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Décisions

CA Basse-Terre, 1re ch. civ., 15 mai 2000, n° 99-01593

BASSE-TERRE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hôtel de l'Air (SARL)

Défendeur :

Basset, société d'Exploitation de l'Hôtel Hibiscus (Sté), Herault, Montagnier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Bacou

Président de chambre :

Mme Poirier-Chaux

Conseiller :

M. Chevallier

Avocats :

Mes Démocrite, Rives-Langes, Joachim, Gondouin.

T. mixte com. Basse-Terre, du 9 juill. 1…

9 juillet 1997

Faits et Procédures

Le 28 septembre 1980, la SARL "Hôtel de l'Air" a consenti un bail commercial à M. et Mme Thellin sur un ensemble immobilier à usage d'hôtel-restaurant situé à Gustavia, sur l'île de Saint-Barthelemy.

Le 11 décembre 1987, M. et Mme Thellin ont conclu avec la SARL "société d'Exploitation de l'Hôtel Hibiscus (qui sera dénommée ci-après "SEHH")" un contrat de location-gérance portant sur le fonds de commerce d'hôtel-restaurant exploité dans les lieux loués.

1) Procédures tendant à la résiliation du bail commercial.

Selon ordonnance de référé du 8 décembre 1992, le président du Tribunal de grande instance de Basse-Terre a constaté la résiliation du bail commercial conclu entre la SARL "Hôtel de l'Air" et les époux Thellin au vu d'un commandement de paiement des loyers resté infructueux, et a ordonné l'expulsion des époux Thellin et de tous occupants de leur chef.

Parallèlement, un contentieux s'était développé sur le défaut de paiement des loyers entre la société bailleresse - la SARL "Hôtel de l'Air" - les preneurs - les époux Thellin -, et la société locataire-gérante - la SARL "SEHH" - et ses associés.

Après augmentation des loyers et annulation de deux commandements de payer par jugement du Tribunal d'instance de Saint-Martin du 22 octobre 1991 devenu définitif, la SARL "Hôtel de l'Air" avait fait délivrer commandement de payer aux seuls époux Thellin le 10 juillet 1992.

La société "SEHH", M. Gérard Basset et Melle Marie-Hélène Hérault, associés de la "SEHH" ont été déclarés irrecevables en leur opposition au dit commandement par jugement du Tribunal d'instance de Saint-Martin du 27 octobre 1992.

Ce jugement a été confirmé par premier arrêt de la Cour d'appel de Bassse-Terre (1re chambre) du 20 février 1995.

Le pourvoi formé par la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault qui entendaient être reconnus titulaires du bail commercial en vertu d'une cession de droits du 15 avril 1987, a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation (3e chambre civile) du 30 avril 1997.

Par ailleurs, le 9 décembre 1992, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte devant le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre à l'égard de M. Thellin qui a été déclaré ensuite, selon jugement du 13 février 1993, en liquidation de biens.

Statuant par second arrêt distinct rendu le 20 février 1995 sur appel de l'ordonnance de référé du 8 décembre 1992, la Cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre) a constaté que la procédure collective avait été déclenchée avant que la décision attaquée ait acquis un caractère définitif et a donc partiellement réformé cette décision pour ce motif, en spécifiant qu'il n'y avait pas lieu à constatation judiciaire de la résiliation du bail dans l'instance en cause.

Dès le 22 avril 1993, la SARL "Hôtel de l'Air" avait mis en demeure Me Anne Ravise-Bes en qualité de mandataire liquidateur de M. Thellin, locataire commercial, de préciser dans le délai d'un mois, si elle entendait continuer à bénéficier du contrat, et ce par référence aux dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985.

Le 8 mars 1995, aussitôt après prononcé de l'arrêt de réformation de la Cour d'appel de Basse-Terre précité du 20 février 1995, la société "Hôtel de l'Air" a réitéré sa mise en demeure, en informant Me Ravise-Bes de son intention - à défaut de réponse de sa part - de saisir la juridiction compétente.

C'est dans ces conditions que le 10 avril 1995, la société bailleresse a fait assigner Me Ravise-Bes devant le Tribunal d'instance de Saint-Martin afin, pour l'essentiel, de faire prononcer la résiliation du bail pour absence de continuation de la part du liquidateur. Le mandataire liquidateur de M. Thellin, bien que régulièrement assigné, n'a pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire du 6 juin 1995, le tribunal d'instance a statué en ces termes:

"Vu l'article 37 alinéa 3 de la loi du 25 janvier 1995 et la mise en demeure du 22 avril 1993,

"Prononce la résiliation du bail commercial consenti le 28 septembre 1980 par la SARL "Hôtel de l'Air" à M. et Mme Thellin,

"Déboute la société requérante du surplus de ses demandes,

"Ordonne l'exécution provisoire".

Cette décision a été signifiée le 27 juin 1995 à Me Ravise-Bes par acte remis à personne habilitée. Il n'en a pas été relevé appel, ainsi qu'il ressort d'un certificat de non-appel délivré par le greffe de la cour le 24 juin 1996.

Selon exploit du 13 juin 1996, la société "SEHH", M. Basset et Melle Herault ont formé tierce-opposition au jugement du 6 juin 1995.

Par jugement contradictoire du 19 novembre 1996, ils ont été déboutés, de toutes leurs prétentions et condamnés à payer à la SARL "Hôtel de l'Air" la somme de 7 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.

La société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault ont alors interjeté appel par déclaration déposée le 30 décembre 1996 et inscrite au rôle le même jour, en intimant exclusivement la SARL "Hôtel de l'Air".

M. Montagnier est intervenu volontairement en cours d'instance pour conclure aux côtés de la SARL "Hôtel de l'Air". Me Ravise-Bes, a été assignée en la cause le 21 avril 1999.

2) Procédure en paiement dirigée contre la société bailleresse.

Après rejet du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Basse-Terre du 20 février 1995 par lequel il avait été décidé qu'ils n'étaient pas titulaires du bail commercial, la "SEHH", M. Basset et Melle Hérault ont fait assigner le 2 mai 1997, la société "Hôtel de l'Air" et M. Montagnier devant le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre afin d'obtenir leur condamnation à payer:

- 3 888 695 F indûment payés au titre des loyers,

- 3 000 000 F au titre de la gestion d'affaires,

- 2 760 000 F correspondant au prix du matériel récupéré lors de l'expulsion, et ce au titre de l'enrichissement sans cause,

- 1 000 000 F au titre de la continuation de l'exploitation du fonds de commerce "avec le personnel et les licences de M. Basset" (sic),

- 2 400 000 F au titre du nantissement sur le fonds de commerce perdu pour cause de fraude,

- 30 000 F enfin sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Selon jugement contradictoire du 9 juillet 1997, le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre s'est prononcé en ces termes:

"Met hors de cause M. Montagnier personnellement",

"Condamne la société "Hôtel de l'Air" à payer à M. Basset, Melle Hérault et la "SEHH" la somme de 882 500 F en principal, et celle de 25 000 F par référence à l'article 700 du NCPC".

La SARL "Hôtel de l'Air" a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 12 août 1997 et inscrite au rôle de la cour le même jour.

3) instance devant la cour sur les appels des jugements du Tribunal d'instance de Saint-Martin du 19 novembre 1996 et du Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre du 9 juillet 1997.

Au motif erroné que les recours avaient été exercés contre une seule et même décision, les deux instances d'appel ainsi ouvertes ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction du magistrat de la mise en état du 29 juin 1998.

C'est dans ces conditions que la Cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre) - afin de pouvoir statuer au fond sur les prétentions des parties - a été appelée à ordonner la disjonction de l'affaire évoquée à l'audience du 18 octobre 1999.

Il a été alors ordonné de poursuivre en divisant l'affaire entre:

1°) la procédure suivie sous n°96-01616 sur appel du jugement rendu le 19 novembre 1996 par le Tribunal d'instance de Saint-Martin après tierce-opposition, et opposant, d'une part, la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault, appelants, et d'autre part la SARL "Hôtel de l'Air", M. Montagnier et Me Ravise-Bes, intimés ou appelés en cause,

2°) la seconde procédure à enrôler sous nouveau n° en rétablissement de l'instance originairement suivie avant jonction sous n° 97-01249 sur appel du jugement rendu le 9 juillet 1997 par le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre, et opposant, d'une part, la SARL "Hôtel de l'Air", appelante à titre principal, et M. Montagnier et, d'autre part, la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault, intimés et appelants incidents.

La Cour d'appel de Basse-Terre doit se prononcer sur la première instance par arrêt distinct qui sera rendu ce jour.

Dans le second dossier sur lequel il doit être statué par le présent arrêt, les parties ont été invitées à conclure récapitulativement, la clôture de l'instruction complémentaire est intervenue le 1er mars 2000 et l'affaire a été fixée pour plaidoiries à l'audience du 20 mars 2000.

Moyens et Prétentions des Parties

1) La société "SEHH", M. Gérard Basset et Mme Hérault, intimés et appelants incidents, ont conclu récapitulativement en ces termes le 18 février 2000:

"Confirmer le jugement du Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre du 9 juillet 1997 en ce qu'il a partiellement fait droit aux prétentions des concluants,

"Pour le surplus, recevoir leur appel incident formulé par les précédentes conclusions et reprenant l'intégralité des demandes de condamnations formulées dans l'acte introductif d'instance,

"En conséquence,

"Vu les articles 1376, 1377, 1378, 1235 et 1131 du Code civil,

"Vu les paiements effectués par M. Basset, Melle Hérault d'une part et la société SEHH d'autre part entre les mains de la société Hôtel de l'Air et de M. Montagnier de décembre 1986 à août 1992 dont quittance,

"Vu l'article 1315 du Code civil,

"Vu le jugement du Tribunal d'instance de Saint-Martin aux termes duquel la société Hôtel de l'Air s'est opposée à la tierce-opposition formulée par la société SEHH,

"Condamner en conséquence solidairement la société Hôtel de l'Air et M. Jacques Montagnier à rembourser la somme totale de 3 888 695 F indûment payée par les requérants outre intérêts à compter du 30 août 1992,

"Vu l'article 1372 du Code civil et la gestion d'affaires de la société SEHH et de M. BASSET consistant dans les divers travaux notamment de gros œuvre dont la preuve du coût est administrée aux débats,

"Vu la ratification par le propriétaire des murs,

"Vu le rapport d'expertise Ferreri, le rapport Auger et surtout le rapport d'expertise Bourgois aux termes duquel le sieur Montagnier pour le compte de la société Hôtel de l'Air a reconnu l'existence d'une dette du 3 000 000 de F,

"Réformer le jugement dans le quantum sur ce point et condamner M. Montagnier à payer ladite somme,

"Vu l'article 1371 du Code civil et l'enrichissement sans cause consistant en ce que la société Hôtel de l'Air a conservé l'intégralité des biens meubles de la société SEHH,

Condamne ladite société au paiement de la somme de 2 760 000 F vu les inventaires régulièrement versés aux débats et les factures produites en appel,

"Complémentairement et sur le même fondement,

"Vu la valeur de la licence conservée et exploitée en pratique par les divers locataires de la société Hôtel de l'Air,

"Condamner celle-ci complémentairement au paiement d'une somme de 1 000 000 de F,

"Vu l'article 1382 du Code civil et la loi de 1909 sur le nantissement des fonds de commerce,

"Vu la fraude aux droits de la société SEHH par l'effet de la résiliation du bail contre le sieur Thellin sur le fondement de l'article 37 de la loi de 1985 sans que la société SEHH n'en ait été avertie ainsi que ceci est démontré par une sommation délivrée par les concluants à l'encontre de Me Ravise-Bes,

Condamner la société Hôtel de l'Air et M. Jacques Montagnier à payer solidairement une somme complémentaire de 2 400 000 F, montant de l'inscription en principal du nantissement plus intérêts à compter du 11 décembre 1987,

"Débouter M. Montagnier et la société Hôtel de l'Air de leurs demandes reconventionnelles qui n'ont pour mérite, en l'absence de toute pièce justificative ou de justification tellement partielle, qu'elles ne viennent qu'accréditer les demandes principales formées par la société SEHH, M. Basset et Melle Hérault,

En conséquence, condamner in solidum M. Montagnier et la société Hôtel de l'Air à payer les somme de:

- 2 760 000 F vu les inventaires correspondant à la valeur du matériel conservé par la société Hôtel de l'Air,

- 3 888 696 F au titre de la restitution des sommes indûes, outre intérêts à compter du 31 août 1992,

- 3 000 000 F sur le fondement de la gestion d'affaires, s'agissant du remboursement des travaux immobiliers, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de commerce,

- 2 400 000 F sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à raison de la perte du nantissement sur le fonds de M. Thellin provoquée par la société Hôtel de l'Air, outre intérêts à compter de 1988 capitalisés sur le fondement de l'article 1154 du Code civil,

- 1 000 000 F à raison de l'exploitation de la licence de débit de boissons et de la perte de celle-ci,

soit un total de 13 048 695 F (treize millions quarante-huit mille six-cent-quatre-vingt-quinze francs).

"Débouter la société Hôtel de l'Air de toutes ses prétentions,

"Condamner la société Hôtel de l'Air et M. Montagnier au paiement d'une somme de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC outre l'intégralité des dépens de première instance et d'appel,

Subsidiairement, si par extraordinaire la cour suivait la thèse de la société Hôtel de l'Air tendant à accréditer l'idée qu'une cession du droit au bail serait intervenue puisque c'est bien ce que conclut ladite société aujourd'hui devant la cour d'appel, rappelant qu'il y aurait eu un lien de droit direct,

"Constater la fraude à la loi, au décret du 30 septembre 1953, à la loi du 25 janvier 1985, la renonciation à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 20 février 1995 en l'état de l'aveu judiciaire de l'existence d'un lien de droit direct crée par l'apport du fonds de commerce de M. Thellin à la société SEHH,

"En conséquence,

"ordonner la réintégration dans les lieux sous astreinte de 100 000 F par mois de retard à compter de la signification de l'arrêt et condamner alors sur le fondement de l'article 1147 du Code civil la société Hôtel de l'Air à payer la somme de 15 000 000 de F de dommages et intérêts à raison de l'éviction abusive constatée et de l'inexécution des obligations du propriétaire bailleur qui a agi avec mauvaise foi et fraude aux droits des concluants,

"Vu les articles 1166 et suivants du Code civil,

"Accueillir complémentairement l'action oblique diligentée au bénéfice de Me Ravise-Bes ès qualité,

"Condamner la société Hôtel de l'Air à payer entre ses mains la somme de 2 500 000 F outre intérêts capitalisés depuis 1993,

"S'entendre déclaré opposable l'arrêt à intervenir en tous ses points,

"Ordonner à Maître Ravise-Bes de procéder à une répartition des fonds dès qu'elle sera en possession de ceux-ci,

"Et s'entendre enfin Me Ravise-Bes seule tenue des prétentions financières de la société Hôtel de l'Air si par extraordinaire elles étaient déclarées fondées".

2) La société "Hôtel de l'Air", appelante à titre principal, et M. Jacques Montagnier, intervenant volontaire, ont conclu finalement par écritures récapitulatives et en réponse déposées le 28 février 2000 comme suit:

a) "Sur les demandes de la société d 'Exploitation des Hôtels Hibiscus (SEHH) de M. Basset et de Melle Hérault:

"Confirmer le jugement dont est appel en ce qu'il a mis hors de cause M. Jacques Montagnier,

"Constater que la SEHH est tenue, en vertu des termes du contrat de location-gérance du 11 décembre 1987, d'exécuter les charges et conditions du bail commercial du 18 septembre 1980,

"Juger que dès lors les clauses tant du contrat de location gérance que du bail commercial sont seules applicables en l'espèce et excluent l'application des principes de la répétition de l'indu, de la gestion d'affaires, de l'enrichissement sans cause;

"En conséquence:

"Sur la demande de remboursement des loyers:

"Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes en remboursement des loyers versés par le Groupe Basset en exécution du contrat de location-gérance;

- "Sur la demande de dommages-intérêts pour fraude aux droits des créanciers nantis

"Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SEHH, M. Basset et Melle Hérault de leur demande de dommages-intérêts,

- "Accueillant l'appel de la SARL Hôtel de l'Air, y faisant droit et réformant:

- "Sur la demande de remboursement des travaux exécutés par la SEHH locataire-gérant:

"Constater que les travaux exécutés par le locataire-gérant sur les lieux loués:

- ont eu lieu nonobstant l'opposition constante du bailleur,

- devaient en tout état de cause, "demeurer en fin de bail, de quelque manière et à quelque époque qu'elle arrive, la propriété du bailleur sans indemnité de sa part".

"Constater que cette disposition contractuelle acceptée par le locataire-gérant, exclut la mise en œuvre du quasi-contrat que constitue la gestion d'affaires.

"Débouter la SEHH de sa demande.

- "Sur la demande de paiement de la valeur du matériel prétendument abandonné par la SEHH :

"Constater qu'en ce qui concerne le matériel dont la valeur est revendiquée par la SEHH, il ne saurait y avoir "enrichissement sans cause" dès lors que "les améliorations faites par le locataire-gérant au matériel et au mobilier commercial loué, resteront acquises en fin de bail au bailleur sans indemnité" et que le locataire gérant était tenu "de remplacer à ses frais tous objets qui viendraient au cours du présent bail à être perdus, volés ou détruits pour quelque cause que ce soit, fusse par vétusté".

"Constater en effet que la notion d'enrichissement sans cause est incompatible avec cette disposition contractuelle.

"Constater par ailleurs que la SARL Hôtel de l'Air n'exploite pas la licence IV dont la propriété est revendiquée par la SEHH.

"Débouter en conséquence la SEHH, M. Basset, Melle Hérault de leur demande.

"Très subsidiairement, ordonner une expertise, mission étant donné à l'expert commis:

- de rechercher si le matériel fourni à l'origine par la société Hôtel de l'Air, selon inventaire annexé bail du 28 septembre 1980, se trouvait dans les lieux au 15 avril 1987 ainsi qu'au 1er novembre 1987 et quels étaient son état et sa valeur;

- de rechercher si du matériel nécessaire à l'exploitation a été apporté par les exploitants successifs et quels étaient son état et sa valeur au 3l décembre 1992.

"Sur l'action oblique intentée par la SEHH qui se substituant à Me Ravise-Bes entend obtenir d'une créance de 2 500 000 F dont M. Jacques Montagnier serait redevable envers M. Henri Thellin:

"Déclare irrecevable la demande de la société SEHH en tant que demande nouvelle présentée pour la première fois devant la cour d'appel;

"Subsidiairement déclarer la demande mal fondée.

"Sur la demande de 15 000 000 F de dommages-intérêts pour avoir privé la société SEHH du droit de jouir du bail commercial:

"Déclarer irrecevable la demande de la société SEHH en tant que demande nouvelle présentée pour la première fois devant la cour d'appel,

"Subsidiairement déclarer la demande mal fondée.

b) "Sur les demandes reconventionnelles de la SARL Hôtel de l'Air:

"Déclarer recevables les demandes reconventionnelles de la SARL Hôtel de l'Air,

"Et y faisant droit:

"Constater que M. Basset et Melle Hérault agissent solidairement avec la SEHH et qu'il y a lieu dès lors de les condamner solidairement avec elle;

"Sur la demande reconventionnelle en paiement des loyers arriérés:

"Condamner solidairement la SEHH, M. Basset et Melle Hérault à lui payer le montant des loyers arriérés, soit la somme de 1 580 912 F avec intérêts au taux légal depuis le commandement de payer du 10 juillet 1992;

"Sur la demande reconventionnelle en remboursement du coût des travaux de remise en état des locaux:

"Condamner solidairement la SEHH, M. Basset et Melle Hérault à rembourser à la SARL Hôtel de l'Air le montant de travaux de remise en état des lieux et celui des réparations d'entretien qu'aurait dû effectuer la SEHH, soit une somme de 2 816 456 F;

"Subsidiairement, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec mission de décrire les travaux effectués pour remettre état de locaux après l'expulsion de la SEHH et pallier sa carence en ce qui concerne l'absence de réparations locatives, chiffrer le coût de ces travaux;

Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure manifestement abusive:

"Dire et juger que la société SEHH et ses animateurs, M. Basset et Melle Hérault, ont commis dans l'exercice de leurs diverses actions un abus de droit manifeste ayant généré pour la société concluante un important préjudice.

"Les condamner solidairement à payer à la société Hôtel de l'Air, en réparation du préjudice qu'elle a subi, la somme de 5 000 000 F de dommages-intérêts.

"Les condamner solidairement dans le cadre de la présente procédure à 200 000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive.

"Les condamner solidairement à payer à la société Hôtel de l'Air la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC."

Motifs

Il sera répondu aux prétentions respectives des parties et aux moyens et arguments qu'elles ont développés selon le plan suivant:

1°) Sur la recevabilité des prétentions respectives des parties;

2°) Sur les relations contractuelles;

3°) Sur les demandes principales de la "SEHH", de M. Basset et de Melle Hérault;

4°) Sur les demandes reconventionnelles de la société "Hôtel de l'Air"

1°) Sur la recevabilité des prétentions des parties

Attendu, sur la nouveauté en appel des dernières demandes formées par la SEHH, M. Basset et Melle Hérault, que la société "Hôtel de l'Air" et M. Montagnier font valoir à juste titre que doivent être déclarées irrecevables toutes les prétentions rattachées à l'exercice d'une action oblique par substitution de Me Ravise-Bes, mandataire liquidateur de M. Thellin, en vue de l'obtention d'une créance de 2 500 000 F dont M. Jacques Montagnier serait redevable envers M. Henri Thellin;

Attendu qu'en effet ces prétentions n'étaient pas virtuellement comprises dans les demandes soumises au premier juge et n'en sont ni l'accessoire ni le complément; qu'elles ne peuvent se justifier ni par l'intervention recevable d'un tiers, ni par la survenance ou la révélation d'un fait nouveau; qu'elles ne visent pas à opposer compensation; qu'enfin, sur un fondement juridique tout à fait différent, elles ne tendent pas aux mêmes fins que celles présentées en première instance, s'agissant plus précisément de la tentative de recouvrement d'une créance détenue par un tiers au procès, lequel fait d'ailleurs l'objet d'une procédure collective;

Attendu que la demande d'attribution de la somme de 15 000 000 F à titre de dommages et intérêts dirigée contre la SARL "Hôtel de l'Air" pour "avoir privé la société SEHH du droit de jouir du bail commercial par une "éviction abusive" - dont l'objet et le fondement juridique peuvent apparaître relativement évasifs - ne semble pouvoir utilement se référer qu'aux conditions dans lesquelles est intervenue en janvier 1993 l'expulsion de M. Thellin et de tous occupants de son chef en exécution de l'ordonnance de référé du 8 décembre 1992 exécutoire de plein droit ayant fait l'objet ensuite d'une réformation partielle par arrêt de la Cour d'appel de Basse-Terre du 20 février 1995;

Attendu que ces prétentions se distinguent parfaitement de celles présentées en première instance par les demandeurs principaux et ayant tendu - faut-il le rappeler - à la condamnation de la SARL "Hôtel de l'Air" au titre de la restitution de l'indû, de la gestion d'affaires, de l'enrichissement sans cause, de la poursuite de l'exploitation avec les éléments du patrimoine de M. Basset et de la perte du nantissement sur le fonds de commerce; que les demandes nouvelles en appel fondées sur la "privation de jouissance du bail" ne procèdent nullement des mêmes causes et surtout ne tendent pas aux mêmes fins; que d'ailleurs, elles ne se substituent nullement aux précédentes, mais viennent s'y ajouter pour un montant global nettement supérieur; que ces prétentions nouvelles des intimés appelants incidents ne visent pas enfin à opposer compensation; que les conditions prévues aux articles 564, 565 et 566 du NCPC pour l'admission dérogatoire des demandes nouvelles en appel ne sont pas réunies;

Attendu qu'il sera donc fait droit à l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SARL "Hôtel de l'Air" sur ces deux premiers chefs de demande;

Attendu, sur les demandes formées contre Me Ravise-Bes es qualité de liquidateur judiciaire de M. Thellin, que Me Ravise-Bes n'a été ni intimée, ni assignée en la cause sur appel du jugement rendu le 9 juillet 1997 par le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre que ce mandataire de justice n'était pas partie au procès en première instance;

Attendu, comme il a été spécifié plus haut dans le rappel des procédures, Me Ravise-Bes n'a été appelée devant la cour à la demande du magistrat de la mise en état que dans le cadre de l'instance d'appel distincte sur recours contre le jugement rendu sur tierce-opposition le 19 novembre 1996 par le Tribunal d'instance de Saint-Martin, et ce au motif de l'indivisibilité du litige; qu'il ressort sans ambiguïté du dispositif de l'arrêt avant dire droit de la Cour de Céans du 18 octobre 1999 qu'après disjonction des deux instances d'appel jointes par erreur, Me Anne Ravise-Bes ne saurait être considérée comme partie dans la présente procédure d'appel n° 99-01593;

Attendu que les demandes présentées par la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault contre Me Ravise-Bes, non partie à l'instance, sont irrecevables;

Attendu, sur les demandes formées contre M. Jacques Montagnier à titre personnel, que les premiers juges ont mis M. Jacques Montagnier, intervenant volontaire en appel, hors de cause à titre personnel au motif pertinent qu'il n'était pas démontré qu'il avait agi en une autre qualité que celle de gérant de la société "Hôtel de l'Air"; que ces dispositions de la décision déférée ne sont critiquées par quiconque en appel; qu'il y a lieu dès lors à confirmation de ce chef; que les prétentions émises devant la cour par la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault en ce qu'elles tendent à la condamnation de M. Montagnier "in solidum" (sic) avec la SARL "Hôtel de l'Air" ne peuvent qu'être écartées dans de telles conditions;

2°) Sur les relations entre les parties

Attendu, sur la portée de la cession des droits litigieux du 15 avril 1987 que le bail commercial applicable aux locaux litigieux a été conclu le 28 septembre 1980 entre la société "Hôtel de l'Air" et les époux Thellin; que, par jugement du 27 octobre 1992 du tribunal Melle Hérault a été déboutée de son opposition à un commandement de payer délivré aux époux Thellin par la société "Hôtel de l'Air" au motif que la convention de cession de droits litigieux du 15 avril 1987 était inopposable à la société bailleresse et que les demandeurs ne pouvaient dès lors se prévaloir de la qualité de titulaires du bail; que cette décision a été confirmée, sur appel de la société "SEHH", de M. Basset et de Melle Hérault, par arrêt de la Cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre) du 20 février 1995; que le pourvoi formé contre cet arrêt confirmatif par la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault a été finalement rejeté par arrêt de la Cour de cassation (3e chambre civile) du 30 avril 1997, et ce au motif explicite que la cession du fonds de commerce du 15 avril 1987 avait été considérée à bon droit "inopposable au bailleur";

Attendu que la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault sont donc mal fondés à contester aujourd'hui l'autorité de la chose jugée sur le même objet et entre mêmes parties le 20 février 1995 par arrêt définitif de la Cour d'appel de Basse-Terre; qu'ils ne peuvent utilement fonder leurs demandes sur les énonciations de l'acte de cession de droits litigieux du 15 avril 1987; qu'ils ne démontrent nullement que l'inopposabilité à la société bailleresse de la cession consentie le 15 avril 1987 aurait été obtenue par "fraude à la loi ou par machination judiciaire", alors qu'elle résulte d'une décision de justice ayant acquis un caractère définitif au terme d'un débat contradictoire et après épuisement des voies de recours ; qu'enfin les intéressés ne peuvent sérieusement soutenir, comme ils l'allèguent sans la moindre démonstration, que leur adversaire aurait "renoncé à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 20 février 1995 en l'état d'un aveu judiciaire de l'existence d'un lien de droit direct", cet aveu provenant de l'apport du fonds de commerce de M. Thellin à la société "SEHH";

Attendu que les moyens par lesquels la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault demandent aujourd'hui à la cour de "constater la fraude à la loi, au décret du 30 septembre 1953, à la loi du 25 janvier 1985" doivent être par conséquent purement et simplement rejetés;

Attendu, sur la portée du contrat de location-gérance du 11 décembre 1987, que la validité de cette convention conclue entre M. Henri Thellin - désigné en qualité de "bailleur" - et la SARL "SEHH" - désignée en qualité de "locataire-gérant" - n'a jamais été sérieusement contestée; qu'il ressort, entre autres, des stipulations de ce contrat dépourvu de tout caractère "fictif" que: "Le locataire-gérant paiera directement au propriétaire des locaux, au nom du bailleur, les loyers, quelque soit leur montant, notamment par suite de révision, et il exécutera toutes les charges et conditions du bail";

Attendu que la SARL "Hôtel de l'Air", propriétaire des locaux donnés à bail, et tiers au contrat de location-gérance, peut se prévaloir valablement d'une stipulation pour autrui dans le cadre de ses relations directes avec la SARL "SEHH" prise en tant que locataire-gérant;

Attendu que la convention de location-gérance avait été certes conclue pour une durée de trois ans à compter du 1er novembre 1987; qu'au-delà du 1er novembre 1990, les relations contractuelles se sont toutefois en fait poursuivies entre le preneur M. Thellin, et le locataire-gérant sans nouvelle convention écrite;qu'il est notamment acquis, de l'aveu de toutes les parties, que la SARL "SEHH" a continué normalement d'occuper les locaux loués par la SARL "Hôtel de l'Air" à M. Thellin et d'y exploiter le fonds de commerce dont la gérance lui avait été confiée par ce dernier, et ce de façon effective jusqu'à l'expulsion à laquelle il a été procédé le 3 janvier 1999 par le bailleur commercial en vertu de l'ordonnance de référé du 8 décembre 1992;

Attendu que la tacite reconduction suppose qu'un contrat à exécution successive se poursuive, une fois parvenu à son terme comme si sa date d'expiration n'avait pas été dépassée;que la poursuite de la convention naît alors simplement du silence des parties;que, même si la convention initiale de location ne prévoit pas expressément un renouvellement tacite, il faut admettre la réalisation de ce dernier par référence aux dispositions générales des articles 1738 et 1759 du Code civil en fonction d'une présomption de la volonté des parties dont l'existence est souverainement appréciée par les juges du fond;que tel est le cas en matière de location-gérance, sans qu'il y ait lieu à nouvelle publicité (en ce sens, Cass. comm. 7 juillet 1996. SCP 66. n° 14842);

Attendu que la SARL "Hôtel de l'Air" invoque donc à juste titre le maintien de l'application des clauses du contrat de location-gérance du 11 décembre 1987 au delà de l'échéance initialement convenue; qu'en effet la SARL "SEHH", M. Basset et Melle Hérault ne fournissent aucun élément de nature à démontrer que les parties contractantes avaient manifesté, à un quelconque instant, la volonté de mettre fin à leurs engagements respectifs ou d'en modifier le teneur;

3°) Sur les demandes principales de la "SEHH" de M. Basset et de Melle Hérault

Attendu que ces demandes peuvent être regroupées sous quatre rubriques:

a°) répétition de l'indû

b°) gestion d'affaires

c°) enrichissement sans cause

d°) défaut de notification au créancier nanti;

a°) Sur la demande de restitution des loyers au titre de la répétition de l'indû.

Attendu que les premiers juges ont considéré exactement que les paiements effectués par M. Basset et la SARL "SEHH" directement entre les mains de la SARL "Hôtel de l'Air" au titre des loyers échus ne pouvaient être considérés comme indûs par référence aux stipulations du contrat de location-gérance conclu le 1er novembre 1987 entre M. Thellin et la SARL "SEHH";

Attendu que le locataire gérant s'était en effet expressément engagé à "payer directement au propriétaire des locaux, au nom du bailleur, les loyers, quelque soit leur montant, notamment par suite de révision....";

Attendu que la SARL "SEHH", M. Basset, Melle Hérault ne démontrent nullement, en l'état des quittances de loyer obtenues auprès du bailleur telles que produites aux débats, que des règlements auraient été effectués par leurs soins avant le 1er novembre 1987, date de la prise d'effet du contrat de location-gérance (cf. contrat de location-gérance "Durée" p. 2); que le règlement des arriérés éventuels acquis à cette date n'aurait eu aucun caractère indû s'il avait été opéré en vertu des obligations contractuelles incombant aussitôt au locataire-gérant dès prise d'effet de la convention;qu'au delà du 1er novembre 1990, le contrat de location doit être considéré par ailleurs comme tacitement reconduit comme il a été exposé ci-dessus, en l'état des éléments d'appréciation soumis à la cour;

Attendu que les prétentions tendant au remboursement des loyers ont ainsi été écartées à bon droit en première instance;

b°) Sur les demandes de remboursement des travaux au titre de la gestion d'affaires.

Attendu que la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault demandent la somme de 3 000 000 F au titre de la gestion d'affaires qui correspondrait au coût des travaux d'amélioration réalisés durant la période d'occupation des lieux;

Attendu que les premiers juges ont admis avec pertinence à ce sujet qu'il n'y avait pas lieu de se référer à l'offre formulée par M. Montagnier, gérant de la SARL "Hôtel de l'Air" dans le cadre d'une expertise judiciaire confiée à M. Bourgeois, dès lors que cette proposition - au demeurant rejetée par M. Basset, au nom de la société "SEHH" - correspondrait à un rachat de l'ensemble des droits d'exploitation sur le fonds de commerce;

Attendu que le montant des factures produites à ce titre aux débats par la SARL "SEHH", M. Basset et Melle Hérault s'élève en réalité à 1 559 722 F; que la SARL "Hôtel de l'Air" fait au surplus valoir à juste titre que certains paiements allégués ne peuvent être manifestement pris en considération au titre des travaux d'investissement immobiliers, et ce compte-tenu seulement du libellé des factures;

Attendu que, par des motifs complets et pertinents qui méritent adoption, le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre a finalement admis qu'il disposait d'éléments de preuve suffisants pour considérer que, d'une part, des travaux spécifiques conséquents avaient été entrepris par la SARL "SEHH" et autorisés en 1988 et 1989 par le propriétaire des lieux et que celui-ci avait ratifié postérieurement la gestion d'affaires ainsi assumée par le locataire-gérant, et ce notamment par lettre ultérieure du 18 avril 1991 ayant trait aux réparations litigieuses réalisées sur le desk;

Attendu que les réparations entreprises n'avaient, compte-tenu de leur nature et de leur importance, aucun caractère locatif; qu'il ne s'agissait pas de simples travaux d'embellissement qui auraient pu être considérés comme acquis au bailleur en vertu des clauses du bail commercial; que les ouvrages réalisés ont d'ailleurs permis le classement de l'hôtel en catégorie 4 * NN en mai 1989;

Attendu que l'estimation arrêtée en première instance à la somme de 432 500 F à partir -pour l'essentiel- d'une réclamation du 31 décembre 1990 suivie d'un commandement de payer du 7 février1992 ne fait l'objet d'aucune critique précise en cause d'appel, la SARL "Hôtel de l'Air" entendant contester exclusivement le principe même de sa dette au titre de la gestion d'affaires;

Attendu que la gestion d'affaires au profit de la SARL "Hôtel de l'Air" a été assurée en fait et selon les énonciations des écritures respectives en cause d'appel, tant par la SARL "SEHH", locataire-gérante, que par ses associés actuels, à savoir M. Basset et Melle Hérault; que la SARL "Hôtel de l'Air", qui évoque au demeurant elle-même le concept de "groupe Basset", ne conteste nullement le principe de la solidarité active de la créance éventuelle des trois demandeurs principaux à l'instance; que l'appel principal ou incident ne défère enfin à la cour que les chefs des dispositions du jugement attaqué qu'il critique; que la décision entreprise sera confirmée sans modification de ce chef;

Attendu que la décision déférée sera donc confirmée à cet égard;

c°) Sur les demandes formées au titre de l'enrichissement sans cause.

Attendu que les appelants à titre incident font valoir que la société "Hôtel de l'Air" a conservé l'intégralité des biens meubles de la "SEHH" ainsi que l'usage de la licence IV ayant appartenu à cette dernière; qu'ils réclament la condamnation de la société "Hôtel de l'Air" à leur verser au titre de l'enrichissement sans cause, pour ces divers motifs, les sommes respectives de 2 760 000 F et de 1 000 000 F;

Attendu, en premier lieu, qu'il ressort des documents versés aux débats que, ni M. Montagnier, gérant de la SARL "Hôtel de l'Air", ni Mme Grasset épouse Montagnier, n'ont exploité la licence IV appartenant à la société "SEHH" après le départ de celle-ci des lieux litigieux; qu'il ressort d'une attestation délivrée le 21 octobre 1998 par la Direction Régionale des Douanes de Guadeloupe que "le bar-restaurant exploité par M. Olivier Megnin à l'enseigne "La Mandala".. ne fonctionne pas sous le couvert de la licence IV de M. Basset, l'exploitation de ce débit demeurant couverte par une autre licence de plein exercice"; que par conséquent les accusations formulées par la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault relatives à l'usage de la licence IV de la société "SEHH" par ou pour le compte de la société "Hôtel de l'Air" apparaissent dénuées de tout fondement; qu'en réalité il appartient au propriétaire effectif de la licence IV ayant été utilisée pour l'exploitation de l'Hôtel Hibiscus d'en reprendre l'usage, sous réserve de péremption, par référence aux énonciations de l'attestation précitée délivrée le 21 octobre 1998 par la Direction Régionale des Douanes; qu'en tout état de cause aucune demande d'enrichissement sans cause ne peut être utilement dirigée en ce domaine contre la SARL "Hôtel de l'Air";

Attendu que le tribunal mixte de commerce a écarté à bon droit la demande d'indemnisation dont il était saisi en ce sens;

Attendu, en second lieu, que l'expulsion des lieux s'est réalisée en janvier 1993 en exécution de l'ordonnance de référé du Président du Tribunal de grande instance de Basse-Terre du 4 décembre 1992 sans qu'il soit procédé, à la demande de l'une quelconque des parties, au moindre inventaire contradictoire du mobilier installé dans le fonds de commerce de l'hôtel Hibiscus; qu'il apparaît impossible de mettre utilement en présence les énonciations de l'inventaire joint à l'acte de nantissement du fonds de commerce du 10 décembre 1987 - inopposables au propriétaire des lieux puisque celui-ci n'a pas été partie à ce contrat - à celles du procès-verbal dressé le 31 août 1992 par Me Mayeko, Huissier de justice à Basse-Terre, à la requête exclusive de M. Basset, gérant de la "SEHH", et en fonction de l'estimation d'un tiers rencontré sur les lieux - M. David Henderson - ayant fixé une valeur globale de 2 760 890 F;

Attendu que le seul document contradictoire de référence demeure l'inventaire initial annexé à l'acte de bail commercial conclu le 28 septembre 1980 entre M. et Mme Thellin et la SARL "Hôtel de l'Air"; qu'à défaut d'un inventaire contradictoire du mobilier lors du délaissement des lieux, il est vain de déterminer si une plus value indûe aurait été apportée en ce domaine au bailleur par le locataire-gérant;

Attendu que la SARL "Hôtel de l'Air" fait observer à bon droit qu'en vertu du contrat de location-gérance du 11 décembre 1987, il avait été décidé que "les améliorations faites par le locataire gérant au matériel et au mobilier commercial loué resteront acquises en fin de bail au bailleur, sans indemnité"; qu'à défaut de démontrer un accroissement du mobilier existant qui aurait dépassé les exigences de l'exploitation normale du commerce, la SARL "SEHH", M. Basset et Melle Hérault sont mal fondés à prétendre à un appauvrissement sans cause; qu'à les supposer établies, les améliorations apportées par la société locataire-gérante au matériel et au mobilier existant doivent rester, en considération des engagements contractuels opposables aux parties, en tout cas acquises au propriétaire des lieux sans indemnité; qu'il ne saurait y avoir dès lors enrichissement sans cause au profit de la SARL "Hôtel de l'Air".

Attendu que le jugement attaqué devra être réformé de ce dernier chef et que la SARL "SEHH", M. Basset et Melle Hérault seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes à ce titre.

d°) Sur les demandes fondées sur le défaut de notification de l'assignation en résiliation du bail au créancier nanti.

Attendu que, par arrêt distinct de ce jour, la Cour d'appel de Basse-Terre a réformé le jugement du Tribunal d'instance de Saint-Martin du 19 novembre 1996 et admis le bien fondé de la tierce-opposition formée contre le précédent jugement de la même juridiction du 6 juin 1995; que la décision initiale du 6 juin 1995 a été ainsi déclarée inopposable à la SARL "SEHH", créancière nantie sur le fonds de commerce de M. Thellin, au motif que celle-ci n'avait pas reçu notification préalable de la demande de résiliation du bail commercial au mépris des exigences de l'article L. 14 de la loi du 17 mars 1909;

Attendu que la SARL "SEHH" peut, par conséquent, légitimement faire grief à la SARL "Hôtel de l'Air" d'avoir omis de procéder à la formalité ainsi exigible du bailleur à l'égard du créancier nanti au moment de la demande de constatation judiciaire de la résiliation du bail;

Attendu, en droit, que, du fait même de l'inopposabilité de la résiliation du bail au créancier nanti, ce dernier a la faculté en principe de saisir l'ensemble du fonds de commerce, y compris le droit au bail qui a, à son égard tout au moins, survécu à sa résiliation (cf. JCP civil. Gage. en 2084; fascicule 20. n° 99); qu'en tout cas, le bailleur n'ayant pas effectué la notification requise demeure passible de dommages et intérêts envers la créancier, en fonction du préjudice qu'il a pu lui causer à cette occasion;

Attendu que le jugement attaqué sera donc nécessairement réformé en ce qu'il a débouté la SARL "SEHH" de sa demande de dédommagement à ce titre;

Attendu que la SARL "SEHH" se borne toutefois en appel à réclamer de ce chef l'attribution d'une indemnité réparatrice de 2 400 000 F correspondant au montant intégral de la créance garantie et des accessoires et ce avec intérêts à compter du 11 décembre 1987; que notamment elle ne fournit aucune explication ni justification sur l'ampleur du dommage définitif résultant - en vertu des circonstances de fait particulières de la disparition de l'entreprise - de l'impossibilité ou de la gène dans laquelle elle se serait trouvée de pouvoir poursuivre utilement et en temps opportun sur l'objet précis du nantissement - à savoir le fonds de commerce litigieux- le recouvrement de sa créance à l'égard de M. Thellin, aujourd'hui en liquidation judiciaire; que la SARL "Hôtel de l'Air" ne discute pas, par ailleurs, le montant de l'indemnité réclamée, en restant sur une position de principe correspondant à une contestation pure et simple de toute responsabilité fautive en la matière;

Attendu que, de ce chef, la cour doit, avant dire droit au fond sur l'évaluation de la compensation, renvoyer l'examen de la cause en demandant aux parties de s'expliquer d'abord contradictoirement le montant précis des dommages et intérêts susceptibles d'être en l'occurrence alloués au créancier nanti pour inobservation des prescriptions de l'article 14 de la loi du 17 mars 1909;

4°) Sur les demandes reconventionnelles de la SARL "Hôtel de l'Air "

Attendu que ces demandes - dont la recevabilité en appel n'est pas discutée - doivent être regroupées sous trois rubriques:

a°) paiement des arriérés de loyers,

b°) remboursement du coût de la remise en état des lieux,

c°) procédures abusives et perte alléguée de revenus;

Sur les demandes en paiement des arriérés de loyers.

Attendu que, par référence aux motifs déjà énoncés plus haut, la SARL "SEHH", locataire- gérant, s'est trouvée tenue, durant toute la période où elle a occupé effectivement les lieux, au paiement des loyers entre les mains du propriétaire en exécution des obligations résultant des clauses explicites de la convention conclue pour trois ans avec M. Thellin le 11 décembre 1987 et tacitement reconduite;

Attendu que la date d'expulsion des lieux en vertu de l'ordonnance de référé du 8 décembre 1992 doit être fixée, par référence aux ultimes écritures des parties elles-mêmes et en fonction des documents versés aux débats, au 3 janvier 1993; que la SARL "Hôtel de l'Air", bailleresse, est en droit aujourd'hui de poursuivre directement le règlement de sa dette envers la société locataire-gérante qui ne démontre - ni n'allègue - avoir cessé plus tôt ses activités; que la SARL "Hôtel de l'Air" justifie de la production de sa créance au titre de l'arriéré locatif pour la somme de 1 580 912 F entre les mains du liquidateur du preneur commercial faisant l'objet de la procédure de liquidation judiciaire;

Attendu que le montant de la demande calculée à ce titre par la SARL "Hôtel de l'Air" n'est pas discuté par ses adversaires; qu'il apparaît préférable par précaution, en l'état des litiges ayant opposé les mêmes parties avant l'introduction du présent procès, de spécifier que le paiement de cet arriéré locatif visant une période déterminée devra intervenir en deniers ou quittances;

Attendu que les mises en demeure de règlement des loyers ont été adressées le plus souvent en 1991 et 1992 par la société bailleresse aux preneurs du bail commercial, et non à la société locataire-gérante; que, dans le cas contraire, les sommations ont été parfois judiciairement déclarées nulles; qu'il convient, dans cette situation, de ne faire courir les intérêts moratoires sur le montant désormais sollicité dans le cadre d'une action directe contre la société locataire-gérante qu'à partir du 10 décembre 1997, date des premières écritures en appel qui peuvent valoir sommation valable et sans équivoque de régler ladite somme;

Attendu qu'enfin M. Basset et Melle Hérault ne sont pas engagés à titre personnel au travers de la convention de location-gérance du 11 décembre 1987 servant de fondement juridique aux poursuites présentes du bailleur; que seule la SARL "SEHH" doit être considérée dès lors comme tenue au paiement;

Sur les demandes de remboursement des frais de remise en état des locaux.

Attendu que la SARL "Hôtel de l'Air" soutient avoir été contrainte, après expulsion en janvier 1993, de remettre les lieux loués en état à ses frais et avoir exposé à ces fins des dépenses s'élevant à 2 816 456 F dont elle sollicite aujourd'hui le remboursement;

Attendu qu'au soutien du principe de ces prétentions, la SARL "Hôtel de l'Air" se borne à produire copie d'un courrier recommandé qui aurait été adressé quelques jours auparavant, soit le 22 septembre 1992, à M. Basset, alors à Fréjus, pour se plaindre auprès de lui de modifications entreprises sans son autorisation en 1988 et 1989 et exiger une remise en état; qu'en réalité - comme déjà indiqué plus haut - les ouvrages réalisés à la période incriminée par la société locataire-gérante, à la connaissance du propriétaire et pour partie dans le cadre de la gestion d'affaires, ont permis globalement une revalorisation de l'ensemble immobilier; que, de toute façon, à défaut d'un état des lieux dressé contradictoirement au moment du départ effectif des occupants, la SARL "Hôtel de l'Air" ne saurait aujourd'hui prétendre avoir dû procéder après délaissement des locaux à des travaux indispensables de réparation ;

Attendu que la preuve d'un défaut d'entretien de l'immeuble en cours de bail ou de dégradations imputables aux occupants n'est nullement rapportée, en l'état des seuls éléments d'appréciation soumis à la cour d'appel; que les prétentions émises sur ce fondement par la société "Hôtel de l'Air" seront écartées;

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Attendu qu'il ne peut être légitimement reproché aux demandeurs principaux à la présente instance - qui ne succombent pas sur toutes leurs prétentions - d'avoir abusé du recours à la justice; que certes des procédures multiples ont été introduites depuis 1992 par les parties au présent procès sur des fondements parfois strictement identiques et avec des objets en définitive comparables, ce qui a manifestement perturbé le règlement judiciaire du conflit des intérêts qui les opposait; que toutefois la complexité relative des relations initiales a pu être à l'origine d'erreurs d'interprétation ou d'orientation et de confusions; que la preuve d'une intention de nuire ou d'une témérité répréhensible dans l'exercice des actions judiciaires respectives n'est pas rapportée;

Attendu que le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre a donc rejeté à juste titre les demandes déjà formées devant lui en ce domaine par la SARL "Hôtel de l'Air"; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef;

Attendu que l'examen des prétentions relatives à la prise en charge des frais irrépétibles doit être réservé jusqu'au terme de la présente instance, ainsi que le sort des dépens;

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ; Reçoit en la forme la SARL "l'Hôtel de l'Air" en son appel principal et la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault en leur appel incident ; Reçoit M. Montagnier en son intervention volontaire aux côtés de la SARL "l'Hôtel de l'Air" ; Constate que Me Ravise-Bes, mandataire liquidateur de M. Thellin n'a été ni intimée ni assignée en la cause, et déclare en conséquence irrecevables les prétentions formées contre elle ; Déclare irrecevables pour cause de nouveauté en appel les prétentions émises par la société "SEHH", M. Basset et Melle Hérault en ce qu'elles tendent aux condamnations à paiement de la SARL "Hôtel de l'Air" soit sur le fondement de l'action oblique exercée au nom de Me Ravise-Bes, mandataire liquidateur de M. Thellin, soit encore à titre de dommages et intérêts pour privation de jouissance du bail par éviction abusive ; Au fond, Confirme le jugement rendu le 9 juillet 1997 par le Tribunal mixte de commerce de Basse-Terre en ce qu'il a: - mis hors de cause M. Jacques Montagnier en son nom personnel, - rejeté la demande de restitution des loyers au titre de la répétition de l'indû présentée par la SARL "SEHH", M. Basset et Melle Hérault, - admis à concurrence de la somme de 432 500 F la demande de remboursement des travaux au titre de la gestion d'affaires formée par la SARL "SEHH", M. Basset et Melle Hérault et rejeté celle-ci pour le surplus, - écarté la demande de dommages et intérêts d'un montant de 1 000 000 F pour enrichissement sans cause par usage d'une licence IV de débit de boissons présentée par la SARL "SEHH", M. Basset et Melle Hérault, - rejeté les demandes de dommages et intérêts à concurrence de 5 000 000 F et de 200 000 F pour "procédures abusives, manque à gagner et perte de valeur" présentées par la SARL "Hôtel de l'Air"; Réformant pour le surplus cette décision, statuant à nouveau des chefs réformés ainsi qu'y ajoutant sur nouvelles demandes recevables ; Condamne la SARL "Hôtel de l'Air" à payer à la SARL "SEHH", M. Gérard Basset et Melle Marie-Hélène Hérault à payer la somme de 432 500 F, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré ; Déboute la SARL "SEHH", M. Basset et Melle Hérault de leur demande d'attribution de la somme de 2 760 000 F pour le mobilier et le matériel laissés sur place au titre de l'enrichissement sans cause ; Dit que la SARL "Hôtel de l'Air" a omis fautivement de procéder en vertu de l'article 14 de la loi du 17 mars 1909 à la notification à la SARL "SEHH", créancier nanti sur le fonds de commerce de M. Thellin, de sa demande introductive du 10 avril 1995 devant le Tribunal d'instance de Saint-Martin tendant à la constatation judiciaire de la résiliation du bail consenti ; Avant dire droit sur la réparation du préjudice causé de ce dernier fait, Impartit à la SARL "SEHH" de conclure et produire toutes pièces justificatives utiles sur le montant de l'indemnité réparatrice réclamée de ce chef avant le 15 août 2000 ; Impartit à la SARL "Hôtel de l'Air" de conclure en réponse et produire toutes pièces justificatives utiles avant le 30 septembre 2000 ; Ordonne d'ores et déjà la clôture de l'instruction complémentaire de l'affaire le 10 octobre 2000 ; Renvoie la cause et les parties pour plaidoiries devant la 1re chambre de la cour à l'audience du 6 novembre 2000 à 9 heures ; Condamne la SARL "SEHH" à payer, en deniers ou quittances, la somme de 1 580 912 F à titre d'arriéré locatif à la SARL "Hôtel de l'Air", et ce avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 1997 ; Déboute la SARL "Hôtel de l'Air" de ses demandes tendant au paiement de la somme de 2 816 456 F au titre du remboursement du coût des travaux de remise en état ; Réserve enfin l'application en la cause des dispositions de l'article 700 et le sort des dépens.