG serait considéré comme une aide affectant les échanges entre États membres et ne relevant pas du champ d'application de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, cette aide devrait être déclarée compatible avec le marché commun en application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), du traité. Il fait grief à la Commission d'avoir commis un excès de pouvoir en considérant que les conditions de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), du traité n'étaient pas remplies par la mesure litigieuse.
59. Il rappelle que, bien que la Commission reconnaisse que les cinq nouveaux Länder de Brandebourg, Mecklenbourg-Poméranie-Occidentale, Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe ont été désignés comme des régions assistées selon l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, jusqu'à la fin de l'année 1999, elle considère que la mesure litigieuse n'est pas compatible avec le marché commun. Ce faisant, elle méconnaîtrait les exigences de cette disposition.
60. À cet égard, le Gouvernement allemand fait valoir, d'une part, que la Commission commet une erreur de droit lorsqu'elle qualifie la mesure litigieuse d'aide au fonctionnement, laquelle ne pourrait être déclarée compatible avec le marché commun, même pour les régions éligibles au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, que dans des cas exceptionnels. En effet, l'acquisition des parts de sociétés de capitaux s'opérerait toujours à titre onéreux.
61. Il considère, d'autre part, que la Commission prétend de manière erronée que le régime d'aide ne permet pas d'exclure que le capital ainsi mis à disposition soit détourné vers de grandes entreprises auxquelles appartiendraient les entreprises visées par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG ou vers des entreprises établies hors des régions assistées. La Commission considérerait, également à tort, qu'il n'est pas exclu que ce régime soit appliqué à des entreprises de secteurs sensibles ou à des entreprises en difficulté.
62. Le Gouvernement allemand soutient, à cet égard, qu'il est peu probable qu'un investisseur prenne une participation dans une société de capitaux appartenant à une grande entreprise, qui détient généralement le capital nécessaire à ses activités et n'a aucun intérêt à voir des tiers investir dans sa filiale. Par ailleurs, la Commission aurait omis de vérifier, comme elle aurait dû le faire, s'il existait, dans la pratique normale de tels investissements, la moindre possibilité qu'un investisseur, pour bénéficier d'un allégement fiscal, prenne des participations dans des entreprises actives dans des secteurs économiques sensibles souffrant de problèmes structurels ou de surcapacités. Elle aurait également considéré à tort qu'il ne saurait être exclu qu'un tel investisseur prenne une participation dans une entreprise en difficulté. Enfin, l'argument invoqué par la Commission dans la décision attaquée, selon lequel les entreprises bénéficiaires pourraient investir hors des régions assistées, serait entièrement théorique. En tout état de cause, si une extension d'investissement devait en résulter, elle se produirait à l'avantage de la région où les entreprises sont établies; ces dernières en seraient ainsi renforcées.
63. En ce qui concerne les sociétés ayant leur siège et leur direction à Berlin-Ouest, le Gouvernement allemand considère que la Commission n'a exclu la mesure litigieuse du champ d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité qu'en se fondant sur la prémisse erronée selon laquelle il s'agissait d'une aide au fonctionnement qui ne peut être admise que dans des régions éligibles au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, ce qui n'est pas le cas de Berlin-Ouest. Or, selon lui, l'avantage apporté aux entreprises visées à l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG ne saurait être qualifié d'aide au fonctionnement.
64. À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela a été relevé au point 30 du présent arrêt, le régime d'aide litigieux doit être considéré comme octroyant une aide au fonctionnement des entreprises bénéficiaires et, dès lors, l'argument du Gouvernement allemand, selon lequel l'acquisition des parts s'opère toujours à titre onéreux, ne saurait avoir pour effet de supprimer le caractère favorable des conditions de financement de ces entreprises.
65. En ce qui concerne Berlin-Ouest, région visée par le régime d'aide instauré par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG, il est constant qu'elle a bénéficié du statut de région assistée en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, de manière partielle jusqu'en 1996 et totale pour les années 1997 à 1999. En revanche, il est également constant que, pendant la période pertinente, Berlin-Ouest n'était pas une région assistée au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité.
66. Il en résulte que la Commission était en droit de considérer que la mesure litigieuse ne saurait, au regard de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, être compatible avec le marché commun en tant qu'elle s'appliquait à des entreprises installées à Berlin-Ouest.
67. En ce qui concerne les autres régions visées par le régime d'aide litigieux, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission jouit, pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité, d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, précité, point 34).
68. S'agissant de l'exercice du pouvoir d'appréciation de la Commission, il résulte du point 6 de la communication de 1988, dont la portée n'a pas été contestée par le Gouvernement allemand, que les aides au fonctionnement ne peuvent être octroyées dans les régions assistées au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité qu'à titre exceptionnel, à savoir lorsque l'aide est susceptible de promouvoir un développement durable et équilibré de l'activité économique.
69. Or, ainsi qu'il ressort du point V des motifs de la décision attaquée, la Commission a estimé à juste titre en l'espèce que l'application du régime d'aide en cause ne garantissait pas que les entreprises bénéficiaires emploieraient les capitaux mis à leur disposition en vue du développement d'activités économiques dans des régions éligibles au regard de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité ni qu'il était exclu que ledit régime s'applique à des entreprises en difficulté ou opérant dans des secteurs sensibles pour lesquels il existe des règles spécifiques en matière d'aides.
70. Dans ces conditions, le Gouvernement allemand n'a pas apporté les éléments permettant de conclure que la Commission a excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en considérant que le régime d'aide prévu à l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG ne satisfaisait pas aux conditions lui permettant d'entrer dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité.
71. Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur d'appréciation manifeste en considérant que le régime d'aide instauré par la mesure litigieuse ne relevait pas du champ d'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), du traité et, dès lors, le moyen tiré de la prétendue méconnaissance de cette disposition doit être également rejeté.
Sur l'article 52 du traité
72. Par son sixième moyen, le Gouvernement allemand conteste l'affirmation de la Commission selon laquelle l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG viole l'article 52 du traité.
73. Il fait valoir que l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG ne contient ni discrimination ouverte ni discrimination déguisée, susceptible d'enfreindre la liberté d'établissement, puisque cette disposition n'utilise pas la nationalité des entreprises comme critère de différenciation, l'avantage fiscal qu'elle instaure se limitant à la participation au capital d'entreprises établies dans une certaine partie de l'Allemagne, de sorte que les entreprises établies dans le reste de l'Allemagne ne bénéficient pas dudit avantage fiscal.
74. En outre, la jurisprudence de la Cour, selon laquelle l'article 52 du traité peut également être méconnu lorsqu'il existe des obstacles non discriminatoires à l'établissement dans un État membre de ressortissants communautaires d'autres États membres, ne trouverait pas à s'appliquer en l'espèce. De tels obstacles ne seraient interdits que lorsque l'État membre d'accueil refuse soit de reconnaître des diplômes obtenus dans un autre État membre, soit d'autoriser un second établissement parce que le premier établissement est situé dans un autre État membre. Or, la mesure litigieuse ne concernerait aucun de ces deux domaines.
75. Le Gouvernement allemand ajoute que, en tout état de cause, la Commission ne saurait donner à une décision adoptée au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité une motivation subsidiaire fondée sur l'article 52 du traité dans le cas où les conditions de l'article 92 du traité ne seraient pas réunies pour que l'aide fût déclarée illégale. Pour autant qu'il n'y a aucune violation de l'article 92 du traité, une décision adoptée au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité doit être annulée, indépendamment de la question de savoir si l'article 52 du traité a été violé.
76. À cet égard, il est constant que, si la Commission aboutit à la conclusion selon laquelle une mesure ne constitue pas une aide au sens de l'article 92 du traité, elle ne saurait recourir à la procédure de l'article 93 de celui-ci pour décider qu'une autre disposition du traité, telle que l'article 52, a été violée.
77. Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce puisque la Commission était parvenue à la conclusion que la mesure litigieuse était bien une aide au sens de l'article 92 du traité et que, dès lors, elle se devait d'en examiner la compatibilité éventuelle avec le marché commun.
78. Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l'économie générale du traité que la procédure de l'article 93 du traité ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité. Dès lors, une aide d'État qui, par certaines de ses modalités, viole d'autres dispositions du traité ne peut être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 21 mai 1980, Commission/Italie, 73-79, Rec. p. 1533, point 11, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C- 225-91, Rec. p. I-3203, point 41).
79. Dans ces conditions, c'est à juste titre que la Commission a examiné si l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG viole l'article 52 du traité.
80. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, il n'en reste pas moins que ces derniers doivent l'exercer dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 27 juin 1996, Asscher, C-107-94, Rec. p. I-3089, point 36, et du 16 juillet 1998, ICI, C-264-96, Rec. p. I-4695, point 19).
81. Selon une jurisprudence constante, la liberté d'établissement, que l'article 52 reconnaît aux ressortissants communautaires et qui comporte pour eux l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l'article 58 du traité CE (devenu article 48 CE), pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la Communauté, le droit d'exercer leur activité dans l'État membre concerné par l'intermédiaire d'une filiale, d'une succursale ou d'une agence (voir arrêts ICI, précité, point 20; du 8 juillet 1999, Baxter e.a., C-254-97, Rec. p. I-4809, point 9, et du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C-307-97, Rec. p. I-6161, point 35).
82. Pour les sociétés, il importe de relever dans ce contexte que leur siège au sens précité sert à déterminer, à l'instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l'ordre juridique d'un État (voir arrêt Saint-Gobain ZN, précité, point 36).
83. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour (voir arrêts du 13 juillet 1993, Commerzbank, C-330-91, Rec. p. I-4017, point 14, et Baxter e.a., précité, point 10) que les règles d'égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, ou le siège en ce qui concerne les sociétés, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination, qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat.
84. Certes, il est vrai que, selon la jurisprudence de la Cour, une discrimination consiste en l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien en l'application de la même règle à des situations différentes et que, en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents dans un État donné ne sont, en règle générale, pas comparables (arrêt du 14 février 1995, Schumacker, C-279-93, Rec. p. I-225, points 30 et 31).
85. Il en résulte que, si un État membre accorde, fût-ce indirectement, un avantage fiscal aux entreprises ayant leur siège sur son territoire en refusant le bénéfice du même avantage aux entreprises ayant leur siège dans un autre État membre, la différence de traitement entre ces deux catégories de bénéficiaires sera en principe interdite par le traité, dès lors qu'il n'existe entre elles aucune différence de situation objective (voir, en ce sens, arrêt Asscher, précité, point 42).
86. Or, une telle différence de situation objective ne saurait exister entre une société établie dans un État membre, autre que la République fédérale d'Allemagne, qui exerce une activité économique dans les nouveaux Länder par le biais d'une succursale, d'une agence ou d'un établissement stable, société qui ne peut prétendre au bénéfice de la mesure litigieuse, et une société ayant son siège sur le territoire allemand, laquelle bénéficie de l'allégement fiscal instauré par cette mesure.
87. Dès lors qu'une telle différence de traitement n'a fait l'objet d'aucune justification, il ressort des considérations qui précèdent que c'est à bon droit que la Commission est parvenue à la conclusion que l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG constituait une discrimination interdite par l'article 52 du traité.
88. Compte tenu de ce qui précède, et étant donné que le moyen du Gouvernement allemand tiré d'une prétendue violation de l'article 92 du traité n'a pas été retenu, le moyen tiré de l'absence de violation de l'article 52 ne saurait l'être non plus.
Sur l'obligation de motivation
89. Par son premier moyen, qu'il convient d'examiner en dernier lieu, le Gouvernement allemand reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée. Ce moyen s'articule en cinq branches.
90. Par la première branche de son premier moyen, le Gouvernement allemand considère que la motivation de la décision attaquée ne permet pas de savoir quel est l'élément d'aide contenu dans le régime fiscal en cause ni de quelle manière cet élément devrait être quantifié.
91. Il reproche à la Commission d'utiliser trois variantes différentes dans la définition de l'élément d'aide. La Commission se fonderait, tout d'abord, sur une comparaison entre les conditions dans lesquelles une entreprise visée par l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG pourrait obtenir un apport de capital selon qu'elle bénéficie ou non de l'avantage fiscal en cause. Ensuite, elle affirmerait - affirmation qui n'est pas démontrée dans la décision attaquée - que l'investisseur, bénéficiaire de l'avantage fiscal, transmet une partie de cet avantage à l'entreprise dans laquelle il prend une participation. Enfin, la Commission considérerait que l'aide est quantifiée par le montant du capital mis à disposition de l'entreprise par l'investisseur dans le cadre de sa prise de participation, sans expliquer de quelle manière un tel investissement constituerait l'octroi d'une aide provenant de ressources d'État.
92. Par la deuxième branche dudit moyen, le Gouvernement allemand soutient que la Commission a omis de motiver suffisamment l'allégation selon laquelle il existerait un risque de distorsion de la concurrence et d'obstacle aux échanges entre États membres. Il fait valoir, d'une part, que la Commission se borne à alléguer un tel risque de distorsion de concurrence, en se fondant uniquement sur le caractère d'aide d'État du régime fiscal national, au lieu d'établir l'existence d'un tel risque de façon distincte, alors qu'il s'agit précisément d'un élément constitutif de l'aide, exigé par l'article 92 du traité pour que celle-ci soit déclarée incompatible. D'autre part, il soutient que la Commission ne peut pas se contenter, comme en l'espèce, d'affirmer que la modicité de l'aide ne suffit pas à exclure le risque d'effets sur les échanges entre États membres, sans exposer les raisons pour lesquelles elle considère que l'aide en question affecterait en réalité les échanges entre États membres.
93. Par la troisième branche du même moyen, le Gouvernement allemand considère que la Commission aurait dû examiner d'office si les conditions étaient remplies pour que l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG entre dans le champ d'application de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, obligation que la décision attaquée ne remplit pas. En outre, celle-ci ne permet pas de comprendre pourquoi, selon elle, le régime fiscal national ne serait pas nécessaire pour compenser les désavantages économiques causés par la division de l'Allemagne. En tout état de cause, la Commission aurait dû demander d'autres renseignements au Gouvernement allemand dès lors que d'autres éléments de fait auraient été nécessaires pour déterminer si l'allégement fiscal était nécessaire au sens de l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité.
94. Par la quatrième branche de son premier moyen, le Gouvernement allemand soutient que, dans le cadre de l'article 92, paragraphe 3, du traité, la Commission aurait dû démontrer de façon compréhensible qu'il était réaliste de croire qu'un investisseur avisé était susceptible d'investir dans des secteurs sensibles ou des entreprises en difficulté.
95. Par la dernière branche dudit moyen, le Gouvernement allemand considère qu'il existe un défaut de motivation de la décision attaquée en tant qu'elle prescrit l'abrogation de la réglementation plutôt que sa modification, ainsi que la Commission aurait été fondée à le faire. En effet, s'il suffisait de modifier une aide pour la rendre compatible avec le marché commun, l'exigence de suppression totale de celle-ci serait une mesure disproportionnée.
96. Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle (arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, point 22).
97. Il n'est toutefois pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56-93, Rec. p. I-723, point 86, et du 15 mai 1997, Siemens/Commission, C-278-95 P, Rec. p. I-2507, point 17).
98. Appliqué à la qualification d'une mesure d'aide, ce principe exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. À cet égard, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe tout au moins à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (arrêts du 7 juin 1988, Grèce/Commission, 57-86, Rec. p. 2855, point 15, et du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C-329-93, C-62-95 et C-63-95, Rec. p. I-5151, point 52).
99. S'agissant de l'élément d'aide, la Commission affirme, en l'espèce, au point IV, premier alinéa, des motifs de la décision attaquée, que l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG constitue une aide au sens des articles 92, paragraphe 1, du traité et 61, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen.
100. Ainsi qu'il ressort du même point IV des motifs de la décision attaquée, la Commission indique clairement et applique à l'espèce les critères à satisfaire pour qu'une mesure étatique constitue une aide d'État visée par l'article 92, paragraphe 1, du traité, qu'il s'agisse de l'exigence d'un avantage économique réservé à certaines entreprises, du transfert de ressources d'État et du risque de fausser la concurrence ou d'une incidence sur les échanges intracommunautaires.
101. Quant à l'appréciation, par la Commission, des effets de l'aide instaurée par la mesure litigieuse sur la concurrence et les échanges intracommunautaires, il apparaît que la décision attaquée déduit logiquement des caractéristiques de ladite mesure, qui a pour objet d'améliorer les conditions contractuelles dans lesquelles les prises de participation dans certaines entreprises peuvent intervenir, que l'application de cette mesure est susceptible de fausser le concurrence, puisqu'elle rend les autres entreprises moins attractives sur le marché des capitaux, et d'affecter les échanges intracommunautaires auxquels participent les entreprises de la Communauté, qu'elles soient bénéficiaires ou exclues de l'avantage prévu par la mesure dont il s'agit.
102. Il ressort de cette motivation que la Commission a examiné si les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité étaient réunies. Ce faisant, elle a exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision attaquée. Une telle motivation permet à la République fédérale d'Allemagne et au juge communautaire de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les conditions d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité étaient remplies en l'espèce.
103. Il résulte de ce qui précède que les première et deuxième branches invoquées par la République fédérale d'Allemagne dans le cadre de son premier moyen doivent être rejetées.
104. Quant à la troisième branche dudit moyen, il est vrai que la décision attaquée ne comporte qu'un exposé sommaire des motifs pour lesquels la Commission a refusé d'appliquer la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité aux faits de l'espèce.
105. Il convient de souligner, toutefois, que la décision attaquée a été adoptée dans un contexte bien connu du Gouvernement allemand et qu'elle se place dans la ligne d'une pratique décisionnelle constante, notamment à l'égard de ce dernier. Dans ces conditions, une telle décision peut être motivée d'une manière sommaire (arrêt du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73-74, Rec. p. 1491, point 31).
106. En effet, dans ses rapports avec la Commission, le Gouvernement allemand s'est, depuis 1990, référé à diverses reprises à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité, en insistant sur l'importance de cette disposition pour le relèvement des nouveaux Länder.
107. Les thèses invoquées à cet égard par le Gouvernement allemand ont été rejetées par diverses décisions de la Commission, telles que, notamment, la décision 94-266-CE de la Commission, du 21 décembre 1993, concernant un projet d'aide à SST-Garngesellschaft mbH, Thuringe (JO 1994, L 114, p. 21), et la décision 94-1074-CE de la Commission, du 5 décembre 1994, concernant un projet d'aide de l'Allemagne en faveur de Textilwerke Deggendorf GmbH, Thuringe (JO L 386, p. 13).
108. Il s'ensuit que le Gouvernement allemand n'est pas fondé à soutenir que la motivation de la décision attaquée ne lui permettait pas de discerner les raisons pour lesquelles l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG ne relevait pas de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 2, sous c), du traité et que, en l'absence de toute argumentation spécifique des autorités allemandes, la Commission n'était pas tenue de motiver plus amplement ladite décision à cet égard.
109. Il s'ensuit que la troisième branche du premier moyen n'est pas fondée.
110. Quant à l'argument tiré d'une prétendue insuffisance de la motivation relative à l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité, il suffit de relever que, en rappelant les critères définis dans la communication de 1988 et en constatant, au point V, troisième, cinquième et sixième alinéas, des motifs de la décision attaquée, qu'il n'était pas satisfait à ces critères en l'espèce, la Commission a motivé celle-ci à suffisance de droit. En effet, le Gouvernement allemand et le juge communautaire sont parfaitement en mesure d'identifier les raisons pour lesquelles le bénéfice des dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, sous a) ou c), du traité a été refusé en l'espèce.
111. En conséquence, la quatrième branche du premier moyen est également non fondée.
112. Quant à la dernière branche du moyen, qui concerne la prétendue insuffisance de motivation de la décision attaquée en tant qu'elle invite les autorités allemandes à abroger l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG, il y a lieu de rappeler qu'il découle de la jurisprudence de la Cour que la suppression d'une aide illégale est la conséquence logique de la constatation de son illégalité (voir, en ce sens, arrêt Tubemeuse, précité, point 66).
113. Dans ces conditions, la Commission ne saurait être tenue, après avoir régulièrement constaté qu'une mesure étatique constitue une aide d'État qui n'est pas compatible, au regard des dérogations prévues au traité, avec le marché commun, d'envisager le réaménagement de ladite aide au lieu de sa suppression.
114. Il en résulte que la Commission n'a pas violé l'obligation de motivation en exigeant l'abrogation de l'article 52, paragraphe 8, de l'EStG plutôt que sa modification.
115. La cinquième branche du premier moyen ne pouvant davantage être accueillie, celui-ci ne peut donc qu'être rejeté comme non fondé.
116. Aucun des moyens invoqués par le Gouvernement allemand n'étant fondé, il convient en conséquence de rejeter le recours.
Sur les dépens
117. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête:
1°) Le recours est rejeté.
2°) La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.