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Décisions

CJCE, 7 juin 1988, n° 63-87

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République hellénique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mackenzie Stuart

Présidents de chambre :

MM. Bosco, Due

Avocat général :

M. Slynn

Juges :

MM. Koopmans, Kakouris, Higgins, Schockweiler

Avocats :

Mes Perrakis, Zorbas.

CJCE n° 63-87

7 juin 1988

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 février 1987, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 93, paragraphe 2, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à faire constater que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, en ne se conformant pas dans le délai imparti à la décision 86-187-CEE de la Commission, du 13 novembre 1985, relative aux aides accordées par la Grèce à l'exportation de tous les produits à l'exception des produits pétroliers et se présentant sous forme de bonification d'intérêt (JO 1986, L 136, p. 61).

2. La décision constate, en substance, que l'aide, se présentant sous forme de bonification d'intérêt de 6 ou 3 % que les autorités helléniques consentent sous certaines conditions sur les crédits à l'exportation, est incompatible avec le marché commun aux termes de l'article 92 du traité et doit être supprimée. Aux termes de l'article 2 de la décision, "la Grèce informe la Commission, dans le délai de un mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle aura prises pour se conformer à cette décision". La décision a été communiquée à la République hellénique par lettre de transmission du 23 décembre 1985.

3. La République hellénique a introduit, le 26 février 1986, contre cette décision un recours en annulation en vertu de l'article 173, alinéa 1, du traité ( affaire 57-86 ) et présente, le 13 mars 1986, une demande de sursis à exécution de la décision en vertu de l'article 185 du traité. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président de la Cour du 30 avril 1986 (rec. p. 1497). De même, la Cour a rejeté le recours en annulation précité par arrêt prononce à la date du présent arrêt.

4. Par télex du 23 mai 1986, la Commission a demandé aux autorités helléniques de l'informer dans un délai de deux semaines des mesures effectivement prises en vue d'appliquer la décision. La République hellénique n'a pas répondu officiellement à ce télex ni communiqué de mesures prises pour se conformer à la décision.

5. Les services de la Commission ont été informés, sans avoir toutefois reçu de notification officielle, que la banque de Grèce a, par décision du 5 juin 1986, ramené le taux du remboursement d'intérêts à 5 % à partir du 9 juin 1986, puis, par décision du 29 janvier 1987, d'une part, réduit le taux de 5 à 3 % pour la période comprise entre le 1er avril et le 31 décembre 1987 et, d'autre part, décidé la suppression intégrale du remboursement d'intérêts avec effet au 1er janvier 1988.

6. Pour un plus ample exposé des faits, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la cour.

7. La Commission considère que la République hellénique a manqué à ses obligations en ayant omis de se conformer à la décision dans le délai de un mois imparti par la décision à compter de sa notification. La défenderesse aurait été tenue de prendre les mesures nécessaires au plus tard le 23 janvier 1986 et d'en informer immédiatement la Commission. L'introduction du recours en annulation contre la décision ne conférerait pas à la défenderesse le droit de refuser de s'y conformer dans le délai fixe.

8. La République hellénique soutient qu'il lui a été absolument impossible de se conformer à la décision dans le délai imparti. L'abrogation immédiate du régime de crédit critiqué aurait eu des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour les exportateurs grecs et, par extension, sur la politique économique et monétaire du pays. Le remboursement d'intérêts, partie intégrante d'un nouveau régime général du crédit mis en place en avril 1983, n'aurait pu être supprimé sans réforme intégrale de ce régime. Or une telle réforme aurait exigé un certain délai pour procéder aux appréciations nécessaires. Enfin, au cours des négociations menées en vue de l'approbation des mesures de stabilisation de l'économie hellénique au titre de l'article 108 du traité CEE, la Commission aurait manifeste beaucoup de compréhension à l'égard des difficultés économiques du pays.

9. La Commission a déclaré à l'audience que, en cas d'impossibilité dûment établie d'adopter les mesures requises dans le délai imparti, celles-ci doivent être prises ou mises en œuvre dans un délai raisonnable.

10. Comme la Cour l'a déjà jugé ( arrêt du 13 février 1979, Granaria/Hoofdproduktschap voor Akkerbouwprodukten, 101-78, rec. p. 623), il résulte du système législatif et juridictionnel institué par le traité que, si le respect du principe de la légalité communautaire comporte le droit de contester judiciairement la légalité des actes communautaires, ce principe implique également, pour tous les sujets du droit communautaire, l'obligation de reconnaître la pleine efficacité de ces actes, tant que leur illégalité n'a pas été établie.

11. Il convient de relever, d'autre part, qu'aux termes de l'article 185 du traité CEE les recours formés devant la Cour n'ont pas d'effet suspensif. Au demeurant, la demande de sursis à l'exécution de la décision litigieuse présentée par la République hellénique a été rejetée.

12. Dans ces conditions, la République hellénique devait, en tant que destinataire de la décision, la considérer comme obligatoire en tous ses éléments, indépendamment de la circonstance qu'elle avait introduit un recours en annulation contre cette décision.

13. Il est constant que la défenderesse n'a supprimé intégralement le remboursement d'intérêts litigieux qu'avec effet au 1er janvier 1988. D'autre part, la Commission a soutenu sans être contredite qu'elle n'a jamais été informée officiellement des mesures adoptées par la défenderesse. La Cour doit dès lors constater que la République hellénique ne s'est pas conformée à la décision.

14. La défenderesse n'a pas étayé le moyen tiré de l'impossibilité absolue d'exécution de la décision d'arguments spécifiques de nature à établir que le remboursement d'intérêts litigieux n'aurait pas pu être supprimé dans le délai imparti par la décision ou, à tout le moins, dans un délai raisonnable. A cet égard, il suffit de constater que les difficultés financières auxquelles les exportateurs pourraient se voir confrontes à la suite de la suppression de l'aide illégale ne constituent pas un cas d'impossibilité absolue d'exécution de la décision. En conséquence, le moyen de la République hellénique doit être rejeté comme non fondé.

15. Il convient de rejeter également le deuxième moyen soulevé par la défenderesse. En effet, même s'il apparaît que la Commission s'est montrée très compréhensive à l'égard des difficultés économiques exposées par les autorités helléniques et que le remboursement d'intérêts en cause a été évoqué au cours des négociations entre les parties, il n'a toutefois pas été établi que cette attitude de la Commission aurait pu être comprise comme affectant l'obligation de la République hellénique de se conformer à la décision 86-187-CEE.

16. Il résulte de ce qui précède que, en ne s'étant pas conformée à la décision 86-187-CEE de la Commission, du 13 novembre 1985, relative aux aides accordées par la Grèce à l'exportation de tous les produits à l'exception des produits pétroliers et se présentant sous forme de bonification d'intérêt, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité.

Sur les dépens

17. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1°) en ne s'étant pas conformée à la décision 86-187-CEE de la Commission, du 13 novembre 1985, relative aux aides accordées par la Grèce à l'exportation de tous les produits à l'exception des produits pétroliers et se présentant sous forme de bonification d'intérêt, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité.

2°) la République hellénique est condamnée aux dépens.