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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 29 septembre 1999, n° 98-04972

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

MM. Castel, Seltensperger

Avocat :

Me Le Roux.

CA Paris n° 98-04972

29 septembre 1999

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LA PREVENTION:

L Véronique est poursuivie pour avoir, le 19 juillet 1995, à Jouy le Moutier, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, trompé ou tenté de tromper le contractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, sur les qualités substantielles, en commercialisant des boîtes de raviolis "pur boeuf" alors que l'analyse effectuée par le laboratoire de Massy a conclu à la présence de "protéines végétales texturées".

LE JUGEMENT:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a :

rejeté l'exception de nullité des opérations d'expertise,

déclaré L Véronique coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise,

faits commis le 19 juillet 1995, à Jouy Le Moutier,

infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

et, en application de ces articles,

vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,

l'a condamnée à 50 000 F d'amende avec sursis

Aussitôt le Président lui a donné l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal,

dit que Véronique L serait tenue au remboursement des frais d'expertise, conformément à l'article L 216-5 du Code de la consommation, a dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 F,

dont est redevable le condamné,

vu l'article 473 du Code de procédure pénale,

dit que la contrainte par corps s'exercerait, en cas de besoin, conformément aux articles 749 et suivants du Code de procédure pénale.

statuant sur l'action civile,

déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la société Produzioni Alimenti SRL (SPA),

rejeté quant au fond la constitution de partie civile de la société Produzioni Alimenti SRL (SPA),

débouté la société Produzioni Alimenti SRL (SPA) de sa constitution de partie civile à titre de dommages-intérêts et au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

DÉCISION:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par la prévenue et le Ministère public à l'encontre du jugement précité, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Par voie de conclusions conjointes Véronique L épouse S et la société E SARL demandent à la cour de:

- infirmer la décision entreprise,

- relaxer Madame Véronique L épouse S des fins de la poursuite,

Subsidiairement,

- condamner la société E à relever et garantir Madame L épouse S de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Elles soulèvent, avant toute défense au fond, la nullité de l'expertise pour non-respect du contradictoire et des droits de la défense ;

Elles soulignent en effet que l'expertise judiciaire n'a porté que sur un seul échantillon et contestent, dans ces conditions, le caractère contradictoire de cette mesure d'instruction ;

Elles font valoir par ailleurs le défaut de matérialité de l'infraction qui n'est rapportée par aucune preuve de droit commun étant observé qu'à l'inverse, une analyse effectuée le 16 septembre 1997 sur des produits identiques et fournis par le même fabricant (SILPA), sous la marque Bonano, fait apparaître l'absence de protéines végétales incorporées ;

Elles indiquent par ailleurs qu'il n'existe pas de législation italienne concernant la composition des raviolis et qu'en l'absence de règlements communautaires il convient d'appliquer la jurisprudence Cassis (Dijon), selon laquelle tout produit fabriqué conformément à la réglementation d'un Etat membre doit pouvoir circuler librement à l'intérieur du marché unique européen ;

Considérant que le fait de commercialiser des raviolis avec la mention "pur boeuf" alors que ce produit contient des protéines végétales constitue une tromperie manifeste à l'égard des consommateurs ;

Considérant que la "tolérance italienne" invoquée par Véronique L dans ses écritures, et la libre circulation des produits à l'intérieur du marché unique européen, sont sans incidence aucune sur les faits poursuivis dans la mesure où ce qui est reproché à la prévenue est l'apposition, en caractères gras, de la mention "pur boeuf", valorisante pour le consommateur, sur une denrée contenant en réalité des "protéines végétales texturées";

Considérant que vainement Véronique L soutient que l'élément intentionnel fait défaut en l'espèce ;

Que s'il est exact que la société E s'est fait remettre des certificats sanitaires "pour l'export" et a fait procéder à des analyses courant 1994, il n'en demeure pas moins que ces "auto-contrôles" se sont révélés complètement insuffisants ;

Qu'en effet, ainsi que rappelé à juste titre par les premiers juges les résultats d'analyses du 20 octobre 1994 émanant d'un laboratoire italien ne comportent aucun examen histologique de la farce et ne permettent donc pas de détecter la présence de protéines végétales texturées ;

Considérant que la cour confirmera le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité mais l'infirmera en répression, ainsi que précisé au dispositif, pour mieux tenir compte de la réelle gravité des agissements poursuivis ;

Considérant que la cour par ailleurs déclarera irrecevables les conclusions de la société E SARL, qui n'est pas appelante, étant rappelé que l'appel formé par Véronique L concerne les seules dispositions pénales;

Que la cour ne saurait, au demeurant, condamner une société citée en première instance en qualité de civilement responsable, à "relever et garantir" sa dirigeante des condamnations pénales prononcées à son encontre;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre de Véronique L, sur les dispositions pénales seules en cause d'appel ; Joint l'incident au fond ; Rejette l'exception de nullité des opérations d'expertise ; Déclare irrecevables les conclusions de la société E SARL ; Confirme le jugement dont appel sur la déclaration de culpabilité ; L'infirme sur la peine ; Condamne Véronique L à 30 000 F d'amende ; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.