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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 23 mai 2000, n° 99-07988

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

MM. Ancel, Nivose

Avocat :

Me Deveau.

CA Paris n° 99-07988

23 mai 2000

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LA PREVENTION:

D Jean-Paul G Serge :

sont poursuivis pour avoir entre le 13 mars 1996 et le 17 octobre 1997 à Chelles et sur le territoire national, trompé les clients sur la nature ou les qualités substantielles de jambons cuits supérieurs dont la teneur en principes utiles et la composition étaient non conformes aux règles de qualité prévues par les usages compte tenu notamment d'un déficit de protéines, d'un excès de sucres par la présence illicite de carraghénanes et de plasma non conformes, de polyphosphates et en ce en état de récidive légale pour avoir déjà été condamnés pour des faits identiques

- par décision contradictoire du Tribunal correctionnel de Beauvais le 29 septembre 1993 pour Jean- Paul D

- par décision contradictoire du Tribunal correctionnel de Meaux le 24 avril 1997

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire,

- a relaxé D Jean-Paul du chef de récidive de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis du 13 mars 1996 au 17 octobre 1997, à Chelles, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation, art. 132-10 et 132-11 du Code pénal et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, art. 132-10 et 132-11 du Code pénal

- a relaxé G Serge du chef de récidive de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis du 13 mars 1996 au 17 octobre 1997, à Chelles (77), infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation, art. 132-10 et 132-11 du Code pénal et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, art. 132-10 et 132-11 du Code pénal

a laissé les dépens à la charge de l'Etat

DÉCISION:

Rendue

- contradictoirement à l'égard de M. D

- par défaut à l'égard de M. G

après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel du ministère public, interjeté à l'encontre du jugement entrepris auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention ;

Le ministère public requiert l'infirmation du jugement déféré ;

Il rappelle que les analyses d'échantillons de lots de jambons cuits, fabriqués et commercialisés par la société Chelloise de Salaisons révèlent que la teneur en principes utiles et la composition de cette marchandise étaient incompatibles avec la dénomination de "jambon supérieur" indiquée sur l'étiquette, compte tenu notamment de la présence de 45 % d'épaule, d'un déficit de protéines, d'un excès de sucre, de la présence de carraghénanes, de plasma et de polyphosphates ;

Que les analyses, pratiquées courant 1997 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ne sont pas contestées par Jean-Paul D ni par Serge G qui ont reconnu se livrer à ces pratiques de production dans le but de diminuer leur coût de revient ;

L'avocat général a requis une peine d'amende sévère, pour tenir compte de l'état de récidive de chaque prévenu ;

Jean-Paul D est présent, assisté de son avocat et demande à la cour, par voie de conclusions, de confirmer le jugement de relaxe, en soutenant que la prévention est fondée sur le non-respect du Code des usages de la charcuterie, qui prévoit des normes pour le jambon supérieur ;

Que ce Code n' ayant pas été notifié à la Commission de Bruxelles conformément aux directives n°83-189 CEE du 28-3-83 et n°88-182 CEE du 22-3-88, il y a là un vice substantiel de procédure, dont un particulier peut se prévaloir devant le juge national et qui doit conduire à l'annulation de la prévention ; il ajoute que de surcroît, le Code de la charcuterie est incompatible avec les articles 30 et suivants du traité de l'Union européenne et que les poursuites sont illégales en raison de la directive européenne sur les additifs, non transposées dans le Code des usages de la charcuterie ;

Le prévenu Serge G ayant été cité à mairie, par acte du 16-2-2000, n'a pas réclamé la lettre recommandée avec demande d'avis de réception qui lui a été adressée par l'huissier et n'a pas comparu à l'audience ; que la preuve n'étant pas rapportée qu'il ait eu connaissance de la citation, il sera statué par défaut à son encontre ;

RAPPEL DES FAITS:

Jean-Paul D et Serge G sont respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société Chelloise de Salaisons;

Des analyses réalisées courant 1997 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sur des échantillons de lots de jambon cuit, fabriqués et commercialisés par cette société, ont mis en évidence que la composition de ces produits interdisait l'utilisation de la dénomination "Jambon supérieur" indiquée sur l'étiquette, compte tenu de l'introduction de viande d'épaule dans le jambon, et d'un déficit de protéines, d'un excès de sucres, et de la présence de carraghénanes (gélifiants), de plasma ou de polyphosphates ;

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes s'est fondée pour les références de ses analyses, sur le Code des usages de la charcuterie dans sa version d'avril 1993, édité par le Centre technique de la salaison, de la charcuterie et des conserves de viandes, en usage dans la profession ;

En présence des enquêteurs, les prévenus ont admis que 6 des 7 séries de 13 échantillons ne sont pas conformes aux usages et que les 7 prélèvements unitaires ne sont pas conformes ;

Serge G a déclaré que les proportions d'épaules (noix), incorporées dans les jambons supérieurs et standards, alors de 40 %, n'étaient pas conformes au Code des usages et a reconnu les surdosages en sucres 0,67 % au lieu de 0,50 autorisés ; il a précisé que ces pratiques avaient pour but de diminuer les coût de production compte tenu des niveaux très bas pratiqués par le précédent dirigeant de la société Chelloise de salaisons jusqu'en 1994 ;

Les documents d'autocontrôle établissent que Jean-Paul D et Serge G savaient pertinemment que les analyses physico-chimiques de leurs jambons supérieurs, n'étaient pas conformes aux critères retenus par les usages de la Charcuterie ;

Le gain global résultant de cette fraude pendant une période de 20 mois, a été évalué par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à 15 000 000 F, soit 10 % du chiffre d'affaire de la société pendant cette période de temps ;

Le bulletin n°1 du casier judiciaire de Jean-Paul D mentionne une condamnation antérieure le 29-9- 93 par le Tribunal correctionnel de Beauvais, à 50 000 F d'amende pour tromperie et celui de Serge G, deux condamnations : le 25-2-92 par le Tribunal correctionnel de Paris à 5 000 F d'amende et suspension du permis de conduire pendant un mois pour conduite en état alcoolique et le 24-4-97, par le Tribunal correctionnel de Meaux, pour tromperie, à 20 000 F d'amende, publication et affichage de la décision ;

Jean-Paul D s'est prétendu seul responsable pénal de la société en sa qualité de président du conseil d'administration et il a été poursuivi avec Serge G pour avoir, entre le 13-3-96 et le 17-10-97, trompé les clients sur la qualité substantielle de jambons cuits supérieurs, dont la teneur en principes utiles et la composition étaient non conformes aux règles de qualité prévues par les usages, et ce en état de récidive légale ;

Sur ce,

Considérant que Jean-Paul D et Serge G, respectivement président du conseil d'administration et directeur général de la société Chelloise de salaisons, ont fabriqué et mis en vente en France, courant 1996 et 1997, du jambon sous l'appellation "jambon supérieur" et sont poursuivis pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, en état de récidive ;

Considérant que les analyses réalisées courant 1997, par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes sur des échantillons de lots de jambon cuit, fabriqués et commercialisés par cette société, établissent que ces produits étaient composés de viande d'épaule et de jambon, ce qui entraînait un déficit de protéines, un excès de sucres, et la présence de carraghénanes (gélifiants), de plasma ou de polyphosphates ;

Qu'en présence des enquêteurs, les prévenus ont admis que 6 des 7 séries de 13 échantillons n'étaient pas conformes aux usages et que les 7 prélèvements unitaires n'étaient pas conformes non plus ;

Que Serge G a déclaré que les proportions d'épaules (noix), incorporées dans les jambons supérieurs étaient environ de 40 %, et a reconnu les surdosages en sucres, qu'il connaissait parfaitement grâce aux documents d'autocontrôle et aux analyses physico-chimiques qui étaient réalisés dans la société et qui n'étaient pas conformes aux critères retenus par les usages de la profession pour les "jambons supérieurs" ;

Que Jean-Paul D a précisé que ces pratiques avaient pour but de diminuer les coûts de production et il a indiqué devant la cour, qu'il avait dénommé ses jambons "jambons supérieurs", parce que en France, seule cette catégorie trouve à être vendue ;

Considérant que si la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes s'est fondée pour les références de ses analyses chimiques, aux taux établis par le Code des usages de la charcuterie dans sa version d'avril 1993, édité par le Centre technique de la salaison, de la charcuterie et des conserves de viandes, la cour constate qu'il existe des usages dans la profession et qu'il en résulte que la composition des produits fabriqués par la société Chelloise de salaisons et composés de jambon et d'épaule, ne pouvait recevoir la dénomination de "Jambon supérieur" indiquée sur l'étiquette ;

Qu'à cet égard, les considérations de la défense, sur l'applicabilité du Code des usages de la charcuterie et sur l'éventuelle non conformité de ce texte avec les directives communautaires, sont sans effet sur l'existence d'un usage professionnel effectif en France, et même d'un usage commun, admis par le consommateur, qui réserve l'appellation jambon supérieur à la cuisse du cochon (le jambon), sans adjonction d'autre viande, et qui interdit l'appellation de jambon supérieur à un mélange plus ou moins compact, d'épaule et de jambon, qui n'a pas les mêmes qualités énergétiques et qui peut se distinguer objectivement du jambon supérieur par des analyses scientifiques complexes ;

Considérant qu'il appartenait aux prévenus, qui sont des professionnels avertis, de se conformer aux usages commerciaux et à la définition courante du jambon supérieur ; que le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, visé à l'ordonnance de renvoi est donc bien caractérisé dans tous ses éléments ;

Qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de retenir les mis en cause dans les liens de la prévention ;

Considérant que le gain global résultant de cette fraude pendant une période de 20 mois, a été évalué par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à 15 000 000 F, soit 10 % du chiffre d'affaire de la société pendant cette période de temps ; que les prévenus ont tous les deux agi en état de récidive légale ; qu'il y a lieu par conséquent de les condamner chacun à une amende de 250 000 F ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, à l'égard de Jean-Paul D et par défaut, à l'encontre de Serge G ; Reçoit l'appel du ministère public ; Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Déclare Jean Paul D coupable d'avoir entre le 13 mars 1996 et le 17 octobre 1997 à Chelles et sur le territoire national, trompé les clients sur la nature ou les qualités substantielles de jambons cuits supérieurs dont la teneur en principes utiles et la composition étaient non conformes aux règles de qualité prévues par les usages compte tenu notamment d'un déficit de protéines, d'un excès de sucres par la présence illicite de carraghénanes et de plasma non conformes, de polyphosphates et en ce en état de récidive légale pour avoir déjà été condamnés pour des faits identiques par décision contradictoire du Tribunal correctionnel de Beauvais le 29 septembre 1993 ; Le condamne à une amende de 250 000 F ; Déclare G Serge coupable d'avoir entre le 13 mars 1996 et le 17 octobre 1997 à Chelles et sur le territoire national, trompé les clients sur la nature ou les qualités substantielles de jambons cuits supérieurs dont la teneur en principes utiles et la composition étaient non conformes aux règles de qualité prévues par les usages compte tenu notamment d'un déficit de protéines, d'un excès de sucres par la présence illicite de carraghénanes et de plasma non conformes, de polyphosphates et en ce en état de récidive légale pour avoir déjà été condamnés pour des faits identiques par décision contradictoire du Tribunal correctionnel de Meaux le 24 avril 1997 ; Le condamne à une amende de 250 000 F ; Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable chaque condamné.