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Décisions

Cass. crim., 5 avril 1990, n° 89-80.463

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Ract-Madoux

Avocat général :

M. Lecocq

Avocats :

SCP Célice, Blancpain.

Paris, 13e ch., du 5 déc. 1988

5 décembre 1988

Cassation partielle sur le pourvoi formé par D Alain, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 5 décembre 1988 qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 francs d'amende et a ordonné la publication de la décision

LA COUR : - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 114, 118, 170, 174, 385 et 802 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a refusé de prononcer la nullité de l'information ;

"aux motifs que "le magistrat instructeur avait été valablement saisi des faits objet de la poursuite par le réquisitoire introductif du 20 septembre 1985 auquel étaient jointes les plaintes des dames Martin et Liou et que le prévenu avait été régulièrement inculpé le 19 septembre 1986 après qu'eut été versée au dossier une enquête de la Direction de la concurrence mettant en relief l'organisation de la société X, les modalités de son intervention et les infractions que son service estimait avoir été commises" ;

"alors qu'il ressort de l'examen du dossier d'instruction que, postérieurement à l'inculpation de D le 19 septembre 1986, la poursuite a été étendue par réquisitoire supplétif en date du 25 septembre 1986 (D 208) aux infractions dénoncées par le service des fraudes ; que ces nouveaux chefs d'inculpation n'ont à aucun moment été notifiés au prévenu qui n'a pu en prendre connaissance qu'à travers l'ordonnance de renvoi et qu'en refusant de constater la nullité encourue de ce chef, l'arrêt confirmatif attaqué a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que le demandeur fait vainement grief à la cour d'appel d'avoir rejeté l'exception de nullité de l'information, tirée de ce que de nouveaux chefs d'inculpation visés par le réquisitoire supplétif du 25 septembre 1986 ne lui auraient pas été notifiés, dès lors que cette juridiction relève que les documents publicitaires litigieux, seul fondement de la condamnation pénale, figuraient au dossier de l'enquête préliminaire au vu de laquelle a été signé le réquisitoire introductif du 30 octobre 1985 ; qu'il s'ensuit que les droits de la défense n'ont nullement été méconnus et que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré D coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;

"aux motifs que "les formules utilisées dans le cadre d'une très importante publicité "crise du logement, connais pas", "pour trouver votre prochain logement, il vous suffit de vous abonner aux Offres des propriétaires étaient de nature à persuader faussement de l'existence d'appartements en nombre suffisant pour satisfaire les demandes de location de toutes les personnes s'adressant à X" ;

"1°) alors que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 n'interdit pas la publicité hyperbolique qui se traduit par la parodie ou l'emphase dès lors qu'il est établi par référence à l'optique du consommateur moyen et en tenant compte du degré de discernement et du sens critique de la moyenne des consommateurs, que l'outrance ou l'exagération du message publicitaire ne peut finalement tromper personne ; qu'ainsi, en retenant comme élément constitutif du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur des slogans tels que "crise du logement, connais pas" et "pour trouver votre prochain logement, il vous suffit de vous abonner aux Offres des propriétaires, l'arrêt attaqué a violé par fausse application le texte susvisé ;

"2°) alors qu'il n'y avait aucune équivoque possible sur la nature et la portée des engagements souscrits par X dont le rôle était de diffuser des offres de location et qui ne pouvait de toute évidence, quels que soient les moyens mis en uvre pour remédier à la crise du logement, garantir à ses abonnés une parfaite adéquation de l'offre à la demande ; que d'ailleurs la publicité incriminée n'avançait aucun chiffre et ne comportait donc aucun élément de nature à induire en erreur sur le nombre des offres de location et de demandes susceptibles d'être satisfaites ; qu'ainsi l'arrêt attaqué qui reproche au prévenu d'avoir effectué de ce chef une publicité fausse ou de nature à induire en erreur, entache sa décision d'une insuffisance de motifs qui le prive de toute base légale au regard de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973" ;

Vu lesdits articles ; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Alain D, responsable d'une société, a proposé, aux candidats locataires de logements, un abonnement à une publication contenant des offres de propriétaires ; que pour condamner l'intéressé du chef de publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel relèvequ'aux périodes visées dans la prévention, la société ne disposait pas d'appartements disponibles en nombre suffisant pour satisfaire toutes les demandes de location dont elle était saisie et que les formules utilisées dans le cadre d'une très importante publicité : "crise du logement, connais pas", "pour trouver votre prochain logement il vous suffit de vous abonner aux offres de propriétaires", étaient de nature à persuader de l'existence d'appartements disponibles en nombre suffisant pour satisfaire les demandes de location de toutes les personnes s'adressant à cette société;

Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, alors que l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 n'interdit pas la publicité emphatique, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, faute d'avoir recherché si la négation d'une difficulté rencontrée quotidiennement pouvait tromper ou induire en erreur un consommateur moyen; que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs : Casse et annule, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, en date du 5 décembre 1988, mais seulement en ce qu'il a condamné D du chef de publicité de nature à induire en erreur ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, dans la limite de la cassation ainsi prononcée : Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.