CA Lyon, 1re ch. civ., 13 février 2003, n° 2001-05184
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Mutuelle des Motard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jacquet
Conseillers :
M. Roux, Mme Biot
Avoués :
SCP Junillon-Wicky, SCP Aguiraud-Nouvellet
Avocats :
Mes Camacho, Verschueren.
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES
Florent Y et son assureur, la Mutuelle des motards (la Mutuelle) ayant assigné Florent Y en résolution de la vente d'une motocyclette Yamaha 850 TDM conclue le 21 août 1997, le 28 juin 2001 le Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a rendu le jugement suivant :
Déclare recevable l'action en garantie des vices cachés engagée par Florent Y et la Mutuelle de Motards,
Prononce la résolution de la vente intervenue le 23 août 1997 et portant sur la motocyclette Yamaha type 850 TDM, immatriculée 873 VQ 01,
condamne Pierre X à payer à Florent Y les sommes suivantes :
- à titre de restitution du prix de vente : 42 000 F,
- à titre de remboursement partiel des frais de gardiennage : 2 653 F TTC,
- à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance : 26 000 F,
- au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 5 000 F,
Rejette toute demande complémentaire de Florent Y et de la Mutuelle des Motards,
Rejette l'ensemble des demandes formulées à titre reconventionnel par Pierre X,
Condamne Pierre X en tous les dépens qui comprendront le coût des deux expertises amiables et de l'expertise judiciaire.
Appelant de cette décision, Pierre X présente la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité pour cause de tardiveté de l'action adverse fondée sur les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil. Il conteste les conclusions de l'expert judiciaire en faisant valoir que celui-ci n'a effectué aucun relevé ni mesure. Il ne nie pas que la motocyclette avait été accidentée mais il soutient que les travaux de réparation avaient été effectués dans les règles de l'art sous le contrôle d'un expert qui avait attesté que le véhicule était apte à circuler dans des conditions normales de sécurité ; que la demande adverse n'est donc pas fondée. Subsidiairement il objecte qu'en cas de résolution de la vente il ne peut être tenu qu'à la restitution du prix de vente, Florent Y et la Mutuelle des Motards (ci-après la Mutuelle) étant responsables des divers préjudices qu'ils allèguent. Il demande la condamnation de Florent Y et de la Mutuelle à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les intimés exposent qu'ils ont différé le moment d'assigner Pierre X parce qu'ils ont tenté de régler amiablement le litige et que la nature du vice n'a pu être connue avec certitude qu'à l'occasion des investigations de l'expert judiciaire ; ils soutiennent que leur action fondée sur l'article 1641 du Code civil est donc recevable. Ils fondent subsidiairement leur action sur l'article 1116 du Code civil. Ils concluent au rejet de l'appel principal et forment appel incident pour faire condamner Pierre X à payer d'une part à la Mutuelle pour frais de gardiennage la somme de 31 000 F, d'autre part à Florent Y en réparation du trouble de jouissance la somme de 152,45 euros pour chaque mois en sus des 26 mois pour lesquels indemnisation a déjà été accordée par le tribunal et jusqu'à la date de la restitution de la moto, à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive la somme de 3 000 euros et une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que Florent Y et la Mutuelle n'ont pas engagé leur action dans le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil puisqu'ils ont saisi le juge des référés d'une demande d'expertise judiciaire plus d'un an après avoir été informés, par le rapport daté du 15 septembre 1997 rédigé par P. Monin-Veyret - du cabinet d'expertise Martel - que la motocyclette présentait des défauts et qu'il était nécessaire de remplacer le cadre pour la "remettre aux normes" et qu'ils ne rapportent pas la preuve qu'ils aient eu des contacts avec Pierre X entre le 8 février et le 30 novembre 1998;
Que sur ce fondement leur action est donc irrecevable ;
Attendu que tel n'est pas le cas de l'action fondée à la fois sur les articles 1109 et suivants du Code civil et l'article 1604 du même Code ;
Attendu qu'il est établi par le rapport d'expertise, qui n'est pas valablement combattu par Pierre X, que la motocyclette avait été endommagée dans un accident en 1996, qu'elle avait alors été considérée comme n'étant pas économiquement réparable et qu'elle n'a pas été réparée dans les règles de l'art ; que c'est dans cet état qu'elle a été vendue par Pierre X à Florent Y à qui elle a été présentée comme étant simplement un véhicule d'occasion ;
Qu'il en résulte que Pierre X a manqué à son obligation de délivrance ;
Attendu qu'il est encore établi et maintenant non contesté par Pierre X qu'il a acquis la motocyclette litigieuse en 1997, après l'accident et alors qu'elle n'avait pas été réparée, au prix de 16 000 F alors que la valeur vénale d'un tel véhicule en état normal était à cette époque de 45 000 F ; qu'il a lui-même fait réaliser le minimum de réparations sur ce véhicule puisque le montant total des factures qu'il a communiquées - datées des mois de mars, mai et juillet 1997 - est inférieur à cinq mille francs alors que l'expert automobile qui avait examiné le véhicule accidenté avait estimé le coût des réparations à plus de 22 000 F ;
Attendu que Pierre X a dissimulé ces circonstances à Florent Y ; que cela ressort en particulier d'un courrier du 21 octobre 1997 dans lequel il a écrit qu'il avait acheté la motocyclette d'occasion et qu'il ne pouvait pas savoir qu'elle avait subi des réparations ;
Qu'il a persisté dans cette attitude au début de l'expertise judiciaire puisqu'il a alors affirmé qu'il avait acheté la motocyclette en août 1997 au prix de 37 000 F et qu'il n'avait "jamais eu d'accident ni procédé ou fait procéder à des réparations sur cette machine", tous éléments qui sont contraires à la vérité ; qu'il n'a admis la réalité des faits que lorsque l'expert judiciaire, après avoir obtenu auprès de tiers des renseignements concernant les antécédents de la motocyclette, a rétabli l'historique de ce véhicule ;
Qu'il est ainsi démontré que Pierre X s'est rendu coupable, au moins par réticence, d'un dol qui a vicié le consentement de Florent Y et sans lequel ce dernier n'aurait manifestement pas contracté dans les mêmes conditions ;
Attendu que cela justifie la résolution de la vente prononcée par le premier juge ;
Attendu que le tribunal a limité à bon droit le montant des sommes dues au titre des frais de gardiennage et de la réparation du préjudice de jouissance ;
Que les intimés ne rapportent pas la preuve que la résistance opposée par Pierre X et le recours qu'il a exercé leur ont causé un préjudice qui ne serait pas réparé par les intérêts sur la somme due au titre de la restitution du prix de vente, intérêts qui courent depuis le jour de première demande ; qu'ils doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;
Attendu qu'en revanche il y a lieu de leur allouer à une indemnité pour leurs frais non compris dans les dépens et exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement ; Y ajoutant, Condamne Pierre X à payer aux intimés la somme de mille euros (1 000 euros) en complément de l'indemnité déjà allouée par le premier juge en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel et autorise l'avoué de ses adversaires à recouvrer directement contre lui les sommes dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.