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Décisions

Cass. crim., 11 janvier 1990, n° 88-84.938

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Simon

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Waquet, Farge.

Versailles, 9e ch., du 3 juin 1988

3 juin 1988

Rejet du pourvoi formé par C Erwin, H Hannjorg, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 3 juin 1988, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné les deux premiers à 15 000 francs d'amende chacun et a déclaré la société X civilement responsable.

LA COUR: - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905, du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, de l'article 59 du traité de Rome, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré H et C coupables du délit de publicité comportant des allégations de nature à induire en erreur le consommateur pour avoir, dans la période du 16 au 27 mars 1981, en présentant des articles publicitaires à des prix hors taxe dans les prospectus publicitaires et sur les lieux de vente dans un magasin qui vend à des consommateurs;

"alors, d'une part, que le commerce de gros se caractérise par l'existence d'un circuit de professionnel à professionnel et emporte nécessairement la pratique de prix hors taxe; que le fait pour un grossiste d'annoncer à sa clientèle des prix hors taxes est donc normal et insusceptible de constituer le délit de publicité mensongère; que dès lors que l'arrêt attaqué reconnaît expressément et à deux reprises que l'activité de la société X dont les prévenus sont cogérants est bien le "libre-service de gros" et le "commerce de gros", la Cour ne pouvait retenir comme constitutif du délit de publicité mensongère l'offre des produits à la vente sous le prétexte que les prix étaient annoncés hors taxe;

"alors, d'autre part, que la vente en gros sous forme de libre-service n'est interdite par aucun texte et est donc parfaitement licite; que l'exercice du commerce de gros, sous cette forme, exclut la possibilité pour le grossiste, contraint de respecter le principe de la libre concurrence et l'interdiction de toute discrimination, de limiter à telle ou telle catégorie de professionnels l'accès à ses établissements; que la cour d'appel ne pouvait donc, pour reprocher aux prévenus la présentation de prix hors taxes, tirer argument de ce que l'accès du magasin X était ouvert à toutes les catégories de professionnels, cette circonstance n'étant pas exclusive de l'existence d'un véritable commerce de gros;

"alors, enfin, que l'acheteur qui prétend rentrer sciemment dans un circuit réservé en principe à une catégorie déterminée de clientèle, ne peut prétendre qu'à la protection réservée à la clientèle habituelle de ce circuit, et non à la protection générale reconnue au consommateur s'adressant au commerce de détail; que l'acquéreur qui, usant de sa qualité de professionnel, s'adresse à un commerçant en gros, ne peut donc bénéficier que de la protection accordée à l'acquéreur "moyen" en gros, et non de la protection générale du consommateur moyen; qu'il est donc supposé connaître les pratiques élémentaires de ce genre de circuit, notamment la pratique de prix hors taxes, et qu'il n'appartient pas au grossiste de s'assurer que son client n'entend satisfaire par ses acquisitions que des besoins strictement professionnels";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société X exploite un magasin de vente en gros en libre-service et que, des fonctionnaires de la concurrence et de la consommation ayant constaté que les prix des articles proposés sur les prospectus publicitaires diffusés étaient des prix hors taxes, Erwin C et Hannjorg H, cogérants de ladite société, ont été poursuivis pour publicité de nature à induire en erreur;

Attendu que pour déclarer les prévenus coupables de ce délit la juridiction du second degré relève, d'une part, que, si la possibilité d'acheter était en principe réservée aux seuls professionnels titulaires de cartes nominatives, les conditions très larges dans lesquelles étaient délivrées ces cartes permettaient l'accès au magasin de nombreux clients venant acheter en tant que particuliers, d'autre part que les dépliants publicitaires étaient de nature à induire en erreur les consommateurs du fait que les mentions relatives aux prix ne permettaient pas normalement de déceler qu'il s'agissait de prix hors taxes;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré H et C coupables du délit de publicité mensongère pour avoir, dans le dépliant du 2 au 13 mars 1981 et dans le dépliant du 20 juillet 1981 où figuraient des mentions faisant croire à l'existence en stock dans le magasin de Nanterre de la SARL X d'articles dont il a été constaté qu'ils ne se trouvaient pas à la vente lors des contrôles exercés;

"alors, d'une part, que dès lors que l'infraction sur le fondement de laquelle les poursuites ont été engagées est amnistiée, l'action publique est éteinte, et que cette extinction interdit de prononcer une condamnation à raison des faits visés dans la poursuite, sous une autre qualification susceptible d'échapper à l'amnistie; qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que les faits commis du 2 au 13 mars 1981 reprochés à H et poursuivis à l'origine sous la qualification d'infraction à la publicité sur les prix, réprimée par les articles 5 de l'arrêté du 2 septembre 1977, 33 de l'ordonnance n° 1483 du 30 juin 1945, et 39 de l'ordonnance n° 1484 du 30 juin 1945, étaient en tant que tels amnistiés; que l'action publique était donc définitivement éteinte quant à ces faits, et que la cour d'appel n'avait pas le pouvoir de les requalifier;

"alors, d'autre part, que les allégations, indications ou présentations susceptibles de caractériser le délit de publicité de nature à induire en erreur doivent résulter exclusivement du texte de la publicité litigieuse faisant l'objet des poursuites; que ni le dépliant publicitaire du 2 au 13 mars 1981 ni celui du 18 au 31 juillet 1981 visés dans la citation ne font état d'une disponibilité immédiate et constante de l'ensemble des articles concernés pendant toute la durée de la promotion, qu'en tous cas, l'arrêt ne le constate pas; qu'au contraire, l'annonce de ventes promotionnelles signifie nécessairement que l'offre exceptionnelle porte sur un nombre limité de marchandises pendant une durée elle-même limitée; qu'ainsi le délit n'était pas constitué;

"alors, enfin, que la publicité faite à propos d'une marchandise, sans indication quant aux quantités de marchandises offertes n'est pas en soi de nature à tromper la clientèle sur l'importance du stock mis à sa disposition; que la publicité ne peut devenir trompeuse que dans la mesure où l'importance de la diffusion est sans rapport avec la quantité de marchandises offertes, et où la clientèle normalement prévisible sera nécessairement très supérieure en nombre aux produits offerts à la vente; que la cour d'appel, qui se borne à constater qu'il manquait dans le magasin certains articles annoncés en promotion, sans rechercher si ces insuffisances de stock avaient été de nature à induire la clientèle en erreur, et si la publicité faite avait été notoirement exagérée par rapport aux stocks réellement offerts et à la clientèle normalement prévisible pour ce genre de produits, ni s'expliquer sur le cas de force majeure invoqué par les prévenus et tiré de la défaillance inopinée de certains fournisseurs, n'a pas donné de base légale à sa décision";

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que les prévenus ont en second lieu été poursuivis pour avoir commis des infractions à la publicité des prix, de nature à induire en erreur le consommateur, en annonçant dans des dépliants publicitaires le prix d'articles en vente promotionnelle alors que certains de ces articles n'étaient pas disponibles dans le magasin;

Attendu que les juges d'appel, estimant que ces faits n'avaient pas été poursuivis sous leur plus haute qualification pénale, ont, de ce chef, déclaré les prévenus coupables du délit de publicité de nature à induire en erreur;

Attendu que, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs la contravention, prévue par l'article 4 de l'arrêté du 2 septembre 1977 et réprimée par l'article 33 du décret du 29 décembre 1986 pris en application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est exclue du bénéfice de l'amnistie par l'article 2912° de la loi du 20 juillet 1988;

Attendu qu'il s'ensuit que les juges étaient en droit de donner à la poursuite la qualification qu'elle leur paraissait devoir comporter dès lors qu'ils puisaient les éléments de leur décision dans les faits mêmes dont ils étaient saisis;

Attendu que pour retenir à l'encontre des prévenus le délit de publicité de nature à induire en erreur, les mêmes juges relèvent que l'insuffisance en stock des produits offerts ne permettait pas de proposer leur vente promotionnelle dans des documents publicitaires alors qu'une telle vente implique l'existence en quantités suffisantes des marchandises offertes à la vente;

Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.